Ce 15 juillet, le Tribunal Correctionnel de Grenoble devait examiner la plainte en diffamation déposée par le chirurgien orthopédiste soupçonné d'opérations abusives. Quatre patients devaient comparaître aujourd'hui devant le juge. Mais l'audience est reportée au 9 octobre.
Le docteur V., 49 ans, chirurgien orthopédiste grenoblois bien connu, devenu "l'un des spécialistes du dos dans la région", est actuellement suspendu par l'Ordre des médecins.
Il fait aussi l'objet d'une information judiciaire pour "blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à 3 mois".
Reportage du 10 avril 2019 M. Sicard-Cras, D. Albrand, C. Picaud, M. Quemener, E. Collier, P. Caillat
Intervenants : G. Masciave, F. Bagalino, E. Bourgin avocat des parties civiles, B. Boulloud avocat du chirurgien
28 plaintes d'ex-patients
Concrètement, la justice suspecte le chirurgien d'avoir opéré de façon injustifiée, et d'avoir réalisé de mauvais suivis post-opératoires ayant entraîné de lourdes séquelles, chez vingt-huit de ses patients, entre 2013 et 2014.
Ex-chirurgien au CHU de Grenoble, et depuis 2013 co-administrateur de la clinique des Cèdres à Echirolles, le docteur V. s'est vu retirer en 2015 son accréditation par la Haute Autorité de Santé, chagée de la sécurité des patients.
Un an plus tard, c'est la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Isère qui identifie 54 dossiers suspects le concernant. La CPAM porte plainte.
En juin dernier, Eric Vaillant, Procureur de la République à Grenoble, ouvre une information judiciaire.
L'instruction est en cours. Selon Eric Vaillant, des expertises médicales doivent avoir lieu avant d'envisager une éventuelle mise en examen.
Le docteur V. contre-attaque en diffamation
Lors d'une conférence de presse début mai 2019, Me Bernard Boulloud, l'avocat du chirurgien, annonçait avoir déposé cette série de plaintes pour "calmer les ardeurs de certains".
Il regrette la "violation de la présomption d'innocence" qui protège son client tant qu'une décision de justice n'a pas été rendue sur les faits qui lui sont reprochés. Quatre ex-patients et trois organes de presse doivent comparaître.
Depuis le début de cette affaire, de nombreuses victimes présumées du docteur V. se sont exprimées dans la presse. Dans Le Parisien, la famille de l'une d'elles accusait le chirurgien de Grenoble d'être responsable du décès d'un patient.
"C'est le monde à l'envers", a dénoncé une ex-patiente qui a porté plainte, Frédérique Bagalino, sur France Bleu Isère.
"Je n'ai plus rien à perdre, a-t-elle encore expliqué au micro de nos confrères. J'ai perdu ma vie de couple, ma vie de famille, dix ans de ma vie... Et ma jambe. Je continuerai mon combat et je demande aux victimes de ne pas avoir peur. C'est sa stratégie, mais nous n'avons pas peur."
L'audience est reportée
A la demande de l'avocat des patients, l'audience est finalement reportée au 9 octobre.
L'avocat du chirugien avait aussi déposé en avril une plainte contre X devant le procureur, visant le médecin expert de la CPAM qui avait rédigé le rapport à son encontre.
Me Boulloud a affirmé que l'expert, pourtant à la retraite, "est intervenu récemment dans le cadre de l'expertise judiciaire" d'une des patientes du chirurgien. "Cela montre bien qu'il veut la peau de mon client", a-t-il estimé auprès de l'AFP.
Si le 26 juillet, trois mois après ce dépôt de plainte, le procureur n'a pas répondu, Me Boulloud saisira le doyen des juges d'instruction de Grenoble avec constitution de partie civile. Ce qui aboutira à la désignation d'un juge d'instruction pour examiner cette autre partie de l'affaire.