L'avocat de la famille de la jeune Agnès, dont le meurtrier présumé est jugé à huis clos depuis le 18 juin devant les assises de Haute-Loire, "engagera vraisemblablement un procès contre l'État pour le dysfonctionnement de la justice", a annoncé jeudi son avocat, Me Francis Szpiner.
"Tout le monde a pu voir (au cours de ce procès), qu'elle n'avait pas fonctionné normalement", a-t-il déclaré aux journalistes avant l'ouverture des débats. Dans le suivi judiciaire de Matthieu, jugé devant les assises de Haute-Loire pour l'assassinat et le viol d'Agnès Marin, 13 ans, dont le corps avait été retrouvé partiellement calciné en novembre 2011 au Chambon-sur-Lignon, des défaillances avaient été relevées, lors des deux uniques séances non frappées de huis-clos, lors de la première semaine du procès.
Consacrées aux témoignages de personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du Gard, aux psychiatres et psychothérapeutes ayant suivi l'accusé après un précédent viol commis sous la menace d'une arme en août 2010 dans le Gard, ces deux séances avaient révélé des failles dans le contrôle judiciaire obligeant le jeune homme à se soumettre à un suivi psychiatrique ou psychologique.
Mercredi, la Cour a entendu, au cours d'une séance particulièrement tendue, le Dr Claude Aiguevives, un pédopsychiatre qui avait rendu à l'automne 2010 un rapport concluant à la non dangerosité de Matthieu, et qui avait conduit à sa remise en liberté. Ce rapport avait été contredit, deux ans plus tard, par celui de deux autres médecins évoquant eux, une "dangerosité majeure" et une "jouissance de destructivité".
Évoquant le rôle des experts, la grand-mère d'Agnès a fustigé jeudi "tous ces gens irresponsables, ces soi-disant psy qui par paresse, par incompétence, ont, comme dans une tragédie grecque où chacun joue son rôle, mené ma petite-fille dans la tombe".
Les débats se poursuivaient à huis clos jeudi, dans un climat pesant. Dans la matinée, la Cour a entendu les parents et les grands-parents d'Agnès, aux témoignages très difficiles, selon les personnes présentes, puis celui de Matthieu. "Nous avons parlé de ce qu'on a vécu, c'était très très dur", a déclaré à la presse, très émue, la mère d'Agnès, Paola Marin.
L'après-midi devait être consacré aux plaidoiries des parties civiles. Me Szpiner a indiqué qu'il allait s'attacher à ce que "les jurés aient bien conscience de qui est Matthieu", et mettre l'accent sur "sa dangerosité". "C'est un garçon qui a été élevé dans un milieu favorisé, il a été aimé, protégé par une famille qui n'était pas désunie", a-t-il dit.
"C'est un garçon qui est responsable de ses actes, qui a conscience de ce qu'il a fait. Il est allé en prison, il a vu des psychiatres et il a recommencé", a-t-il ajouté. Selon l'avocat de la famille d'Agnès, "son attitude durant le procès a montré qu'il n'a pas progressé. Il a conscience de faire le mal et y trouve du plaisir. C'est un pervers", a-t-il tranché.
Mme Marin, a évoqué un accusé "complètement absent, qui ne montre aucune empathie, qui dit -peut-être, je ne me souviens pas- et qui s'est endormi pendant qu'on montrait les photos de l'autopsie" de sa fille.
Me Valérie Devèze-Fabre, l'avocate de Julie, la première victime de Matthieu a indiqué qu'elle souhaitait "démonter le mécanisme qui a abouti à ce qu'a subi sa cliente" de la part de Matthieu, à travers notamment "les personnalités de l'un et de l'autre", et toutes les "conséquences dommageables" pour la jeune fille. L'avocate a par ailleurs précisé qu'elle allait demander vendredi matin la levée du huis clos pour les réquisitions du ministère public.
Les avocats généraux Loïc Eyrignac et Jeanne-Marie Vermeulin requerront successivement sur les faits et sur la personnalité de l'accusé.
Le verdict est attendu vendredi dans la soirée.