En janvier 2024, il y a tout juste un an, Frédéric Vassy, le maire de Châteauneuf-sur-Isère, menaçait de démissionner pour dénoncer une loi SRU, sur les logements sociaux, inapplicable dans sa commune rurale. L'élu vient de mettre sa menace à exécution.
"Dans les couloirs du ministère, Châteauneuf n'existe pas !". Frédéric Vassy, maire de Châteauneuf-sur-Isère, est partagé entre colère et résignation. Ce maire drômois a aujourd'hui décidé d'envoyer un signal fort : il a démissionné. L'élu dénonce une loi SRU impossible à respecter, mais aussi une absence de considération. Il y a tout juste un an, en janvier 2024, il avait déjà menacé de rendre son écharpe. C'est à présent chose faite. Explications.
Quatre ministres, zéro réponse
Frédéric Vassy a écrit à plusieurs reprises aux différents ministres du Logement qui se sont succédé ces derniers mois. "Quatre ministres du Logement en deux ans, j'ai envoyé un courrier en recommandé à ces quatre ministres, en leur demandant de venir se rendre compte sur place de la situation, des spécificités de notre commune. On n'a pas daigné me répondre. On ne prend pas en considération les maires de France. On a le temps en deux ans de faire un petit signe. Rien !".
Si Frédéric Vassy a décidé de rendre son écharpe, c'est pour être entendu. Il en appelle à l'actuelle ministre du Logement. "J'espère que ma démission n'est qu'une étape pour obtenir un assouplissement de cette satanée loi pour ma commune. (...) Ma première adjointe va prendre le poste. J'espère que Madame Létard, ministre du Logement, va nous entendre et venir se rendre compte sur place".
250 logements sociaux manquent
De l'habitat social a pourtant été construit ces dernières années à Châteauneuf-sur-Isère. L'élu n'y est pas opposé. Mais la loi impose la construction de plus de 200 logements sociaux supplémentaires dans la petite commune rurale drômoise. Pour le maire démissionnaire, les comptes sont vite faits.
"On se doit d'avoir 25% de logements sociaux par rapport au nombre de foyers. Sur la commune, il y a 1800 foyers. Donc, on doit avoir en totalité 450 logements sociaux. Aujourd'hui, on en a un peu moins de 200. Il nous en manque 250", explique Frédéric Vassy. L'élu redoute "un vrai déséquilibre".
La commune, qui fait partie de Valence Romans Agglo, compte près de 4300 habitants. Étendue sur 20 kilomètres, Châteauneuf-sur-Isère est également composée de nombreux hameaux et d'une zone agricole protégée. Du logement social loin des services est impensable pour l'édile. Il dénonce une loi rigide.
"Ubuesque"
L'Association des Maires de France, qui évoque un maire "sincère" dans sa démarche, soutient Frédéric Vassy. Christine Priotto, directrice de l'AMF Drôme, déplore une situation bloquée. "On a l'impression que tout le monde est figé parce qu'il y a une loi qui date de 25 ans. Or, il a 25 ans, les problématiques n'étaient pas les mêmes. Beaucoup de choses ont changé. Il n'y avait pas les grosses agglomérations, on pouvait construire plus facilement, la construction de logement coûtait moins cher", explique-t-elle.
"Le maire de Châteauneuf a fait le choix de tirer une sonnette d'alarme et de mettre sa démission dans la balance pour se faire entendre. (...) C'est ubuesque qu'on exige de sa commune les mêmes choses que d'autres communes en zones plus urbanisées", déplore Christine Priotto.
L'association réclame davantage de confiance accordée à ces élus de terrain. "On demande plus de confiance envers les maires. Ils connaissent la population et leurs villages. Quand Frédéric Vassy dit : je suis dans l'impossibilité de construire 200 logements supplémentaires, on doit l'écouter", assure Christine Priotto.
Pour l'association des maires de France, les préfets devraient disposer de plus de latitude pour pouvoir, au cas par cas, juger des situations particulières et délivrer des dérogations. Le préfet de la Drôme a officiellement demandé une dérogation au ministre du Logement pour Châteauneuf-sur-Isère en mars dernier. Sans réponse.
Aujourd'hui, Châteauneuf-sur-Isère doit payer 80 000 euros de pénalités par an faute de se conformer à la législation sur les logements sociaux.