Nicolas Bonnemaison et la fin de vie de retour devant la justice, en appel

L'ex-urgentiste Nicolas Bonnemaison, acquitté à Pau en 2014 pour avoir abrégé la vie de patients en phase terminale, est rejugé à partir de lundi 12 octobre par la Cour d'assises d'appel d'Angers, pour sept cas "d'empoisonnement". Il risque la réclusion à perpétuité.

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L'ancien urgentiste bayonnais, 54 ans, avait été acquitté "de la totalité des faits" en premier ressort en juin 2014 par les jurés de la Cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques à Pau, à l'issue d'un procès très émouvant pour tous ses protagonistes.
Au nom de l'accusation, l'avocat général avait requis cinq ans de prison, avec sursis possible sur l'intégralité de la peine, tout en reconnaissant que Nicolas Bonnemaison n'était "pas un assassin, pas un empoisonneur au sens commun de ces termes".

La Cour, elle, a estimé que le Dr Bonnemaison avait agi, en 2010 et 2011 dans son unité du Centre hospitalier de la Côte Basque à Bayonne, dans un "contexte bien spécifique". Il s'agissait de patients âgés, incurables, dont les traitements avaient été arrêtés, et même s'il n'a informé ni soignants ni famille, "il n'est pas démontré" qu'il avait "l'intention de donner la mort aux patients" dans le sens du Code pénal.

Durant ce procès, Nicolas Bonnemaison avait reconnu avoir injecté des produits létaux à ses patients, estimant avoir agi "en médecin comme je le conçois", "jusqu'au bout du bout". "On vit des choses fortes avec les patients en fin de vie, des choses qui marquent le médecin", avait-il déclaré.

Regardez le magazine de Sabrina Corrieri - France 3 Euskal Herri Pays basque : 
L'ex-urgentiste Nicolas Bonnemaison, acquitté à Pau en 2014 pour avoir abrégé la vie de patients en phase terminale, est rejugé à partir de ce lundi par la Cour d'assises d'appel d'Angers, pour sept cas "d'empoisonnement". Il risque la réclusion à perpétuité.


Le parquet général a fait appel

Le Parquet général de Pau avait jugé "nécessaire" de faire appel après l'acquittement, d'où le retour de Nicolas Bonnemaison devant une Cour d'assises, cette fois celle du Maine-et-Loire, jusqu'au 24 octobre.

Bien qu'acquitté, Nicolas Bonnemaison a été radié de l'Ordre des médecins en juillet 2014, radiation confirmée quelques mois plus tard par le Conseil d'Etat. Un recours contre cette décision a été introduit auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme. Depuis mai toutefois, il a retrouvé "un poste non médical" dans un service administratif du même hôpital.

Des explications et une condamnation

Si aucune famille des sept victimes, décédées entre mars 2010 et juillet 2011, n'a porté plainte à ce jour, deux d'entre elles se sont constituées parties civiles:
  • Yves Geffroy, fils d'André Geffroy,
  • et les époux Iramuno, fils et belle-fille de Catherine Iramuno.
André Geffroy, 92 ans et Catherine Iramuno, 86 ans, étaient décédés en février et avril 2011 après que le Dr Bonnemaison leur eut administré de l'hypnovel (une molécule qui calme l'anxiété, accélère l'endormissement et favorise le relâchement musculaire) sans informer les familles. Des faits dénoncés ultérieurement par des soignants de l'unité où ces patients sont décédés.

Les époux Iramuno attendent du procès en appel "des explications et une condamnation", a indiqué leur avocate, Me Valérie Garmendia. "Il y a un problème entre la motivation de la Cour d'assises, qui n'a pas reconnu l'élément intentionnel, et les propos tenus par M. Bonnemaison à Pau", renchérit Me Thierry Cazes, l'avocat d'Yves Geffroy. "Il a déclaré qu'il voulait soulager la souffrance du père de mon client, l'abréger, y mettre fin. Quelle que soit la sémantique, il y a eu passage à l'acte", estime-t-il.

Symbole du débat sur la fin de vie

Comme à Pau, plus de 60 témoins sont attendus, dont les anciens ministres  (tous deux médecins) Bernard Kouchner et Jean Leonetti,
pionnier de la loi sur la "fin de vie" et co-auteur de la proposition de loi qui vient d'être adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant un "droit à la sédation profonde et continue", un endormissement jusqu'au décès.
"Il est important que Jean Leonetti vienne nous parler de ces lois", souligne Me Arnaud Dupin, un des deux avocats de Nicolas Bonnemaison. "La difficulté à légiférer démontre l'incapacité du législateur et des politiques de se mettre en accord sur la question de la fin de vie. Pendant ce temps, les médecins et les patients souffrent", souligne-t-il.

L'association de soutien à Nicolas Bonnemaison a recueilli 86.000 signatures et des adhérents viendront le soutenir à Angers, comme Patricia Dhooge, veuve d'une des victimes décédée en 2010, qui dénonce "un acharnement de la justice sur un seul homme, pour servir d'exemple".

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