La ville de Villeurbanne rend hommage aujourd'hui à Patrice Chéreau qui fût co-directeur du TNP de 1971 à 1977 : "Nous perdons l'un des plus brillants artistes de sa génération". D'autre part, un tweet ministériel polémique met en émoi les réseaux sociaux.
"Nous perdons l'un des plus brillants artistes de sa génération". C'est en ces termes que le maire de Villeurbanne rend hommage à celui qui fût co-directeur du TNP de 1971 à 1977. Jean-Paul Bret souligne que c'est Roger Planchon qui avait eu "la formidable intuition d’associer ce jeune créateur à la vie artistique du premier théâtre décentralisé de France". "Nous perdons aujourd’hui l’un des plus brillants artistes de sa génération mais aussi l’un des plus prolixes. Comme si Chéreau n’avait jamais oublié la leçon de Planchon : «Ne jamais s’arrêter. Pas une seule journée. Quoi qu’il arrive répéter, mettre en scène, jouer, reprendre, tourner».
Sur son blog, Gérard Collomb rend aussi hommage à l'une des plus brillantes figures de la scène culturelle française et européenne. Il rappelle que Chéreau avait dès 1969 ébloui le public lyonnais par sa mise en scène de Dom Juan au théâtre du 8e.
La ministre Michèle Delaunay, ministre déléguée aux personnes âgées, a pour sa part suscité l'indignation sur le web en tweetant ce message : "Mort de Patrice Chéreau d'un cancer du poumon. N'est-ce pas la cigarette qu'il faudrait vendre en pharmacie et fermer dans le coffre à toxiques?", a tweeté d'abord la ministre en début de soirée.
Les vives réactions sur la toile l'ont amené un peu plus tard à repréciser sa pensée : "J'ai écrit ce tweet en tant que "médecin" (...) :"Je ne supporte plus la mort du tabac, y compris celle d'un homme si talentueux (...). Aucune ironie. Une immense tristesse de voir le talent une fois de plus fauché par une arme légale (...)"
Un très grand cinéaste et homme de théâtre
Patrice Chéreau, l'un des maîtres de la scène européenne depuis plus de quarante ans, mort lundi à Paris à l'âge de 68 ans, est salué comme "un très grand cinéaste, en plus d'un grand metteur en scène de théâtre et d'opéra", mais aussi comme "un homme magnifique". Né le 2 novembre 1944 à Lézigné (Maine-et-Loire), cadet de deux garçons, Patrice Chéreau grandit à Paris. Il se passionne pour le cinéma, découvre le théâtre au lycée Louis-le-Grand. A 16 ans, il monte sur un plateau. Il n'en descendra plus.
Il manifeste à Charonne en 1962 contre la guerre d'Algérie, soutient Vaclav Havel à Prague fin 1979, projette "La Reine Margot" à Sarajevo en plein siège, fin 1994. En 2000, l'extrême-droite participe au gouvernement autrichien : il boycotte le festival de Salzbourg.
Cet engagement marque ses débuts au Théâtre de Sartrouville puis son parcours sous les auspices de Giorgio Strehler à Milan puis de Roger Planchon à Villeurbanne. Au TNP, "La Dispute" de Marivaux (1973) ou "Peer Gynt" d'Ibsen (1981) font date.
La rencontre avec Koltès le bouleverse : de 1982 à 1990, il crée ses pièces ("Combat de nègres et de chiens", "Dans la solitude des champs de coton"...) au Théâtre des Amandiers de Nanterre, jouant aussi Jean Genet ou Heiner Muller et formant une nouvelle génération d'acteurs durant huit années d'effervescence.
Son "Hamlet" marque le Festival d'Avignon en 1988. Il s'éloigne du théâtre après la mort en 1989 de Koltès, fauché comme d'autres amis par le sida. Mais son "Phèdre" triomphera en 2003 et il multiplie les lectures comme "Coma" de Pierre Guyotat.
A l'opéra, où la Tétralogie montée avec Boulez pour le centième anniversaire du Festival de Bayreuth, en 1976, l'a rendu mondialement célèbre, il collabore avec Barenboïm ("Wozzeck" en 1992, "Tristan et Isolde" en 2007), Daniel Harding ("Cosi fan tutte", 2005) et Boulez toujours (après "Lulu" en 1979, "De la maison des morts" en 2007).