Avec 2 ans de retard en raison du Covid 19, le site d’Estaing du CHU de Clermont-Ferrand fête ses 10 ans. Le successeur de l’Hôtel-Dieu a permis de faire évoluer l’offre de soin et la prise en charge des patients venus de toute l’Auvergne.
Le site d’Estaing, antenne du CHU de Clermont-Ferrand, fête ses 10 ans avec 2 ans de retard en raison du Covid 19. En 2010, ces nouveaux locaux ont reçu de nombreux services délocalisés du site de l’Hôtel-Dieu, et parmi eux l’emblématique maternité. L’histoire a commencé à la fin des années 90, lorsque la vétusté du site a été pointée du doigt. Menacée de devoir envoyer les femmes enceintes à Saint-Etienne, la direction de l’Hôtel-Dieu comprend la nécessité d’ouvrir un nouvel hôpital. En 2005, les travaux commencent, pour créer un hôpital plus moderne avec des plateaux techniques de pointe et un accueil optimisé pour les patients. Le directeur du CHU Didier Hoeltgen a pris ses fonctions il y a 7 ans et a vu le site évoluer : “On est passé d'un ensemble hospitalier qui était vétuste, avec un Hôtel-Dieu qui avait rendu de bons et loyaux services, mais qui était quand même un bâtiment vétuste qui datait des années 1760. Estaing est un site moderne qui a réuni en un seul lieu plusieurs sites qui étaient éparpillés sur la ville.”
Plus de "confort"
Pour les patients, tout a changé, selon le directeur : "Nous avons des conditions d'hôtellerie, de prise en charge, une modernité et un confort qui sont incomparables avec ce qu'il y avait auparavant. Ça a rénové l'offre de soins du CHU de Clermont-Ferrand.” Des techniques avant-gardistes sont développées également grâce à un site modernisé : “C'est le siège d'équipes qui sont vraiment de première force. Le Président de l'Agence française de biomédecine vient de Clermont-Ferrand. Le professeur Bay a le siège de son service d’hématologie adultes, ici avec des thérapies nouvelles comme les CART-E cells. C'est aussi le siège de la fac dentaire et de nombreuses équipes qui font d'Estaing un vaisseau presque amiral”, ajoute Didier Hoeltgen.
Des avancées technologiques
Il détaille : “Une des innovations principales, c'est une technique en hématologie qui s'appelle les CART-E cells qui a été faite de façon très expérimentale à partir de 2 ou 3 sites en France, dont Estaing. Nous avons une innovation extrêmement intéressante et importante reconnue de tous, qui est l’empreinte 3D pour la reconstitution des dispositifs dentaires. Nous avons également des innovations du point de vue des techniques de prise en charge en cancérologie et en cancéro-pédiatrie par exemple.” Mais ce site permet également de concentrer de plus en plus d’efforts sur la recherche, en plus des anciennes activités de l’Hôtel-Dieu : "Du point de vue de la recherche fondamentale, on a vraiment sur Estaing un bon mariage entre fac de médecine, fac dentaire, équipe de recherche et puis équipe de prise en charge. On prend les urgences pédiatriques et les maternités.” Le site est également précurseur dans les essais sur le cannabis thérapeutique.
Une maternité de pointe
C’est un pari réussi : la maternité Estaing est devenue la première maternité de l'Auvergne et la première maternité en France à être labellisée écoresponsable. C'est également le premier site d'urgence de pédiatrie de toute la région Auvergne. “C'est vraiment un site extrêmement complet qui rassemble à la fois le pôle femme-enfant, le pôle pédiatrique et de la gastro-entérologie, de la chirurgie digestive, de l'hématologie et un ensemble de services de médecine qui font de ce site un très bel hôpital”, se félicite Didier Hoeltgen, qui insiste sur la nécessité de quitter l’Hôtel-Dieu : “Rien de tout ça n'aurait été possible sans le changement de locaux, c'est sûr. Tout était hors normes, trop éparpillé, trop hétéroclite. C'est normal, c'est l'évolution de la médecine entre 1767 et maintenant. Ça veut dire aussi que l'hôpital public est une des plus vieilles institutions de la République. Finalement, avant même la République.”
Un "succès fulgurant"
L’une des pionnières du grand déménagement est Christine Rougier, ancienne directrice d’Estaing et actuelle directrice adjointe du CHU. Depuis le début du projet, elle supervise et coordonne. Ce site est, en quelque sorte, son bébé : "Ce qui a changé, surtout, c'est la prise en charge des patients. C'est l'offre proposée à la population, c'est des conditions d'hébergement et de prise en charge optimales, dans un lieu dont tout le monde reconnaît l'aspect esthétique et qui a bien vieilli.” Malgré l’attachement des Clermontois à l’Hôtel-Dieu, Estaing a su convaincre et trouver sa patientèle : “Dès le début, on a été débordé : nous avons eu un succès fulgurant et nous avons dû ouvrir dans la hâte des lits supplémentaires et l’ARS nous a beaucoup aidé à cette époque. Les équipes médicales ont répondu présent”, se félicite Christine Rougier.
