Plus de six mois après la crue torrentielle qui a dévasté le hameau de la Bérarde en Isère, les scientifiques ont rendu leurs conclusions sur l'origine de la catastrophe. Selon leur rapport, le risque de récidive existe.
Six mois plus tard, les images sont encore dans toutes les mémoires. Le 21 juin 2024, le hameau de la Bérarde en Isère était dévasté par une crue torrentielle emportant avec elle plusieurs maisons. Par miracle, aucune victime n'est à déplorer. Tous les habitants ont été évacués à temps.
Mais cette catastrophe a laissé derrière elle beaucoup de questions. Pour tenter de faire la lumière sur les raisons de cet événement, une trentaine de scientifiques, sous l'autorité du service de restauration des terrains de montagne, ont mené des études, dont les conclusions ont été dévoilées publiquement fin décembre.
Un lac supraglaciaire analysé
Ces explorations ont conduit les scientifiques à analyser le bassin versant du torrent des Etançons qui a largement contribué à la crue dévastatrice du Vénéon, ainsi que le bassin versant de Bonne Pierre. Et c'est notamment le glacier du même nom, situé en amont du hameau de la Bérarde, qui a été l'objet d'une attention toute particulière.
Ce glacier au profil irrégulier favorise la rétention d'eau. Il avait fait l'objet d'un signalement, peu avant la catastrophe, comme le rapporte Alpine Mag. Des skieurs et alpinistes avaient déclaré la présence d'un lac sur le glacier de Bonne Pierre.
Membre du groupe de scientifiques mobilisé sur ces études, Eric Larose, chercheur géophysicien au CNRS à l'institut des Sciences de la Terre (ISTerre-Grenoble), confirme qu'il s'agit "d'un lac supraglaciaire" qui était "connu depuis 2016". "On essaye de les identifier car dans certains cas ils se vidangent brutalement, c'est-à-dire qu'ils vont s'infiltrer sous le glacier et vidanger toute l'eau comme une rupture de barrage avec des inondations en aval", explique Eric Larose.
Selon le chercheur, il existe plusieurs centaines de lacs supraglaciaires dans les Alpes. Celui de Bonne Pierre "se vidangeait naturellement tous les ans, entre le mois de juin et de juillet, il perdait son eau progressivement", raconte le chercheur.
Grâce aux mesures topographiques réalisées sur le glacier, les scientifiques estiment la surface du lac en 2024 à 14 000 m2 pour un volume de l'ordre de 100 000 m3 d'eau. Mais cette étendue d'eau "difficile d'accès" ne peut pas être "surveillée facilement".
Une origine multifactorielle
A delà du rôle du glacier de Bonne Pierre, les scientifiques estiment que les causes de la catastrophe sont multifactorielles. Il y a également eu "beaucoup de pluie au mois de juin avec des orages" ainsi qu'une "fonte de la neige très importante au moment de la catastrophe", indique Eric Larose.
La conjonction de ces facteurs a provoqué une inondation exceptionnelle, jamais traversée par la vallée du Vénéon. Et cette lave torrentielle a entraîné dans son sillage d'importantes quantités d'éboulis dévastant ainsi le hameau de la Bérarde.
"Si le lac se reforme, une catastrophe équivalente est possible. Il va falloir vivre avec le fait qu’une catastrophe comme celle-là peut se reproduire."
Eric Larose, chercheur géophysicien au CNRS
Dans leurs conclusions, les glaciologues, géophysiciens et autres scientifiques auteurs de ces études n'excluent pas un risque de récidive dans les prochaines années, le réchauffement climatique accélérant la fonte des neiges et les épisodes de fortes intempéries.
"Le lac aujourd'hui peut se reformer. Le glacier est encore largement mal connu donc il y a potentiellement d'autres petites poches d'eau qui peuvent exister. Il peut y avoir d'autres chenaux sous-glaciaires que l'on n’a pas pu explorer. On a beaucoup d'inconnus encore sur ce glacier noir de Bonne Pierre", alerte le chercheur géophysicien au CNRS.
Désormais, c'est au tour du Syndicat mixte des bassins hydrauliques de l'Isère de réaliser des études de faisabilité. L'objectif est de se pencher sur les risques et les possibilités de reconstruction du hameau de la Bérarde et de cette vallée du Vénéon, aujourd'hui presque à l'arrêt. Une réunion publique doit se tenir avant la fin du premier trimestre 2025 pour faire un point d'étape sur l'avancée des études.