Le collège-lycée international Cévenol, au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), placé en redressement judiciaire, a le plus grand mal à se relever après le meurtre de la jeune Agnès, une interne, par un autre élève de l'établissement en 2011.
Le 18 novembre 2011, Matthieu, un lycéen de 17 ans, avait mené les enquêteurs jusqu'au corps carbonisé d'Agnès, 13 ans, disparue deux jours plus tôt. Le collège Cévenol, établissement sélect fondé par des protestants en 1938, était alors pointé du doigt pour avoir accueilli dans ses murs le meurtrier présumé, qui venait d'effectuer quatre mois de détention provisoire pour viol.
Lors d'un entretien téléphonique avec l'AFP, Laurent Pasteur, vice-président de l'association gérant le Cévenol, a dit ne pas vouloir "contre-argumenter devant cette situation absolument monstrueuse". "Mais quand nous avons accueilli Matthieu, c'est un élève qui se présentait normalement", a-t-il souligné. "Nous n'étions pas informés qu'il était sous contrôle judiciaire, qu'il était sous suivi psychiatrique, et qu'il avait violé quelqu'un". A la barre jeudi, une éducatrice de la Protection judiciaire de la jeunesse en charge du suivi de Matthieu en 2010-2011 a expliqué que le secret professionnel lui interdisait d'informer le collège sur les raisons des poursuites judiciaires.
Le directeur du collège à l'époque des faits, Philippe Bauwens, a quant à lui assuré ignorer qu'il devait rendre compte des problèmes de l'adolescent à la PJJ, expliquant que l'accusé avait été notamment exclu une semaine pour avoir visionné un site pornographique. L'établissement privé sous contrat, dont la devise est "humanisme et tolérance", est connu pour accueillir des élèves en difficulté avec leur famille. "Il est évident que le Matthieu qui existe, et pas celui qu'on nous a présenté, n'a pas sa place au collège Cévenol, car pour accompagner un jeune comme ça, il faut un encadrement professionnel".
Lors de l'audience jeudi devant la Cour d'assises du Puy-en-Velay, l'avocate générale Jeanne-Marie Vermeulin a cité un rapport de l'inspection générale de l'Éducation nationale dénonçant: "un laxisme très important, un manque de rigueur caractérisé (...) la -pause clope- est une institution". La magistrate a également relevé que Matthieu et la "copine" qu'il avait au collège avaient "des relations sexuelles quasi quotidiennes" dans l'internat. "Des tas de petites choses ont changé au Collège depuis ce rapport", a répondu Laurent Pasteur, évoquant "une meilleure rigueur, une meilleure procédure".
A la veille du verdict dans le procès du meurtre d'Agnès, jeudi, le collège sera fixé sur son propre sort, puisque le tribunal d'instance du Puy-en-Velay doit rendre sa décision sur la validité du plan de redressement judiciaire de l'établissement. "Ça fait vingt ans que l'établissement était en déréliction", a raconté à l'AFP Laurent Pasteur, "depuis les années 90 alors que l'internat devenait moins attractif en France".
L'établissement privé qui accueille des pensionnaires du monde entier est ensuite victime, dans les années 2000, "d'une limitation très forte des visas accordés aux élèves étrangers" selon son vice-président. Configuré pour accueillir 500 élèves, le Cévenol enchaîne alors les plans sociaux.
En 2010, une équipe nouvelle reprend la direction, et pour la première fois à la rentrée de septembre 2011, les effectifs sont en hausse, de 108 à 180 inscrits. "Deux mois après est survenu le drame, et ça a rendu impossible toute communication sur le collège", se souvient Laurent Pasteur. "Le drame a provoqué une rupture de capacité financière sur une structure qui était fragile mais qui tenait", a résumé le vice-président de l'association.
Alors que le nombre d'élèves inscrits ne cesse de chuter, le collège est en proie à de grosses difficultés de trésorerie. Il a été placé en redressement judiciaire début mai 2013, avec une période d'observation de six mois. Dans une lettre adressée aux anciens et aux amis du Cévenol le 9 juin, la direction disait devoir réunir, "au minimum, 250 000 euros avant le 27 juin 2013". "A défaut, la liquidation sera prononcée et le Collège fermera", écrit la direction.