A Reims, des détenus en fin de peine réapprennent à "être utile aux autres"

Cinq volontaires de la maison d'arrêt de Reims, en fin de peine, font des actions civiques dans le but de favoriser leur réinsertion dans la société. Un travail aussi utile pour avoir un aménagement de peine. Car ceux qui en bénéficient récidivent moins que les autres détenus.

"On a l'impression de servir à quelque chose" : pendant deux jours, cinq détenus de la maison d'arrêt de Reims (Marne), tous en fin de peine, s'activent à restaurer les sépultures de civils morts durant les deux guerres mondiales, délaissant la "routine" carcérale au profit d'une activité censée favoriser leur réinsertion.

"C'est tout sale, alors on passe un coup de grattoir pour enlever la poussière et après on met un coup de peinture par-dessus", explique Steve, 25 ans, un rouleau dans ses mains constellées de tâches de peinture blanche tandis qu'il s'affaire sur une des 88 tombes de victimes civiles de la guerre que compte le cimetière du Sud.

Ce grand gaillard, portant le même uniforme que ses collègues - t-shirt jaune et pantalon bleu - fait partie des cinq détenus, sur les 37 volontaires, retenus par l'administration pénitentiaire pour participer à cette opération réservée à ceux en fin de peine, libérables dans huit mois au plus tard. Non loin, trois "accompagnateurs" - c'est le vocable officiel - s'assurent que tout se passe bien.

Moins de récidives


"C'est un beau geste pour tout le monde, on doit s'entraider, être solidaires", confie le jeune homme, sans diplôme mais débrouillard, qui se verrait bien "travailler dans le bâtiment" à sa sortie de prison, d'ici deux mois si sa peine est aménagée.

Quatre détenus sur cinq sortent sans aménagement de peine, alors que le taux de récidive est plus faible chez ceux qui en ont bénéficié, selon un document de 2014 du ministère de la Justice : 55% (et même 39% pour les bénéficiaires d'une libération conditionnelle) contre 63% chez les ex-détenus en "sortie sèche".

Dans ce cimetière de 7 ha coincé entre la sortie de Reims et les immeubles, le petit groupe répète les mêmes gestes en silence : arracher les mauvaises herbes, gratter la mousse, peindre et disposer des fleurs sur chaque sépulture laissée à l'abandon.

"Je me suis attardé sur celle-là, j'ai vu que c'était un bébé" qui y reposait, montre John, 33 ans, libérable dans seize jours après deux mois de détention passés "à quatre personnes dans une cellule de 12 m2".

"On est délaissé en prison, on est posé comme ça en cellule, c'est la routine dodo-gamelle-promenade... et les parloirs, trois fois par semaine. Au moins là, ça nous occupe l'esprit et on fait quelque chose de nos mains", estime cet ancien menuisier aux multiples tatouages.

Cordon ombilical


"L'idée est de leur montrer qu'ils ont la capacité de travailler et d'être utile aux autres", explique Pascal Mohin, adjoint au directeur départemental du SPIP (Service pénitentiaire d'insertion et de probation). Cet engagement, souligne-t-il, est "pris en compte pour les aménagements de peine comme la semi-liberté ou le bracelet électronique".

Aux yeux de Joël Bigayon, directeur de la maison d'arrêt de Reims où dorment 148 personnes, ce type d'actions permet aux détenus de "s'investir", "retrouver l'estime de soi" et de "garder une place dans la société". Elles sont "le cordon ombilical entre la société et le milieu carcéral: le jour où ça se coupe, on ne pourra plus jamais réinsérer quelqu'un", assure-t-il.

John, lui, semble moins convaincu: "y a pas de réinsertion. Ils nous jettent dehors comme ça. Là on est dans le zoo, demain on nous rejettera dans la jungle".

Outre ces restaurations de sépultures, instaurées l'année dernière, la maison d'arrêt de Reims inaugurera la semaine prochaine une fresque réalisée par des détenus encadrés par des artistes rémois et proposera à huit détenus une rencontre à l'extérieur avec des agents de Pôle emploi.

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