A Elbeuf, on se souvient encore de Knobelspiess, le braqueur devenu célèbre

Roger Knobelspiess est mort ce dimanche (19 février 2017). Originaire d'Elbeuf (Seine-Maritime), il a passé 26 ans en prison et dénoncé dans ses différents livres la condition carcérale, notamment celle des quartiers de haute sécurité (QHS)

QHS

C'était la fin des années 80. Celles de Giscard, du groupe Trust (et de son refrain "Anti social"), de Mesrine et de Roger Gicquel qui, le soir à la télé, présentait le JT et faisait rimer  20 heures et le mot peur…
C'est justement aux infos, surtout à la radio, que l'on a appris à se familiariser avec la prononciation du nom de famille d'un autre bandit célèbre (autre que Mesrine) : un certain Roger Knobelspiess. Un prisonnier grâce à qui les Français ont découvert l'existence des QHS et de l'isolement imposé à leurs occupants.

Il a utilisé les mots pour se défendre et sortir de sa condition. Roger Knobelspiess a écrit plusieurs livres. A été gracié. A braqué. S'est retrouvé à nouveau aux Assises et en prison. A continué d'écrire et a même fait du cinéma. Célèbre…

"Tous les copains l'appelaient Klop'"

Au lendemain de l'annonce de sa mort, l'Elbeuvien Dan Lemmonier se souvient de Roger Knobelspiess (► Lire plus bas dans cette page). Du copain d'avant avec qui il a partagé des années d'enfance dans le même quartier.

Dan Lemonnier évoque ses souvenirs à Jean-Marc Pitte et Hervé Colosio


Un concert à Rouen pour Knobelspiess

Quelques mois après l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République, un "collectif" de nombreux artistes, intellectuels et personnalités s'est créé pour rappeler aux plus autorités autorités du pays le sort de Roger Knobelspiess et son combat contre les QHS. C'est ainsi qu'un concert fut organisé à Rouen le lundi 5 octobre 1981 au Studio 44, place des Chartreux à Petit-Quevilly (salle qui changea de nom quelques années plus tard pour s'appeler l'Exo 7).

Dans la salle de concert (et discothèque) plus de 1200 personnes (la grande majorité assises par terre) sont venues entendre un plateau de chanteurs et d'artistes dont Lény Escudero, Francis Lalanne, Yvan Dautin, Gérard Pierron. Font et Val, France Léa, Thierry le Luron, Georges Moustaki.

Sur la scène du 44 (là où habituellement se produisaient les plus grands noms du rock) le public eut droit à une étonnante et lumineuse plaidoirie de Frédéric Pottecher.

Quant à Thierry Le Luron, arrivé de Paris en Rolls (qu'il demanda à garer dans la petite allée qui longe la salle), il est entré par la porte de service durant la soirée, après être resté enfermé un moment dans la réserve du bar du Studio 44. Une fois sur scène il fut copieusement sifflé et hué par le public avant de pouvoir prendre la parole et expliquer que, lui aussi, venait défendre la cause de Roger Knobelspiess et réclamer la fin des quartiers de haute sécurité.

La totalité de la soirée fut enregistrée sur des bandes magnétiques, puis découpées en plusieurs séquences copiées sur des cassettes audio qui furent ensuite transmises à Roger Knobelspiess..
"Klop s’est évadé pour l’éternité… " par Dan Lemonnier - Journaliste / Photographe
Dan Lemonnier collabore (textes et photos) à la presse nationale, régionale et locale depuis 1973. Pendant 20 ans, il a été journaliste/photographe territorial au journal municipal de la ville de Saint-Etienne-du-Rouvray. En retraite depuis fin 2007, il poursuit son travail de pigiste, notamment pour le Journal d’Elbeuf (bihebdomadaire régional). Autodidacte en photo, Dan a suivi une formation de journaliste au CFPJ de Paris.

Voici le texte envoyé par Dan Lemonnier à Jean-Marc Pitte pour publication dans cette page :

Klop s’est évadé pour l’éternité…
Nous habitions le même quartier, moi au cœur du Puchot, lui un peu plus loin, place du Marché aux fleurs, près de l’église Saint-Jean d’Elbeuf. On a usé nos fonds de culottes sur les mêmes bancs de l’école Voltaire. Roger Knopelspiess, tous les copains l’appelaient « Klop », par rapport à la difficulté de prononcer son nom, était chez les « grands » puisque deux ans plus âgé que moi.
Sortis de l’école primaire à 14 ans, nous nous sommes perdus de vue pour entrer dans la vie active. Et puis la prison a fait son œuvre pour « Klop ». J’ai donc fréquenté son frère Jean, passionné comme Roger de belles voitures.

J’ai retrouvé Roger (si l’on peut dire) en 1981, à la cour d’assisses de Rouen au cours de son procès. Lui dans le box des accusés, moi dans la salle du tribunal sur le banc comme témoin de moralité d’un de ses lieutenants.
Libéré sur grâce présidentielle, par François Mitterrand, Roger rendait régulièrement visite à sa belle sœur (veuve de Jean) et sa nièce et son  neveu qui habitaient le même immeuble que moi à Cléon. Lorsque nous nous croisions dans les couloirs nous échangions quelques mots amicaux. Mais pas de confidences, Roger se méfiait de la presse locale : je collaborais déjà au Journal d’Elbeuf, qui avait pourtant pris sa défense dans plusieurs papiers.

En 1987, retour à la cour d’assisses, mais cette fois direction Palaiseau, dans l’Essonne. Où Klop fut acquitté.
J’ai lu la plupart de ses livres qui dénoncent les conditions carcérales (QHS, l’acharnement) et ses romans qui évoquent sa jeunesse et sa vie (le Roman des Ecameaux, Voleur de poules).
Enfin libre en 1990, Roger se retire dans l’Yonne, non loin de Chablis.
Dans les années 2000 j’ai revu Roger dans les coulisses du concert de Guy Marchand sur le champ de foire d’Elbeuf nous nous sommes salués. Il était incognito entouré de quelques membres de sa famille.

Puis nous nous sommes retrouvés grâce aux réseaux sociaux. Klop m’a accepté comme « ami » et nous échangions régulièrement. Le 12 janvier 2015, Roger m’écrit « j’aurai plaisir à boire un verre avec toi lors d’une visite à Elbeuf ». Une invitation restait sans lendemain. Je le regrette aujourd’hui qu’il s’est évadé pour l’éternité…
Dan LEMONNIER, correspondant de presse.
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