Les pathologies du sommeil peuvent avoir des conséquences très graves : AVC, hypertension, diabète, les risques sont nombreux. Pour les éviter, les centres du sommeil comme celui d’Aurillac proposent des examens à domicile et des hospitalisations pour les cas les plus sévères.
Nous avons tous déjà expérimenté les symptômes d’une mauvaise nuit : stress, somnolence, moral en berne, mais pour certains, ces mauvaises journées deviennent le quotidien. Les pathologies du sommeil sont diverses et peuvent avoir des conséquences graves à long terme.
Il existe 5 grands types de maladies du sommeil, explique le docteur Thomas Cerda, médecin somnologue au centre du sommeil Somnum du Centre Médico-Chirurgical (CMC) de Tronquières à Aurillac: “La première, c'est le syndrome d'apnée du sommeil, qui touche environ 5% de la population. La deuxième, l’insomnie, qui peut toucher jusqu'à 30% de la population. La troisième, ce qu'on appelle les pathologies des mouvements nocturnes, par exemple le syndrome des jambes sans repos, qui touchent moins de monde mais qui peuvent être extrêmement invalidantes. Il y a deux autres familles de pathologie qui sont plus rares. Ce sont les parasomnies, c'est-à-dire le somnambulisme, et les hypersomnies qui sont très rares, des patients qui dorment trop.”
D'où viennent ces troubles
Parmi les pathologies fréquentes, il existe deux types de syndromes d’apnée. “L’un vient de la gorge, l’autre est au niveau du cerveau, c’est une dérégulation de la commande de la respiration. Pour ce qui est de l'insomnie, on a ce qu’on appelle un état d'hyperéveil. Il n’y a pas de lésion dans le cerveau mais pour des raisons multiples et personnelles, le cerveau ne sait plus quand il doit se reposer et quand il doit être actif. C'est plutôt fonctionnel. Pour ce qui est des hypersomnies, ça peut être une disparition de certains neurones dans les centres du sommeil et de l'éveil qui font qu'il y a une dérégulation et un besoin de dormir.”
A lire aussi >> Santé. "On propose une sorte de maillon manquant", le centre de soins non programmés, une solution efficace aux déserts médicaux
Le centre est dimensionné pour faire 4 examens à domicile par jour et jusqu’à 8 lits d'hospitalisation. "Les pathologies du sommeil, c'est quelque chose d'extrêmement fréquent. On les a tous plus ou moins expérimentés mais nous, on traite les troubles intrinsèques au sommeil.”
Un quotidien fortement impacté
Rien à voir avec une mauvaise nuit passagère, les victimes de ces pathologies voient leur qualité de vie fortement dégradée. Ils se présentent bien souvent avec les mêmes symptômes : “C’est quelqu'un qui, sur le long terme va se plaindre d'une somnolence diurne, va se plaindre d'une mauvaise qualité de sommeil, les conjoints et les enfants peuvent décrire des inquiétudes sur le ronflement ou la respiration du patient. Les signes sont clairs mais c'est sur la durée que les patients vont les prendre en compte. Très souvent, les patients nous disent que ce sont des troubles qui évoluent depuis plusieurs mois, voire plusieurs années”, décrit le docteur Cerda.
"Quand on ne dort pas, on a envie de manger"
Les nuits de ces patients sont tout sauf reposantes et ont des conséquences sur leur vie quotidienne : "Par exemple, certains patients vont se réveiller 4 à 5 fois la nuit. Quelquefois, en se réveillant le matin, ils vont nous dire qu'ils sont plus fatigués que quand ils sont allés se coucher. La journée, ils ont toutes les conséquences de cette mauvaise qualité de sommeil, une somnolence, des difficultés à résister à l'endormissement, des baisses de moral qui peuvent aller jusqu'à un état dépressif, ainsi que des troubles du comportement nutritionnel, parce que quand on ne dort pas, on a envie de manger et c'est beaucoup plus difficile de se refreiner, en particulier sur les aliments sucrés et gras. Il y a aussi le risque accidentel, en particulier chez les patients qui conduisent beaucoup”, alerte le docteur Cerda.
