Les manifestations des agriculteurs continuent et se multiplient en France. De nombreux embouteillages s'accumulent notamment sur les autoroutes de l'hexagone. Des bouchons qui impactent les transporteurs.
Voilà maintenant huit jours que les agriculteurs bloquent les principaux axes autoroutiers pour manifester leur colère. Et forcément, les sociétés de transport se retrouvent sous tension. Fabrice Laroche, gérant de la société Transport Auvergne méditerranée, est irrité par la situation. "Je suis solidaire, mais il faut qu’ils aillent bloquer Paris intramuros et la grande distribution. Quand on bloque les autoroutes et les ronds-points, on n’embête pas les politiques. Nous, on mobilise plus de temps et d’énergie pour essayer de contourner les barrages".
Des itinéraires bis pas toujours adaptés
À distance, grâce à un système de géolocalisation sur ses camions, il guide en temps réel ses chauffeurs, pour contourner les blocages, la carte de France sous les yeux. Une technique également utilisée du côté de l’agence de Transports Gagne. Malheureusement, ces itinéraires bis ne sont pas forcément adaptés aux véhicules.
Les tracteurs qui n’ont pas le droit de rouler sur l’autoroute les bloquent, et nous, on se retrouve à circuler dans des villages interdits aux poids lourds.
Fabrice Laroche, gérant de la société Transport Auvergne méditerranée
Surplus de temps, de kilomètres… des conditions de travail qui engendrent une fatigue chez certains chauffeurs. "J’ai un chauffeur qui a mis 2h00 pour faire 6 km", illustre Loïc Degrenon, directeur d'agence à Transports Gagne. Des exemples comme ça, il y en a beaucoup. Fabrice Laroche nous explique pour un trajet Lyon-Vitrolles, qui est un trajet effectué tous les jours, ses chauffeurs mettent 8h00 au lieu de 4h00.
Et je ne parle pas des valeurs de bien-être au travail. Quand les chauffeurs restent coincés 4 ou 6h00 sur une deux voix, sans restauration ni moyens d’aller aux toilettes… Ce n’est pas terrible.
Fabrice Laroche, gérant de la société Transport Auvergne méditerranée
Si on aborde les conditions de circulation à Clermont-Ferrand, Fabrice rit jaune. "Clermont, que ce soit à cause des travaux et de blocages, c’est juste un enfer depuis une semaine", exprime Fabrice.
Baisse de productivité, manque de main d'œuvre...
Si Fabrice transporte des produits alimentaires non périssables et pharmaceutiques, certains de ses confrères, qui transportent des denrées périssables, eux, rencontre un problème. "Ces blocages ont des conséquences sur tous les postes : le temps avec des journées qui s’allongent, on a une perte de productivité dans tous les sens… Aujourd’hui, on hésite à ne pas honorer nos voyages et laisser les camions dans la cour", se questionne le gérant de Transport Auvergne méditerranée.
Autant de difficultés qui sont également soulignées par la Fédération nationale des transporteurs routiers d’Auvergne (FNTR). "On s’adapte, mais c’est pénalisant, explique Bruno Bernardin, président FNTR Auvergne. On a du respect pour les agriculteurs qui essaient de faire ce qu’ils peuvent pour se défendre. Maintenant, on espère que le gouvernement va prendre ses responsabilités en main. Parce que si ça continue, ça sera compliqué."
Il évoque aussi les problèmes de main d’œuvre que l’allongement du temps de trajet peut engendrer. "De Vichy, pour aller à Aix, les chauffeurs mettent 9h00 au lieu de 6h00. On fait attention à ne pas dépasser le temps de trajet quotidien des chauffeurs, alors parfois, on met en place des jokers en cours de route", explique-t-il. "Si nos conducteurs ne rentrent pas, ça fait des camions et du personnel en moins pour faire le travail du lendemain ou de la nuit", confirme le directeur d'agence de Transports Gagne.
La crainte d'une grande vague de protestation
Certaines entreprises, comme le groupe Combronde, le fret ferroviaire est favorisé. Mais pour Bruno Bernardin, le train peut être un complément, mais ne peut pas remplacer totalement les transports routiers. "Le train peut être bien pour les longues distances, et nous, on fait les derniers kilomètres. Mais cela serait plus long. Un camion, on le charge le matin, il arrive le soir. Le train, ça sera différent et il faudra peut-être que les gens modifient leurs habitudes de consommation", souligne-t-il avant de poursuivre : "ce ne sont pas des changements que l’on peut opérer si rapidement."
Tous ont une crainte partagée : que le mouvement s’intensifie et que la situation dure dans le temps. "Les entreprises sont compréhensives, mais on ne peut pas dire non à nos clients. On a tous des impératifs, on ne peut pas continuer comme ça. Il faut que le gouvernement s’assume et trouve des solutions", exprime Fabrice Laroche. Des propos soutenus par le président de la FNTR Auvergne : "il ne faut pas que d’autres professions s’ajoutent au mouvement." Le président du groupe Combronde craint également le début d'une grande vague de protestation.