Imen, une alternante à Grenoble se voit en situation irrégulière en raison du traitement rallongé de son dossier à la préfecture de l’Isère. Une problématique qui dure depuis plusieurs mois. Sans titre de séjour, l’étudiante ne peut poursuivre ses études et se retrouve en grande difficulté.
"J’avais des projets, j’avais envie d’avancer, et là d’un coup on me coupe l’herbe sous le pied". Imen, 29 ans, est Tunisienne. Cette étudiante en master d’ingénierie des affaires à l’université Grenoble-Alpes est arrivée sur le sol français il y a près de cinq ans, tout à fait légalement grâce à un visa étudiant.
Jusqu’ici, Imen renouvelait, sans difficulté particulière, son titre de séjour. "Je suis venue avec un visa étudiant. Ensuite, j’ai toujours reçu mon titre de séjour. Il y a parfois eu des retards, mais j’ai toujours obtenu des réponses", explique-t-elle.
Dans l'illégalité malgré elle
Mais en 2024, la situation se complique. Le 14 octobre dernier, son titre de séjour étudiant vient à son terme. Imen fait alors sa demande de renouvellement auprès de la préfecture de l’Isère en juillet. "Ce n’est pas ma première demande, je l’ai faite en avance pour que ça aille plus vite". Celle-ci se fait depuis 2020 via la plateforme d’administration numérique pour les étrangers en France (Anef).
En octobre, elle obtient une attestation de prolongation de son titre de séjour, le temps que son dossier soit instruit. Celle-ci est valable jusqu’au 14 janvier 2025. Depuis… Plus rien. "J’ai commencé à relancer un mois avant la fin de validité de la prolongation. Je n’ai obtenu aucune réponse". Imen se retrouve alors sans papiers, bien malgré elle. La préfecture de l’Isère "ne répond pas. J’ai contacté toutes les adresses mails. J’ai appelé, j’ai envoyé deux courriers recommandés, je me suis présentée devant l’accueil. J’ai toqué à toutes les portes mais personne ne me fournit un délai de traitement", déplore la jeune femme.
J’ai eu mon certificat de réussite, j’ai réussi à trouver un contrat d’alternance pour mes deux ans de master. J’ai le logement et les conditions financières.
Imen, alternante sans papiers
Sans papiers, Imen ne peut plus rien faire. Sans titre de séjour, son contrat d’alternance ne peut se poursuivre. Elle ne peut plus non plus poursuivre ses études. "Je ne peux pas me présenter au travail car c’est illégal pour eux. Je ne peux pas aller en cours non plus. Du jour au lendemain, tout a changé", livre celle qui se dit désormais en grande difficulté pour subvenir à ses besoins et "dans le flou total" : "J’ai eu mon certificat de réussite d’études, j’ai un contrat d’alternance et un master, j’ai le logement et les conditions financières. Je ne suis pas dans l’illégalité, je n’ai rien fait de mal. J’ai tout fait pour éviter ce genre de situation, je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas de réponse".
Un "mur numérique"
En mai 2024, le collectif "Bouge ta pref 38", regroupant une cinquantaine d’acteurs associatifs et syndicaux, voit le jour. Celui-ci dénonce dans un courrier adressé au Préfet, "des difficultés croissantes rencontrées depuis quelques mois par les personnes étrangères" dans leurs démarches de titre de séjour, les plongeant dans l’irrégularité. Parmi elles : "la complexité croissante des procédures", "le manque d’accès à l’information en tant qu’usager d’un service public". Selon les membres du collectif, la situation s’est aggravée en mars 2024 lorsque la préfecture a décidé d'interdire l'accès à ses locaux à toute personne n'ayant pas de rendez-vous, lesquels sont très difficiles à obtenir.
"Le symbole de cette suppression d’accueil physique est fort et traduit la volonté d’exclure tous ceux qui se heurtent au mur numérique, il en est de même pour le processus de dématérialisation des demandes de titres de séjour", fustige le collectif. "Le contact était plus facile avant. Avant le Covid, le dossier on le déposait directement en préfecture, au guichet. Après, la plateforme Anef a été mise en place et tout est traité là. On peut contacter la plateforme en ligne, mais la réponse est toujours la même", témoigne Imen.
En décembre, 200 travailleurs sans papiers, soutenus par le collectif "Bouge ta pref 38", ont manifesté à Grenoble, devant la préfecture de l’Isère. Ils dénonçaient une rupture de dialogue avec les services de l’État. Fin janvier 2024, aux vœux de la nouvelle préfète, des membres du collectif manifestaient à nouveau devant la préfecture de l'Isère.
"Améliorer les délais d’obtention"
Fin octobre, la préfecture de l’Isère a expliqué dans un communiqué que la "refonte" des conditions d'accueil des usagers étrangers et des modalités de délivrance des titres de séjour vise à "sécuriser l'ensemble du processus de délivrance" et à "améliorer les délais d'obtention". "Le nombre de créneaux de rendez-vous disponibles est adapté à l'accueil des 15 000 ressortissants étrangers et les délais de délivrance des titres ont diminué suite à la réforme", estime-t-elle. Contactée dans le cadre de cet article, la préfecture n'a pas encore répondu à nos sollicitations.