Un Russe de 93 ans, ancien maquisard durant la seconde guerre mondiale cherche à retrouver son amour datant de 1944. Nikolaï Vassenine veut la "retrouver coûte que coûte".
C'est une histoire insolite qui nous est contée. Pendant plus de 60 ans, dont une quinzaine au goulag stalinien, Nikolaï Vassenine, ancien combattant des forces nazies sur le territoire français, a gardé secret son amour remontant à la Seconde guerre mondiale et à sa participation au maquis dans le sud de la France.
Né en 1919, Nikolaï Vassenine est mobilisé pour combattre les troupes hitlériennes, entrées en Union Soviétique en juin 1941. Le 9 juillet 1941 son régiment est encerclé près de Minsk, dans l'actuel Bélarus. Nikolaï, blessé, et 400.000 autres soldats soviétiques, sont fait prisonniers par les nazis.
Engagé avec les maquisards
Après une tentative d'évasion ratée de son camp de Nuremberg, Nikolaï est envoyé dans un camp de travail en France. Là, son plan d'évasion réussit et le jeune Soviétique rejoint le maquis français, dans le département de la Drôme. C'était en octobre 1943. "Je ne parlais pas un mot de français. Les maquisards ne me croyaient pas au début. Mais après mon premier combat, leur attitude a changé", se souvient avec fierté le vieil homme.
Assez vite, le Russe se voit confier la direction d'un détachement de 25 maquisards, baptisé plus tard "le groupe Nicolas". Selon un rédacteur français de la radio internationale russe La Voix de la Russie, Laurent Brayard, qui a fait une recherche sur le sujet, "les Soviétiques évadés avaient en effet été pris en charge dans le nord de la Drôme par les capitaines FFI (Forces Françaises de l'Intérieur) Monot et Fanget".
"Nikolaï Vassenine servait dans une compagnie près de Saint-Sorlin-en-Valloire et participait à divers combats dont celui de Saint-Rambert-d'Albon, dans le nord du département", a indiqué M. Brayard. "Les maquisards menaient un drôle de combat : en partant à une opération, ils prenaient leur café avec eux et vers midi ils rentraient pour manger", se souvient pour sa part Nikolaï Vassenine.
Les Britanniques approvisionnaient le maquis en armes. Et avec leurs télégrammes codés, "le groupe Nicolas" devait accueillir des parachutistes. Blessé à la jambe lors d'une opération, le Russe est hébergé dans la maison de son capitaine, Gérard Monot. Il y est soigné par la fille de la maison, Jeanne, de quatre ans plus jeune que lui.
"J'étais pauvre"
"Une brune, sans rien de spécial... ", fait mine de croire Nikolaï Vassenine, qui ajoute qu'il en est aussitôt tombé amoureux. En septembre 1944, après l'arrivée des troupes anglo-américaines, Nikolaï, retrouvé par les siens, doit partir à Paris, auprès de l'état-major de la mission soviétique.
"Avant de partir, j'ai demandé la main de Jeanne à Gérard", se souvient le vieil homme. "Notre discussion à trois a été un peu houleuse, parce que le capitaine s'y est opposé catégoriquement", raconte-t-il. "Sans doute parce que j'étais pauvre", estime le vieil homme. "Et Jeanne... elle en a été triste, mais elle avait peur de son père", dit-il.
Le Russe doit repartir. Au printemps 1945, juste avant la fin de la guerre, il débarque au port soviétique d'Odessa, sur la mer Noire. Comme beaucoup d'ex-prisonniers des nazis, accusés de trahison par le régime stalinien, il est aussitôt arrêté, puis condamné à 15 ans de camp. Sa peine est transformée au bout de quelques années -- il ne se souvient plus quand exactement, mais probablement à la mort de Staline en 1953 -- en assignation à résidence en Sibérie.
Chevalier de la Légion d'Honneur
Il épouse Zinaïda, une géologue de passage dans la mine où travaillaient les condamnés. Il n'est réhabilité qu'avec la perestroïka, peu avant l'éclatement de l'URSS, fin 1991.
Depuis la mort de Zinaïda il y a cinq ans, le vieil homme, père de trois enfants, vit seul dans un petit appartement à Novoberezovski, près d'Ekaterinbourg, dans l'Oural. En 2005, son histoire révélée et contact pris avec le Consulat français à Ekaterinbourg, il est fait chevalier de la Légion d'Honneur. Selon Laurent Brayard, il est le
seul survivant de sa compagnie du maquis de la Drôme.
Il s'est juré de vivre au moins jusqu'au jour où il pourrait revoir Jeanne, et ses proches ont pris contact avec les autorités françaises dans l'espoir de la retrouver. "Je t'aime" sont les seuls mots qu'il saura encore dire en français, confie-t-il, "mais ce sera suffisant".