Sommes-nous en train d’assister, impuissants à la disparition du saumon de l’Allier ? Cette année, à Langeac (Haute-Loire), dans la dernière station de comptage en amont de la rivière, 12 saumons seulement ont traversé la passe à poissons depuis le printemps et ce malgré des conditions hydrométriques très favorables. Les amoureux de ce migrateur légendaire ne cachent pas leur inquiétude.
Ce sont les saumons de l'Allier de la dernière chance. L’avenir de l’espèce repose peut-être entre les nageoires caudales d’une femelle passée en octobre à la station de comptage de Langeac (Haute-Loire), miraculée d’un voyage de plus de 900 km. Cette année, dans la dernière station de comptage en amont de la rivière, 12 saumons seulement ont traversé la passe à poissons depuis le printemps. Ce chiffre est le plus bas depuis le début du suivi de l’espèce. Le voyage est devenu trop périlleux pour le grand migrateur. Quentin Marcon, membre de l’association Logrami "Loire grand migrateur", explique : « C’est lié à de nombreux petits facteurs : un manque d’eau à certains endroits, un barrage qui les a retenus un ou 2 jours, une prédation, quelque chose en mer qu’on ne maîtrise pas… Ils sont peut-être 100 000 au départ et il n’y en a plus que 62 à Vichy et 12 à Langeac. Cela fait beaucoup de choses, trop peut-être. »
"Les géniteurs n’y sont pas"
Victime de nos besoins en énergie, de la surprotection de certains prédateurs, de pêche en mer volontaire ou involontaire et bien d’autres facteurs, le saumon de l’Allier n’arrive plus jusqu’à ses zones de frayères. Des zones que Jean-Jacques Valette, passionné du saumon de l'Allier et Louis Sauvadet, membre de l’association protectrice du saumon Loire-Allier, arpentent et observent depuis des années.

Une probable disparition est à craindre selon eux. Jean-Jacques regrette : « Cela aurait dû être une année favorable, parce qu’on a eu beaucoup d’eau sur la Loire et sur l’Allier au printemps. On a eu des crues de printemps et d’automne. Au niveau de l’hydrométrie, c’était très favorable. Malheureusement, les géniteurs n’y sont pas. » Louis ajoute : « On a vu des frayères mais pas un seul poisson. Sur les frayères, on pouvait voir jusqu’à 10 ou 15 saumons ! »
Faciliter le parcours du saumon de l'Allier
En Auvergne, si certains ouvrages ont été aménagés pour faciliter la remontée du saumon, d’autres restent de véritables obstacles comme le barrage de Vichy où le saumon peine à trouver son chemin. Il fait figure de proie pour les cormorans et les silures lors de son passage au niveau de cet ouvrage, dont la structure doit être repensée au plus vite selon Roberto Epple, membre de l’association SOS Loire Vivante : « Il n’y aurait plus de saumon si on n’avait pas, depuis 30 ans, fait de nombreuses améliorations pour faciliter le parcours. On a peut-être une chance de dépasser cette période mauvaise pour tous les migrateurs de toute la planète. On a perdu beaucoup d’effectifs. »
Aleviner pour préserver l'espèce
Une réunion de la dernière chance aura lieu en ce mois de janvier 2025. Parmi les acteurs, la Fédération de pêche de Haute-Loire qui, depuis 3 ans, a relancé l'alevinage à grande échelle par le biais du conservatoire du saumon de Chanteuges. Lionel Martin, président de la fédération des pêcheurs de la Haute-Loire, attend des nouvelles autorisations cette année pour tente d’enrayer cette chute inexorable. « Il faut de l’ambition, revenir à ce qu’on faisait au début du Conservatoire national du saumon sauvage. Il faut aleviner, il n’y a pas 36 solutions. Il faut améliorer le milieu, mais l’un ne va pas sans l’autre. » Retrouver des saumons sur les frayères, sur les passes à poissons, au bout de la ligne… Chacun veut encore croire en la résilience d’un saumon extraordinaire, mais le plus grand des migrateurs en a-t-il encore les moyens ? Les trois prochaines migrations apporteront surement la réponse.
-Propos recueillis par Laurent Cluzel pour France 3 Auvergne