Plusieurs décennies après les meurtres de Nathalie Boyer et Leila Afif, un suspect a été arrêté et mis en examen ce lundi 2 décembre. L’individu a été identifié grâce à de nouvelles analyses ADN, ordonnées par le pôle cold cases de Nanterre. De quoi redonner espoir à toutes les familles de disparus en France.
Un tournant majeur dans une enquête vieille de 36 ans, et des dizaines de familles qui retrouvent foi en la justice. Lundi 2 décembre, un sexagénaire suspecté d’avoir égorgé Nathalie Boyer, 15 ans en 1988, a été mis en examen et placé en détention provisoire.
"Même si cette personne reste présumée innocente, le fait qu’on puisse identifier 36 ans après les faits une personne potentiellement impliquée dans cette disparition, c’est une lueur d’espoir phénoménale pour toutes les familles de disparus qui sont très nombreuses", se félicite Florian Callet, représentant isérois de l’association Assistance et Recherche des Personnes Disparus (ARPD). "Chaque année, il y a 40 000 disparitions en France", précise-t-il.
Une nouvelle avancée du pôle cold cases
Le retraité a été identifié grâce à de nouvelles analyses ordonnées par le pôle cold cases de Nanterre. Également soupçonné d’être impliqué dans le meurtre Leila Afif, une quadragénaire tuée par balle à La Verpillière en 2000, il aurait été confondu par son ADN retrouvé dans les scellés du dossier. Les enquêteurs auraient ensuite fait le lien avec le meurtre de l’adolescente Nathalie Boyer, survenu dans une commune voisine douze ans plus tôt.
"Quand on n'entend plus parler de ces affaires dans les médias pendant 10 ou 20 ans, les gens oublient aussi, regrette Florian Callet. C’est là qu’on se rend compte que le pôle cold cases a effectué un travail formidable. Il a des moyens nouveaux, avec des juges d’instruction dédiés à ces affaires, et surtout avec des moyens technologiques nouveaux."
En deux ans et demi, une dizaine d’affaires ont avancé avec des mises en examen.
Jacques Dallest, ancien procureur général à l'initiative de la création du pôle Cold Cases
Ce pôle, créé au parquet de Nanterre en 2022 à l’initiative du magistrat Jacques Dallest, se saisit uniquement d’affaires non élucidées. "Cette arrestation, c’est une nouvelle illustration de l’intérêt d’un pôle spécialisé, ce dont je n’ai jamais douté, explique Jacques Dallest. En deux ans et demi, une dizaine d’affaires ont avancé avec des mises en examen. C’est important pour les familles. Dans ces dossiers d’une gravité particulière, avec des crimes de sang, on leur devait de tout faire et de ne pas désespérer".
Faire parler les scellés
"Le premier axe de travail des enquêteurs de ce pôle, ce ne sont pas les témoins, car c’est difficile de retrouver les emplois du temps des uns et des autres vingt ans plus tard. Mais c’est de faire parler les pièces à conviction en les faisant de nouveau expertiser, explique le magistrat. L’objectif, c’est de passer sous le crible de la science d’aujourd’hui des objets scellés."
Et c’est justement une nouvelle technique utilisée par la police scientifique, celle de la "recherche par parentèle" qui a permis au pôle cold cases d’identifier l’homme suspecté d’avoir tué Nathalie Boyer et Leïla Afif. Cette méthode permet d’identifier un ADN inconnu grâce à celui d’un membre de sa famille, dont le profil génétique est référencé dans les fichiers nationaux.
Cette technique a fait ses preuves pour la première fois en 2012, en permettant de révéler l’identité du violeur d’Elodie Kulik, une banquière assassinée dans la Somme dix ans plus tôt. "Beaucoup de vieux scellés qui contiennent de l’ADN pourraient mener à l’auteur présumé des faits grâce à cette technique, souligne Florian Callet. On peut espérer des avancées sur les autres disparus de l’Isère".
Selon lui, une quinzaine de dossiers sur des disparitions et des affaires non élucidées concernent le département. "Il y a le dossier 'disparus de l’Isère', qui concerne neuf enfants, mais aussi celui de Marie-Ange Billoud, à Pontcharra, ou plus récemment de Malik Boutvillain et de Nicolas Suppo dans les années 2010. Ces avancées donnent de vraies lueurs d’espoir à toutes ces familles", ajoute-t-il.
En cette fin d'années 2024, le pôle cold cases de Nanterre est actuellement saisi d'une centaine de dossiers, dont une demi-douzaine concerne des meurtres et des disparitions non élucidées en Isère.
Toutefois, "il faut accepter que certains assassins ne seront jamais jugés", tempère Jacques Dallest, notamment dans les cas de disparitions. Car "quand on n’a pas de cadavre sur lequel enquêter, c’est le début du crime parfait", conclut-il.