Une famille algérienne arrivée à Grenoble pour des raisons médicales s'est retrouvée à la rue avec trois enfants, dont un nourrisson. Depuis le mois de septembre, la famille est logée dans une salle de classe la nuit grâce à la solidarité des parents d'élèves de l'école primaire les Genêts.
"Quand mon mari a appris que j'étais enceinte, il m'a dit que si je restais en Algérie, j'allais mourir." Atteinte d'une maladie cardiaque sévère, cette mère de famille, qui a requis l'anonymat, n'a pas hésité à suivre son mari en France dans l'espoir de bénéficier de meilleurs soins médicaux.
Si les premiers malaises débutent en 2016, ce n'est qu'en 2023 que la maladie est enfin diagnostiquée. Et après le début d'un traitement, la qualité des soins ne la rassure pas. "On m'a prescrit un traitement qui n'est pas très adéquat à ma situation. Le médecin m'a dit que c'était facultatif mais que si je le prenais, j'aurais une pile dans le cœur après à 40 ans", explique-t-elle.
"Même si on est à la rue, au niveau de la santé, on est satisfait"
C'est alors que le couple décide de s'établir en France avec un visa régulier. "Puisque j'étais enseignant, il était facile pour moi d’obtenir un visa. Dès que je suis arrivé en France, ma femme m'a rejoint avec nos deux enfants. Il était essentiel qu'elle vienne pour être bien suivie", raconte le père de famille.
Depuis le 4 juin, on a fait une demande d'hébergement auprès du 115, on a également contacté toutes les associations d'aide à l'hébergement. Jusqu'à présent, on a eu une proposition de logement mais c'était éloigné de l'hôpital.
Le père de famille
Grâce à des visites régulières et une bonne prise en charge, le 27 novembre, la mère de famille donne naissance à un nourrisson en bonne santé, mais le couple se retrouve sans logement. "À mon arrivée, j'ai été très bien prise en charge. Même si on est à la rue, au niveau de la santé, on est satisfait", relativise l'épouse qui a passé l'été à la rue avec ses enfants âgés de 7 et 9 ans.
Malgré ses démarches administratives, la famille se heurte à un obstacle majeur : le manque de logements d’urgence. "Depuis le 4 juin, on a fait une demande d'hébergement auprès du 115, on a également contacté toutes les associations d'aide à l'hébergement. On a eu une proposition de logement mais c'était éloigné de l'hôpital", explique le père de famille.
Un abri pour la nuit dans une salle de classe
Si la famille a bénéficié temporairement d'un abri chez un particulier, ils étaient sans toit depuis le 14 juin. "Heureusement, pendant les mois de juin et juillet, il faisait assez chaud et nous avons trouvé une tente pour nous abriter", raconte-t-il.
Mais depuis le 2 septembre, grâce à la solidarité des parents d'élèves de l'école primaire Les Genêts à Grenoble où sont scolarisés leurs deux enfants, une salle de classe sert désormais d'abri à la famille, lui permettant ainsi d'être au chaud pendant la nuit. "On nous a remis la clé d'une salle dans laquelle on vit à quatre, et désormais cinq avec le bébé", précise le père.
C'est en bas de chez nous, ce sont des enfants qui sont avec les nôtres, on ne peut pas être bien face à des situations comme ça.
Parent d'élève
À l'initiative de cet élan de solidarité, le Collectif des écoles occupées de Grenoble qui se mobilise régulièrement pour l'ouverture des écoles aux sans-abris en dehors des horaires scolaires, de 18 heures à 7 heures du matin.
"C'est en bas de chez nous, ce sont des enfants qui sont avec les nôtres, on ne peut pas être bien face à des situations comme ça", regrette un parent d'élèves qui prenait part au goûter solidaire organisé par le collectif ce lundi 9 décembre, avec des familles sans-abri.
"Cette famille, aujourd'hui, est à l'abri juste grâce à la solidarité du quartier et notamment des parents d'élèves qui ont le soutien naturellement éthique des enseignants puisque c'est intolérable et ça fait consensus. On ne peut pas laisser des enfants dans la rue", se désole Valérie Favier, enseignante et membre du syndicat FSU-Snuipp.
46 enfants hébergées dans des écoles
Depuis trois mois, le couple, enseignant de profession pendant une dizaine d'année en Algérie, suit des cours à l'université Grenoble-Alpes pour devenir professeurs des écoles. En France, 203 000 places d'hébergement d'urgence sont ouverts, soit deux fois plus qu'il y a 10 ans. Pour la Fédération des acteurs de solidarité, c'est "encore largement insuffisant", elle réclame 10 000 places supplémentaires.
Selon le Collectif des écoles occupées, depuis la rentrée de septembre, à Grenoble, les parents d'élèves ont mis à l'abri dans les écoles 17 familles dont 46 enfants.