En 1930, six hommes et une femme ont passé neuf mois coupés du monde sur Saint-Paul, un îlot français perdu de l’océan indien. Quatre sont morts sur place. Pour la première fois, l’administration des TAAF et une association vont leur rendre hommage.
A près de 3000 km de La Réunion, l'île Saint-Paul est, avec sa voisine Amsterdam, l’un des districts de la collectivité des TAAF, les terres australes et antarctiques françaises. C’est une minuscule île volcanique inhabitée où ne se sont aventurés au cours des siècles que des chasseurs de phoques ou d’otaries, et des pêcheurs. Aujourd’hui classée en réserve naturelle intégrale, il est interdit d’y débarquer sans autorisation.
C’est dans cet environnement hostile qu’à la fin des années 20 les frères Bossière, armateurs du Havre qui exploitaient déjà l’huile d’éléphants de mer aux Kerguelen, ont installé une conserverie de langoustes. Des Bretons et des Malgaches avaient été recrutés pour y travailler. Les premiers, réputés pour la qualité de leurs conserveries, avaient été attirés par les promesses d’un bon salaire. Les seconds, embarqués pendant l’escale à Madagascar, étaient une main d’œuvre bon marché.
9 mois seuls
Après une première campagne très fructueuse pendant l’été austral 1928-1929 (400 000 boites de conserve de langoustes rapportées dans les cales du bateau), une seconde campagne débute à l’automne 1929. Lors du départ du bateau en mars 1930, 7 personnes (6 hommes et la femme enceinte de l’un d’eux) acceptent de rester pour garder les installations soumises aux caprices du vent et de la pluie. On leur avait promis qu’un bateau passerait 3 mois plus tard pour les ravitailler : ils vont passer 9 mois sans voir âme qui vive.Emmanuel Puloch, Victor Brunou et le jeune Malgache François Ramamongi y laisseront la vie, emportés par le scorbut. Pierre Quillivic disparut en mer alors qu’il était parti pêcher et la petite Paule née sur place ne survivra que deux mois. Louise Brunou, Julien Le Huludut et Louis Herlédan seront récupérés le 6 décembre 1930, à l’arrivée du bateau pour une troisième campagne (qui se soldera par la mort de 44 Malgaches emportés par une épidémie de béribéri et mettra un terme à l’histoire de La Langouste Française). Leur retour fut suivi par un procès long et difficile. Malgré l’octroi d’un maigre dédommagement, ils ne toucheront jamais rien.
Une double cérémonie
Une tragédie restée dans les mémoires sous le nom des « Oubliés de Saint-Paul » et dont on va, cette année enfin, célébrer la mémoire. L'administration des TAAF et l'association bretonne "Faire vivre le souvenir des Oubliés de l'île Saint-Paul" ont prévu en fin d'année une double cérémonie, à Saint-Paul (en présence de Maryvonne Tatéossian-Le Huludut, fille de Julien Le Huludut) et à Concarneau, région d’où étaient originaires les Bretons, avec la dépose d’une plaque.Les TAAF émettront également un timbre en leur mémoire et un projet pédagogique avec des élèves de l’académie de Rennes est en préparation. Parallèlement, l’association créée par Dominique Virlouvet, petite nièce de Julien Le Huludut, qui compte également des personnalités comme Isabelle Autissier ou Emmanuel Lepage pour ne citer qu’eux, organise des conférences pour faire connaître l’histoire.
L'histoire des TAAF est marquée par d'autres tragédies. L'une d'entre elle, "Les oubliés de Tromelin" fait l'objet d'une BD sortie récemment.