"Une épée de Damoclès au-dessus de la tête" : les collectivités locales ont de plus en plus de difficultés à trouver une assurance

Face à la hausse des risques liés au dérèglement climatique, les collectivités locales ont de plus en plus de mal à s’assurer. En conséquence, certaines se retrouvent sans assurance, tandis que d’autres font face à des franchises exorbitantes. Illustration dans deux communes de la Loire.

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"Nous avons le sentiment que les collectivités payent une double peine" regrette Vincent Bony, maire de Rive-de-Gier, dans la Loire. Face à la hausse des risques notamment liés au dérèglement climatique, les collectivités locales ont de plus en plus de mal à s’assurer. Les franchises des contrats d’assurance ont fortement augmenté, tandis que les assureurs se retirent d’un marché considéré comme peu rentable. Conséquence : des communes se retrouvent sans assurance ou voient leur budget grevé par les prix exorbitants de celles-ci. 

C’est l’histoire qu’a connue Rive-de-Gier, après les inondations le 17 octobre 2024 qui ont ravagé cette commune de 15 000 habitants. Bilan : 2 millions d’euros de dégâts sur les bâtiments municipaux, que son assureur lui annonce ne pas prendre en charge. Un an plus tôt, la mort de Nahel lors d’une opération policière à Nanterre avait provoqué de vives émeutes dans la commune, où les dégradations se chiffraient à plus de 3 millions d’euros. 

Après ces dégâts qu’il indemnise à hauteur de 1,7 million, son ancien assureur Groupama résilie le contrat de la commune. Rive-de-Gier se tourne alors vers SMACL Assurance, moyennant un doublement de la prime à 50 000 euros, assortie d’une franchise de 2,5 millions d’euros sur les émeutes. Or, depuis le 1er janvier 2024, la franchise applicable aux collectivités territoriales correspond au montant de la franchise la plus élevée indiqué sur le contrat d’assurance.

Donc les 2 millions de dégâts des inondations ne sont pas indemnisables selon l’assureur. "Il n’est pas question de se laisser imposer cette franchise, soit il est possible d’en discuter avec l’assurance, soit cela finira devant les tribunaux" martèle Vincent Bony, qui oppose le fait que cela n’est pas inscrit sur le contrat signé. "Aujourd’hui, il n’y a pas de garantie pour qu’une commune puisse trouver un assureur. Avec le dérèglement climatique, il va y avoir de plus en plus de dégâts. En attendant, nous sommes bloqués alors que nous avons besoin de redonner vie à nos services publics".

"Si les assureurs prennent la poudre d’escampette on ne s’en sort pas"

D’après les chiffres de l’association des maires de France, environ 1 500 communes auraient fait face à des difficultés à s’assurer depuis début 2025. Après des épisodes de catastrophe naturelle, plusieurs collectivités ont eu la mauvaise surprise de voir leur contrat résilié. Une pratique dans le cadre de "résiliation unilatérale", c’est-à-dire que les assureurs peuvent dénoncer un contrat ou demander un nouveau montant de prime en cas d’aggravation du risque, de plus en plus courant.

Le Coteau, ville de 7 000 habitants, a vu son contrat avec la MAIF résilié le 1er janvier 2024, un an après avoir été touché par un violent orage de grêles lors duquel une grande partie des bâtiments communaux a été touchée. Le montant de la facture était de 3 millions d’euros, tandis que le budget de fonctionnement de la ville est de 7 millions. La ville a ensuite cherché un assureur pendant de nombreux mois.

"On a dû se débrouiller avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête pendant huit mois. C’est vraiment grâce à la médiatisation de notre cas que l’on a pu avoir un nouvel assureur" se remémore la maire du Coteau, Sandra Creuzet-Taite. "Le paradoxe, c’est qu’il y a une obligation de s’assurer avec une difficulté plus grande à pouvoir le faire. Si les assureurs prennent la poudre d’escampette on ne s’en sort pas, il faut une évolution du cadre législatif car c’est une pression bien trop grande pour l’élu local" explique l’édile.

"On perçoit moins de primes que de sinistres qu’on indemnise"

Face à cela, l’association des petites villes de France réclame la création d’un "droit à l’assurance", seule solution selon elle pour garantir la couverture équitable des collectivités. L’organisation constate une hausse des primes d’assurance de 90% entre 2018 et 2024. "Le problème est qu’aujourd’hui, les assurances ne répondent plus aux appels d’offres des communes qui sont le plus exposées aux risques, en particulier climatiques, or ce sont bien elles qui ont le plus besoin d’être assurées. C’est un peu le serpent qui se mord la queue" détaille André Robert, le président de l’Association des petites villes de France. "C’est un problème qui va se poser de plus en plus, le mot-clef est la prévention. Il est nécessaire qu’il y ait une meilleure répartition des risques entre collectivités, assurances, et l’Etat" ajoute le président.

Les deux principaux assureurs du secteur, Smacl assurances et Groupama, affirment que la hausse des prix est inévitable pour la survie du modèle. "La meilleure des quatre dernières années en terme de catastrophe climatique correspond à ce qu’on aurait appelé une année horribilis il y a 10 ans" affirme Arnaud Berger, directeur Courtage et collectivité de Groupama Auvergne Rhône-Alpes. Le directeur explique que cela est renforcé par le fait que les collectivités locales ont tendance à penser la réglementation, mais très peu les risques. "Résultat : on perçoit moins de primes que de sinistres qu’on indemnise" souligne-t-il.

Un sinistre sur quatre déclaré par une collectivité est climatique

Un sinistre sur quatre déclaré par une collectivité est désormais un sinistre climatique selon les données de la SMACL. "Preuve d'une réalité quantifiable du changement climatique, le coût des sinistres pour SMACL Assurances a été multiplié par 4 entre 2021 et 2022, et s'élevait à plus de 100 millions d'euros en 2022. La tendance 2024 restera supérieure aux années moyennes" détaille le groupe.

Le groupe indique aussi que peu d’assurances sont encore présentes pour assurer les collectivités. "Afin de pouvoir supporter ce contexte et d’assurer la survie de son modèle, elle a dû adapter ses tarifs et ses conditions contractuelles" justifie la SMACL. 

De son côté, l'Autorité de la concurrence appelle à revoir les règles de la commande publique, afin d'attirer des assureurs sur le marché de l'assurance des collectivités territoriales. Pour les communes, impossible de ne pas être assurées, en cas de sinistre, leur budget pourrait difficilement absorber le coût. 

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