Après les annonces du ministre de la Santé, Olivier Véran, mercredi 23 septembre, les restaurateurs de la Loire sont inquiets. Les nouvelles restrictions suscitent de fortes craintes chez les professionnels et menacent de fragiliser un peu plus des trésoreries déjà chancelantes.
"On paie tout et on va voir après si on va être encore obligé de mettre une partie de nos salariés au chômage partiel ?" quand elle achète le 4 mars 2020, Katia Boudjadi a prévu de faire des travaux dans son nouveau restaurant de la place Albert Thomas à Saint-Etienne.
Katia a investi 130.000 euros dans cette affaire. 15 jours plus tard, Saint-Etienne, comme la France entière se confine ! C’est partie remise pour l’ouverture de ce petit établissement avec terrasse en plein cœur de ville. Le 5 juin, enfin, Katia ouvre son Bistrot Gaga après 2 mois et demi d’inactivité forcée.
Je n’ai pas droit aux aides parce que je n’avais pas de déclaration de chiffre d’affaires puisque c’est une création d’entreprise. J’ai juste mes charges à payer !
Pour pallier le manque à gagner du confinement, Katia décide d’ouvrir 2 soirs par semaine. "A la base j’avais acheté pour faire une affaire vraiment de jour. Etant donné qu’on a été confiné j’ai perdu 2 mois et demi, donc j’ai décidé d’ouvrir le jeudi et vendredi soir. C’est ce qui m’a permis de me remettre vraiment à flot et de pouvoir être encore là aujourd’hui ".
Mais voilà que mercredi 23 septembre de nouvelles mesures restrictives s’abattent sur le département de la Loire placée en "alerte renforcée". Katia qui pensait pouvoir mieux faire tourner la boutique grâce à ces ouvertures en soirée est contrainte de baisser son rideau à 22h.
"Avec la fermeture à 22h ça risque d’être très compliqué, vraiment ! On a des crédits, des charges à payer, des loyers, des taxes. On paie tout et on va voir après si on va être encore obligé de mettre une partie de nos salariés au chômage partiel ? Je n’aimerais pas en venir là mais si on a pas le choix on fera ce qu’il faut.
Katia redoute une fermeture complète des établissements et quand elle échange avec ses confrères revient régulièrement cette question, "mais qu’est-ce que l’on va faire ? Qu’est-ce que l’on va faire ?"
"On s’est dit mais putain c’est la catastrophe là !"
Yassine et Elie, respectivement 27 et 34 ans ont de l’ambition, des idées, des rêves. Ils imaginaient pouvoir développer leur affaire et diriger 5 food trucks d’ici un an dans toute la région. Aujourd’hui les deux hommes attendent les clients stéphanois dans leur unique camionnette ambulante. En février 2020 leur concept est lancé : proposer des repas à emporter lors d’évènements et le reste du temps se poster devant les universités de la ville. La veille de l’ouverture de la foire de Saint-Etienne, ils sont prêts : 5.000 galettes cuisinées à l’avance, ils signent le contrat d’un nouveau salarié. Et puis, et puis, le ministre parle, les jauges se réduisent et la foire est annulée. Elie Abou-Rached est dépité.
C’est une triple punition pour nous. On est pris de court, on était supposé être à la foire de Saint-Etienne, on devait s’installer le soir même. On a des stocks qui correspondent à plusieurs milliers d’euros et qui vont se périmer. Et puis nous on vise les étudiants, on s’installe en face de l’université Trefilerie, de la cité de design, devant EM Lyon et d’autres sites universitaires. Et les étudiants ne sont pas là ! Ils ont des cours en distanciel via skype ou zoom.
Heureusement pour ces restaurateurs leur banquier est plutôt aidant, et en plus, « c’est un client ! » explique Elie. Ils ont bénéficié d’aides de l’état mais ces dernières ne leur permettent pas disent-ils de payer toutes les charges. Ils ne pensent pas pouvoir se rémunérer avant l’année prochaine. Mercredi soir, ils n’étaient pas ensemble pour écouter le ministre de la santé dresser la liste des nouvelles restrictions, "On écoutait chacun de notre côté, on échangeait au téléphone et on s’est dit mais putain c’est la catastrophe là !"
"On sent que l’écosystème est en danger"
Le restaurant est flambant neuf. Jeudi 24 septembre, c’est jour d’ouverture pour "Au Bureau", une enseigne franchisée qui prend ses quartiers à 2 pas de la gare de Chateaucreux à Saint-Etienne. Une trentaine de personnes a été recrutée, tout le monde a son masque. Ici on ne plaisante pas avec le protocole sanitaire. Charles Doremus, directeur général de la franchise "Au bureau" en ferait presque un atout.
Ça pourrait paraitre comme un handicap j’ai envie de croire en la responsabilité et la responsabilisation des gens. On a un protocole extrêmement strict. Vous entrez d’un côté, vous sortez de l’autre, tout le monde à des masques. En cuisine c’est pareil, il y a distanciation. Personne ne consomme debout. En conséquence c’est assez sécurisé sur le plan sanitaire et c’est peut-être finalement pas dans nos établissements que le risque est majeur.
Le groupe compte 150 enseignes en France et notamment à Marseille. Là-bas les restaurants de la franchise pourraient fermer. Le directeur trouve cela injuste mais se pliera aux décisions. "Il faudrait constater les établissements qui ne respectent pas le protocole sanitaire. Ceux-là mettent en danger la santé publique. Il faut faire fermer ceux-là mais faire fermer tous les établissements sous prétexte que la restauration est un ensemble, c’est assez injuste"
Il souligne par ailleurs qu’avec ces fermetures et restrictions c’est tout un écosystème qui est mis en danger, "la restauration c’est une chaine de valeurs extrêmement longue et puissante qui va du producteur sur un territoire à un client final qui consomme dans un restaurant. C’est de la création d’emplois, ici on a presque une trentaine d’emplois créés aujourd’hui… c’est un commerce local, de proximité et on n’a pas le sentiment d’être estimé à la juste importance de cette profession qu’est la restauration."