Des glaciologues du projet européen Beyond Epica sont parvenus, début janvier, à prélever une glace vieille de plus d'un million d'années. Une avancée majeure pour les scientifiques du CNRS, à Grenoble, qui pourrait amener à de nombreuses découvertes sur l'évolution du climat.
Jamais une glace n'avait été forée aussi profondément. Le 9 janvier dernier, des glaciologues du projet européen Beyond Epica ont réussi à creuser l'Antarctique jusqu'à 2 800 mètres sous la surface de la Terre. Les chercheurs ont ainsi pu extraire une glace vieille de près d'1,2 million d'années.
Le résultat d'une longue expédition dans les terres hostiles de l'Antarctique : "Vous avez le camp avec une vision de blanc à l'infini. Il y a de la neige et de la glace à perte de vue, avec du bleu au-dessus du blanc", se rappelle Olivier Alemany, ingénieur de recherche au CNRS, à Grenoble.
"On est à une altitude équivalente à 3 800 mètres en Europe, ce qui fait que nous manquons beaucoup d'oxygène. Lors des premiers jours sur place, l'organisme a besoin de temps pour s'acclimater à ces altitudes. On a souvent le souffle un peu court", poursuit celui qui a également été responsable du forage français.
Un forage, de multiples découvertes
In fine, après un important carottage de la glace, les chercheurs parviennent à récupérer des échantillons en parfait état d'une glace vieille de plus d'un million d'années. L'heure est désormais aux recherches : "Nous pouvons analyser la composition isotopique de la glace, qui nous renseigne sur la température qu'il faisait quand la neige s'est déposée. La glace renferme aussi des petites bulles d'air, qui sont des échantillons des atmosphères passées. Ce sont des prélèvements très précieux. Elle renferme aussi des aérosols, des poussières solubles ou insolubles, que l'on peut analyser chimiquement", raconte Frédéric Parrenin, directeur de recherche au CNRS et coordinateur scientifique français

Ces analyses permettront ainsi d'étudier l'alternance entre les périodes de glaciation et de réchauffement sur notre planète : "Il y a des grands cycles glaciaires et interglaciaires, avec des réchauffements rapides de l'ordre de 10 000 ans et des glaciations lentes de l'ordre de 90 000 ans. Ces cycles durent donc environ 100 000 ans. Mais ces grands cycles glaciaires et interglaciaires n'ont pas toujours existé. Ils sont apparus il y a environ un million d'années. Nous, avec cette découverte, nous voulons remonter à un million d'années pour savoir ce qu'il s'est produit pour que ces cycles apparaissent."
L'enjeu est aussi de comprendre le rôle du CO2 dans l'évolution de notre climat passé. Ce qui permettrait, entre autres, d'affiner les prévisions du Giec pour le climat à venir, avec comme conséquences très concrètes : de nouvelles recommandations sur la réduction nécessaire des émissions de gaz à effet de serre.