Le loup perd son statut d'espèce "strictement protégée". Ce mardi 3 décembre, la Convention de Berne, qui assure la protection de la faune en Europe, a approuvé un déclassement du statut de protection du loup, qui va passer à "protégée".
C'est un déclassement inédit. Sous pression des éleveurs, une cinquantaine de pays se sont mis d'accord ce mardi 3 décembre à Strasbourg pour abaisser la protection du loup en Europe. Plusieurs mois après des manifestations d'agriculteurs dans toute l'Europe, notamment contre les réglementations écologiques, la Convention de Berne, qui assure la protection de la faune, a approuvé un déclassement du statut de protection du loup, qui va passer d'espèce "strictement protégée" à "protégée". Un recul majeur d'après les ONG de défense de la faune.
"On ne pourra pas se mettre à chasser le loup sans aucun cadre", a expliqué le directeur des programmes du WWF-France, Yann Laurans, mais cette décision permettra "de généraliser la possibilité de tirer et de tuer des loups, selon des règles qui devront être déterminées nationalement". Le loup, qui avait été exterminé au début du XXe siècle dans plusieurs pays, dont la France, a fait un grand retour ces dernières années, suscitant la colère d'éleveurs dénonçant des attaques de troupeaux.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a salué "une nouvelle importante pour nos communautés rurales et nos éleveurs" car "il nous faut une approche équilibrée entre la préservation de la faune et la protection de nos modes de vie".
Mais les défenseurs des animaux regrettent "un très mauvais signe pour la biodiversité. Depuis 2017, 1 000 loups ont été tirés, braconnés avec la complicité de l’État français. Aggraver cette politique absurde, en France, ne change rien à cet état de fait" ont exprimé dans un communiqué Dominique Humbert et Jean-Luc Valérie, président et porte-parole de l’Observatoire du loup. Ils pointent du doigt une "politique contre-productive et se réalise au détriment des éleveurs et de la biodiversité, afin de camoufler une mégestion absolument exécrable".
Un déclassement qui ouvre la voie à un changement de statut dans l'UE
Les 49 Etats membres de la Convention de Berne, réunis à Strasbourg à huis clos, ont approuvé cette proposition déposée en septembre par l'Union Européenne.
"La modification entrera en vigueur dans trois mois, sauf si au moins un tiers des parties à la Convention de Berne s'y oppose", a précisé dans un communiqué le Conseil de l'Europe, qui héberge la convention. "Si moins d'un tiers des parties s'y oppose, la décision entrera en vigueur uniquement pour les pays qui n'ont pas formulé d'objections", a-t-il ajouté.
Seuls cinq Etats ont voté contre : le Royaume-Uni, Monaco, le Monténégro, l'Albanie et la Bosnie-Herzégovine, selon l'association écologiste Green Impact.
Parlant de "honte" pour l'Union européenne, l'association a annoncé dans un communiqué son intention de porter la décision devant la justice européenne. Dans l'Union Européenne, la décision devra encore être transposée dans la directive habitat.
Plus de 20 000 loups dans l'UE
Des loups peuvent déjà être tués dans des conditions très précises pour protéger des troupeaux, une disposition mise en œuvre en France via des dérogations.
Dans sa proposition, l'Union Européenne, qui assure se fonder sur "une analyse approfondie du statut" du carnivore sur son territoire, fait état d'une population grandissante, atteignant les 20 300 individus en 2023.
La colère des éleveurs s'est amplifiée ces derniers mois, par exemple en Haute-Saône, où le président de la Chambre d'agriculture, Thierry Chalmin, a appelé en septembre les exploitants à "sortir armés et à taper un loup si vous en voyez un !". Interrogé mardi 3 décembre, il a qualifié la décision de la Convention de Berne de "palabre" : "Le problème est loin d'être réglé parce qu'on passe de strictement protégé à protégé. C'est quoi la différence entre super-bandit et bandit ?", a-t-il lancé.
L'estimation du nombre de loups en France en 2023 s'est établie à 1 003 individus, en baisse de 9% sur un an. Début octobre, le Premier ministre Michel Barnier avait estimé que la nouvelle évaluation officielle du nombre de loups en France, attendue d'ici fin 2024, pourrait représenter un potentiel "moment clé" pour augmenter les abattages.
Très critiqué par les scientifiques et les organisations non gouvernementales, le déclassement du loup dans la Convention de Berne ouvre la voie à un changement de statut similaire au sein de l’Union européenne.