De "grands risques"
Certaines pathologies peuvent être extrêmement invalidante mais ne sont pas médicalement graves et d'autres pathologies peuvent être quelquefois moins invalidantes, mais médicalement inquiétantes. “Par exemple les patients qui ont un syndrome d'apnée du sommeil, certains ont une qualité de vie diurne et nocturne extrêmement altérée. D'autres s'en rendent à peine compte mais ont de grands risques”, décrit Thomas Cerda. En effet, les risques médicaux à moyen et long terme sont graves : “C’est un facteur de risque cardiovasculaire, avec une augmentation des pathologies de type hypertension, diabète, AVC, certains chiffres sont même en faveur d'une augmentation de la prévalence du nombre de cancer chez les gens qui sont diagnostiqués avec de l'apnée et qui ne sont pas traités.”
"Un insomniaque dort 40 min de moins que quelqu'un qui n'est pas insomniaque"
La maladie la plus fréquemment rencontrée est l’insomnie. Contrairement aux idées reçues, les somnifères sont loin d’être la solution, et le traitement le plus efficace se dispense de médicaments : “La plupart du temps un insomniaque dort 40 min de moins que quelqu'un qui n'est pas insomniaque, par contre, la maladie va avoir une énorme répercussion sur sa vie de tous les jours. Pour ça, on a des traitements qui sont efficaces, des traitements qui ne sont pas médicamenteux. C'est une thérapie cognitivo-comportementale pour laquelle on a 80% de réussite, pourtant ce n'est pas quelque chose de très connu”, regrette le docteur Cerda.
A lire aussi >> SANTE. "On ne parle pas de drogue mais de médicament" : cannabis thérapeutique, quel bilan après 3 ans d’expérimentation ?
Des hospitalisations parfois nécessaires
L’équipe est composée de 2 médecins, un infirmier technicien, 2 techniciennes qui vont avoir comme rôle de mettre en place les examens à la maison et d'une secrétaire. Dans certains cas, les patients doivent passer par la case hospitalisation pour comprendre l’origine de leurs troubles : “L'hospitalisation suit la plupart du temps un examen à domicile, en particulier pour le syndrome d'apnée. Le patient arrive, on va l'équiper pour l'analyse de la respiration nocturne avec des ceintures et des lunettes médicales qui nous permettent de voir comment le patient respire et pouvoir suivre l'activité du cerveau pendant toute la nuit. On ajoute une caméra dans la chambre pour maximiser nos chances de trouver ce que les patients expriment. S'il bouge, s'il fait des cauchemars avec des mouvements par exemple. Un patient qui n'arrive pas à dormir, on peut par exemple se rendre compte qu’il dort beaucoup plus que ce qu'il pense. Ça nous permet donc d'avoir des informations les plus complètes possibles.”
Prévénir des pathologies plus grave
Le plus important pour le docteur Cerda est de faire de la prévention, avant que les troubles du sommeil ne deviennent trop invalidants : “C'est une grosse part de notre activité, au centre du sommeil : arriver à traiter un trouble du sommeil avant que les conséquences ne se produisent, les infarctus, les AVC... C’est aussi éviter les récidives, chez les patients qui ont déjà eu une pathologie grave cardiaque ou neurologique. Même sur la vie de tous les jours, l'amélioration de la qualité de vie est quelque chose d’extrêmement important. On est un des seuls domaines de la médecine où on peut vraiment faire de la prévention et ça a été prouvé. Mais c'est vrai qu'en termes de communication, les gens ne sont pas encore suffisamment au courant.”
Ces pathologies, souvent ignorées par le patient des mois durant, sont de mieux en mieux connues et accompagnées. D’une manière plus générale, selon Santé Publique France, l’insuffisance de sommeil demeure un enjeu crucial de prévention des maladies chroniques.