Onze personnes, dont de multiples élus locaux, ont entamé ce mercredi une grève de la faim à la Halle de Dieulefit. Elles dénoncent l’impasse dans laquelle le département de la Drôme plonge leur territoire rural en abandonnant le projet territoire Zéro chômeur initié en 2022. Les élus appellent au respect de la parole donnée par un vote démocratique. Le tout pour une faute de frappe.
“Le département ne répond pas à notre demande qui est pourtant justifiée !” Christian Bussat, Le maire de Dieulefit est en colère. Avec dix autres élus et habitants du canton drômois, il a entamé une grève de la faim pour dénoncer l’attitude du conseil départemental de la Drôme ces dernières semaines. L’origine de cette colère ? La décision, jugée autoritaire, du Conseil Départemental d’annuler son soutien au projet Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée, pourtant voté en 2022.
À l’époque, le Conseil départemental soutient le projet porté par le maire et le canton de Dieulefit. Une délibération de l’assemblée départementale est votée à une large majorité, l’unanimité moins deux voix. Monter le projet prend plus d’une année et demie. Et le document final est envoyé au ministère du Travail en juin de cette année.
L’été passe quand le ministère répond que le dossier comporte une faute de frappe. Une coquille lors de la transcription de la délibération de 2022. Mentionné à trois reprises dans l’ensemble du dossier, le CCDB (communauté de communes Dieulefit-Bourdeaux) est mal nommé la quatrième fois : il est imprimé CCVD dans le texte, qui n’est autre que la Communauté de communes du Val de Drôme en Biovallée. Une coquille sans doute due à un manque d’attention. Pour les grévistes, tout pourrait se régler à ce niveau en faisant un rectificatif. Les services du ministère exigent une nouvelle délibération. Dont acte. Mais le Département ne veut pas en entendre parler.
Pourquoi ont-ils changé d’avis alors que pendant deux ans, la Communauté de communes a investi dans un local, a recruté de futurs bénéficiaires ?
Christian Bussat, maire de Dieulefit
Un projet d'insertion né en 2022
Deux ans après avoir initié ce projet porteur d’espoir pour des centaines de personnes éloignées depuis longtemps de l’emploi, le coup est dur. Dans les collines provençales, les élus ne comprennent pas la décision de l’exécutif drômois, ce revirement. “Il aurait suffi que les élus redonnent leur signature. Ils l’ont donnée et elle doit être respectée, s’insurge le premier magistrat. Surtout en ce moment où la défiance vis-à-vis des élus et des collectivités est élevée. Pourquoi ont-ils changé d’avis alors que pendant deux ans, la Communauté de communes a investi dans un local, a recruté de futures bénéficiaires ? s'interroge avec amertume le maire.
Christian Bussat et son collègue Philippe Berrard, le maire de Montjoux, dénoncent une décision irresponsable, dans un territoire rural ou le taux de chômage atteint près de 10%. “L’avenir du projet Territoire Zéro Chômeur est aujourd’hui en survie et c’est un contre-la-montre qui s’engage pour tout un territoire”, explique Magali Buisson, première adjointe à Dieulefit. "Fin février, l’habilitation des projets Territoire Zéro Chômeur s’arrêtera ne laissant aucune perspective de rebond au projet de Dieulefit, travaillé par de dizaines d’élus et de citoyens depuis plus de 4 ans."
Emploi durable pour personnes éloignées du monde du travail
Le projet Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée est un projet de société qui vise à redonner, grâce à l’action locale un emploi durable à des personnes qui en sont privées depuis longtemps par des activités utiles au territoire.
Chargée du développement économique à la Communauté de communes, Emilie Jungo estime à quelque 600 000 euros les premiers investissements, consacrés à l’acquisition d’un bâtiment de 300 m2 destiné à accueillir les futures entreprises à but d’emploi (EBE). Ce projet de développement local vise l’insertion de personnes très éloignées de l’emploi, environ trois cents personnes avaient été identifiées sur le secteur de Dieulefit. Si les choses avaient normalement continué leur cours, EBE devait passer à la création d’une première vague d’emplois créés en avril prochain. L’ambition à trois ans était de 80 ETP (Equivalent temps plein), soit une centaine de salariés travaillant en temps choisi.
Selon les porteurs du projet, “l’opération peut être neutre financièrement si au moins 40% des embauchés sont au RSA. La décision du Conseil Départemental (qui gère les bénéficiaires du RSA) remet en question cet élan d’espoir pour Dieulefit et ses 10 000 habitants.”
Un modèle d'entreprises pas encore éprouvé
De son côté, Marie-Pierre Mouton, la présidente du Conseil départemental explique sa nouvelle décision par plusieurs points. Dans un courrier envoyé à la Communauté de communes de Dieulefit-Bourdeaux le 6 novembre dernier, elle fait référence “aux récentes annonces gouvernementales qui viennent réinterroger les choix budgétaires de la collectivité dans des proportions très conséquentes. Ces mesures drastiques nous amènent, encore plus que par le passé, à prioriser nos interventions pour en optimiser la portée et l'efficacité.”
L’exécutif fait aussi part de doutes sur la viabilité du projet. "Des doutes que nous partageons avec les auteurs du rapport conjoint de I'lnspection Générale des Finances et de I'lnspection Générale des Affaires Sociales datant d'avril 2024 intitulé « Revue de dépenses : dispositifs de soutien à I'emploi et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi ».
Enfin, la présidente considère que « le modèle économique des Entreprises à But d'Emploi (EBE), supposé équilibré à terme, n'est pas encore éprouvé ; le budget consacré au « complément temporaire d'équilibre », calculé sur la base d'un montant forfaitaire par effectif, croît avec la montée en puissance du dispositif selon une dynamique qui s'apparenterait, en pratique, à une subvention d'équilibre. »
Mais rien sur le soudain revirement et le désengagement de la signature des élus. Le Département ne veut pas évoquer ce sujet jugé polémique.