Cela fait maintenant trois ans que les parents du petit Marceau, 4 ans, se battent pour obtenir un logement adapté au handicap de leur fils. Ils n'ont ni réponse ni visibilité sur les délais d'attente et se disent "à bout."
"La liste est longue, il faut patienter". Cette phrase, Marie-Laure l'entend depuis trois longues années pendue à son téléphone. Mais attendre, cette mère de trois enfants n'en peux plus. Son benjamin, Marceau, est atteint de polyhandicap : des délétions génétiques qui l'empêchent de grandir comme les enfants de son âge. "À quatre ans, il fait encore du quatre pattes", raconte Marie-Laure.
Le verdict est tombé il y a trois ans, quand Marceau était âgé d'un an : "on nous a fait comprendre qu'il ne marcherait très certainement pas", se souvient Marie-Laure. Les parents du petit garçon comprennent alors qu'ils vont devoir partir de leur logement, situé au 3e étage d'un immeuble sans ascenseur à Annecy. C'est à cette époque que le combat pour obtenir un logement adapté commence. Cela fait maintenant trois ans et ils n'ont toujours rien. Les gestes du quotidien deviennent harassants voire douloureux. "On est à bout", soupire Marie-Laure.
Des aménagements nécessaires
Au quotidien, la plus grande difficulté se trouve probablement au moment du bain. "Marceau pèse 19 kilos", explique Marie-Laure. La salle de bain n'étant équipée que d'une baignoire - avec des bords - il faut soulever le petit garçon à la force de ses bras pour le mettre dans l'eau puis tenir sa tête agitée pour ne pas qu'elle vienne cogner les parois. Quand son mari est en déplacement, Marie-Laure se retrouve seule à accomplir cette tâche et elle a souvent la sensation que son épaule est à deux doigts de lâcher. "Quand mon mari est en déplacement, je pleure", confie la mère de famille. "Comment je fais si je me blesse ?"
Les parents de Marceau ont déjà essayé maintes et maintes fois d'interpeller la mairie d'Annecy et les politiques mais sans succès. "Il n'y a que Frédérique Lardet [députée LREM en Haute-Savoie, ndlr] qui s'est renseignée", admet Marie-Laure. Nous avons tenté de joindre le maire d'Annecy qui, à ce jour, ne nous a pas donné de réponse.
Une information opaque
Les parents de Marceau aimeraient au moins obtenir des réponses concernant le délai d'attente et le nombre de logements accessibles aux personnes en situation de handicap à Annecy mais il n'en est rien. Face à ce silence, ils ont essayé de se débrouiller par eux-même et ont opté pour le moins pire : un appartement dans un immeuble qui dispose d'un ascenseur mais rien n'y est adapté : le logement ne comprend notamment ni de douche à l'italienne, ni de portes élargies. "On est même prêts à acheter", déclare Marie-Laure. Mais le problème est le même : des logements accessibles au personnes handicapées, il n'y en a pas. "On nous a dit : 'vous devez scruter sur le web les bailleurs sociaux' mais on ne voit rien apparaître". Sans compter qu'il faut réaliser un dossier par demande de logement, c'est-à-dire y consacrer énormément de temps. Mais le temps, Marie-Laure n'en dispose tout simplement pas.
Cette situation n'est pas isolée selon Noël Ponthus, déléguée départementale de l'associaion APF France handicap de Haute-Savoie. "On a plusieurs demandes de personnes qui sont en attente de logement depuis plusieurs années mais on ne sait pas quoi leur répondre". Et pour cause, l'association n'a aucune visibilité sur les logements accessibles. "Nous voudrions être associés aux réunions organisées par la mairie sur les questions de logement", explique Noël, dont la demande n'a pas aboutit à ce jour. "On se bat également depuis quelques années contre la loi Elan [20 % de logements doivent être accessibles aux personnes handicapées dans les constructions neuves des agglomérations, ndlr], ajoute le délégué départemental. "Nous, on demande du 100 %".
"On n'est pas du genre à demander"
Marie-Laure et son mari sont aussi parents de deux autres enfants et ne peuvent pas leur accorder autant d'attention qu'ils le souhaiteraient. "À partir de 18 heures, c'est le bain puis le repas de Marceau, raconte Marie-Laure. Ils savent que pendant deux heures ils vont devoir se débrouiller". À cela s'ajoutent les rendez-vous médicaux et les démarches administratives. "Nous avons fait le dossier MDPH en mai dernier et nous n'avons toujours pas de réponse", déplore Marie-Laure. Sans oublier les difficultés financières : la handicap a un coût, qui n'est pas remboursé à 100 %. Les parents de Marceau ont donc créé une page Facebook pour faire appel à la solidarité. "Pourtant on n'est pas du genre à demander, se justifie Marie-Laure. On est des personnes qui se débrouillent toutes seules d'habitude."
Des logements pas vraiment accessibles
Selon Perrine Mergault, de APF France handicap Haute-Savoie, il y a deux problèmes. Le premier est celui de l'obtention d'un logement, qui n'est pas sans conséquence pour les personnes atteintes du handicap et leur entourage. "On se retrouve dans des situations critiques, explique-t-elle. Il y a des personnes en viennent à se casser la figure". Et le deuxième est celui du respect de la norme. En effet, un logement accessibles aux personnes handicapées doit respecter certains critères : accès aux douches sans rebord, portes larges, aire de retournement, etc. Mais pour elle, les logements censés être accessibles ne le sont, dans les faits, pas toujours.
"Un jour, on a attribué un logement à une dame en fauteuil roulant, se souvient-elle. Il y a avait une superbe terrasse. Mais pour y accéder, il y a avait une marche". Une situation que Marie-Laure redoute. "C'est cela dont on a peur. Qu'ils finissent par nous donner quelque chose mais qui ne soit pas adapté". Leur seul espoir pour les parents de Marceau est maintenant la tenue des élections qui peut-être changeront la donne même si Marie-Laure avoue "avoir un peu perdu foi en la politique".