En plein cœur de l’Allier, l’Huilerie de Lapalisse n’est pas une entreprise comme les autres. Fondée en 1898, elle a su surmonter les difficultés au fil des années, tout en restant dans le giron familial. Le process est le même, avec des fruits, une meule, des fours et des presses. La PME est présente au SIRHA, le salon international de la restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation qui se tient à Lyon jusqu'au 27 janvier.
L’Huilerie de Lapalisse a vu le jour à la toute fin du XIXe siècle. C’est en 1898 qu’Abel Paillard devient maître huilier, dans un petit village du Bourbonnais, à Lapalisse, transformant les nombreuses noix de la région. Philippe Chervier, président de l’Huilerie de Lapalisse, raconte : “C’est mon arrière-grand-père Abel Paillard qui a acheté un petit moulin dans le centre de Lapalisse, en 1898. À l’époque, il y avait beaucoup de moulins. Il fabriquait de l’huile de noix et de colza grillé, les matières premières de l’époque. Il transfère le moulin rue Charles-De-Gaulle où l’on est situé aujourd’hui. Il rajoute la fabrication de l’huile de lin, qui sert à faire des cataplasmes pour les bronches”. Au fil du temps, son arrière-grand-mère puis sa grand-mère intègrent l’entreprise. Puis c’est au tour de son père, Abel, qui reste dans la société jusqu’à ses 90 ans. Ensuite, Philippe et son frère Pierre prennent le relais : Philippe est le seul aux commandes à partir de 2014.
52 salariés aujourd'hui
Désormais, la PME familiale affiche un chiffre d’affaires annuel de 32 millions d’euros. Elle compte 52 collaborateurs. Son site de Lapalisse s’étend sur 6 hectares, avec 11 000 m² de bâtiment, 4 lignes de production et 4 lignes de conditionnement. L’Huilerie de Lapalisse a su évoluer : “Aujourd’hui on s’est recentré sur des produits un peu sophistiqués, de niche. Il y a toujours l’huile de noix, le colza grillé mais à cela on a rajouté beaucoup d’huiles : la noisette, l’amande, le sésame. On a rajouté des produits bio depuis une quinzaine d’années, comme la noix, le sésame, l’olive”. Pour se démarquer des grands groupes, la stratégie de l’entreprise est d’aller voir des clients avec un cahier des charges exigeant, comme L’Oréal, Blédina. L’entreprise a survécu, “non sans difficultés” concède son président. Philippe Chervier poursuit : “On était très industriel et il a fallu en 2003 et en 2015 réécrire une stratégie pour aller vers des cahiers des charges compliqués. Par exemple, on vendait 3 000 tonnes d’huile de colza raffinée à Barilla. On gagne autant d’argent en faisant 150 tonnes chez Blédina”.
Un quart du chiffre d'affaires à l'export
L'entreprise a recentré son travail sur des huiles de spécialité. Elle produit ainsi de l’huile de lin avec des graines françaises. Pour les huiles bio, elle ne prend que des graines françaises. “On achète peu de matière première en France. Une partie des cerneaux de noix vient d’Europe de l’Est (Roumanie, Ukraine et Moldavie) car les fruits français sont très chers” indique Philippe Chervier. Les produits sont distribués auprès des collectivités (5% du chiffre d’affaires), des grossistes, des restaurants mais aussi dans l’industrie (45% du CA), dans la grande distribution (30 % du CA), à l’export (25% du CA).
"J'aime être au milieu des pompes, des presses"
Le chef d’entreprise se félicite du chemin parcouru : “On a fêté nos 125 ans en 2023. Lors de mon discours j’évoquais la passion de cette famille. Mon arrière-grand-père était un technicien. Moi aussi. C'est peut-être là le fil conducteur. Je préfère être dans l’usine, à aller voir les machines, à investir, que de faire du commerce. J'aime être au milieu des pompes, des presses”. La fabrication est restée artisanale au fil des années, à la meule de pierre, et avec des presses horizontales hydrauliques. Mais aujourd’hui, les presses sont beaucoup plus modernes et vont plus vite. A contrario des anciennes machines, elles n’apportent pas de goût.
Une PME agile
L’entrepreneur évoque la force de sa PME : “On essaie d’être agiles et réactifs, ce que les grands groupes ne savent pas faire. Notre aspect humain fait aussi notre force parce qu’on est une entreprise familiale”. En 2024, de nombreux investissements ont été réalisés. Cette année, Philippe Chervier compte améliorer les équipements et embaucher 2 ou 3 personnes car l’activité est soutenue. Il est fier de ne pas avoir de difficultés pour recruter et martèle : “Un chef d’entreprise ne peut rien gérer s’il est tout seul. Il faut une équipe motivée”. En 2003, sa PME a arrêté de produire de l’huile de colza et de tournesol en grande quantité et “cela a sauvé l’entreprise alors qu’on a failli être racheté”. Un choix payant, qu’il a réédité en 2015, en embauchant 10 personnes et en recentrant l’entreprise. Philippe aimerait que l’entreprise reste dans le giron familial, peut-être avec son fils, âgé de 14 ans : “J’aimerais vraiment, cela serait mieux pour tout le monde. Cela me permettrait de rester en tuteur encore un peu”.
"Mon arrière-grand-père serait fier et dirait qu’on est complètement fous !"
Philippe Chervier s’imagine converser avec son célèbre aïeul et évoquer le chemin parcouru : “Mon arrière-grand-père serait fier et dirait qu’on est complètement fous! Vu comment on travaille aujourd’hui et comment il travaillait autrefois, il serait fou. Les cahiers des charges ont beaucoup changé. Je pense souvent à lui mais surtout à mon papa. Plus on vieillit, plus on devient nostalgique. Je me dis que j’ai cet héritage sur les épaules mais c’est un beau poids. Ils ont passé toute leur vie là-dedans. C’est une belle histoire”. Une belle histoire qui pourrait encore continuer au sein de la famille. Aujourd’hui, une marque de l’Huilerie de Lapalisse porte le nom d’Abel, en hommage à son fondateur.