Une prise en charge améliorée
Chaque jour, ce sont plus de 15 enfants qui naissent dans cette maternité, ce qui représente entre 3 900 et 4 000 accouchements par an. Mais la maternité n’est pas la seule à avoir été améliorée selon Christine Rougier : “Depuis 10 ans, on a fait déjà beaucoup de changements dans l'établissement parce qu'il est moderne et qu'il a une architecture qui a permis de s'adapter à toutes ces évolutions. Nous allons avoir d'autres évolutions liées notamment à la cancérologie, qui malheureusement augmente beaucoup puisque beaucoup de gens sont malades.” Le confort a, selon elle, été grandement amélioré : “Rappelons-nous, il y a 12 ans, à la maternité, il y avait un cabinet de toilettes pour plusieurs dames. Il y avait la néonatologie, qui était une grande salle commune, il y avait encore des chambres avec 4 ou 5 lits. Les parcours sont simplifiés par rapport à l'Hôtel-Dieu. Quand les patients étaient passés au bureau des entrées, ils devaient aller dans un service, ils étaient perdus, y avait des hauteurs, il fallait passer avec les poussettes, pour les personnes âgées c'était compliqué. Aujourd’hui, les gens se voient, se côtoient : la pédiatrie à l'Hôtel-Dieu était dans un espace un peu clôturé. Ici, tout le monde se croise, tout le monde se salue et la façon de vivre qui est plutôt agréable dans cet établissement.”
Elle ajoute : "A l'Hôtel-Dieu, il n’y avait pas de clim, pas de rafraîchissement. Ici, on est arrivés dans un bâtiment avec rafraîchissement, notamment Notre parking public est équipé de panneaux photovoltaïques ce qui, à l'époque, était novateur.”
Des évolutions en termes de recherche
Les équipements ont également été modernisés en même temps que les locaux ont changé, précise Christine Rougier : “Au niveau de l'équipement purement médical, on en a profité pour changer tous les équipements biomédicaux de l'établissement. On a identifié un secteur spécifique pour la recherche. Il y a tout un étage qui est consacré à ça, où on a des attachés de recherche clinique qui, auprès des équipes médicales et paramédicales, travaillent à la recherche clinique et participent à l'évolution des prises en charge des patients et des évolutions de recherche.”
Des locaux plus adaptés
Dans les services également, on a apprécié le changement. Le professeur Florence Brugnon, cheffe de service de l'assistance médicale à la procréation, a elle aussi participé au déménagement :“C’était un grand bouleversement parce qu’on avait un nouvel outil de travail extrêmement moderne et particulièrement bien adapté à nos techniques. On a des techniques assez pointues d'assistance médicale à la procréation.” Elle se souvient : “ça a été aussi un déménagement assez épique puisqu'il a fallu déménager toutes nos cuves d'azote qui contiennent tous les spermatozoïdes, les ovocytes, les embryons des patients. On a dû déménager toutes ces cuves la nuit dans un camion encadré par la police parce qu'il ne fallait absolument pas qu'il y ait le moindre choc. On a vécu une nuit blanche à transférer tous ces prélèvements de patients jusqu'au CHU.”
Mise en place de nouvelles méthodes
Grâce à ce nouveau site, elle a pu améliorer avec ses équipes la prise en charge de ses patients : "On a pu développer de nouvelles méthodes de prise en charge pour les patients, des méthodes innovantes. Et puis on était tous sur un même lieu. Dans l'assistance médicale à la procréation, y a les gynécologues et les biologistes, y a les infirmières, il y a les techniciennes de laboratoire, les secrétaires... On était une partie à la Polyclinique et une partie dans d'autres locaux de l’Hôtel-Dieu. On a ainsi pu avoir tout le monde sur le même lieu”. Estaing lui a permis de développer des technologies du 21e siècle : "On a pu mettre en place des nouvelles méthodes de congélation qui s'appelle la vitrification et toutes les techniques modernes d'assistance médicale à la procréation qui permettent de mieux choisir quel spermatozoïde on va injecter dans quel ovule pour améliorer la prise en charge de l'infertilité. De plus, les patients peuvent faire sur le même lieu leur test d'infertilité et leur prise en charge. Avant, c'était des rendez-vous différés dans le temps. Maintenant, tout est organisé sur une même journée, sur le même lieu.”
D'autres progrès prévus
Selon Christine Rougier, le CHU ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : “D'autres disciplines nous amènent à réfléchir à de nouvelles extensions de cet établissement dont je ne saurais que trop souligner la qualité des équipes médicales et du personnel qui œuvrent au quotidien pour offrir les moments les plus agréables possible aux patients pendant des périodes qui sont souvent difficiles.” Elle détaille quelques projets d’innovations pour que le site d’Estaing demeure un centre de pointe : “On réfléchit notamment sur les agrandissements d'hôpitaux de jour en oncologie, en médecine interne, mais également sur les maladies infectieuses et digestives. On réfléchit également à structurer un peu différemment l'oncologie en développant les soins de support. Sur la pédiatrie, là aussi, nous réfléchissons à une prise en charge de l'adolescent plus adaptée mais aussi une réflexion sur la pédopsychiatrie puisqu'on le voit à la sortie de la crise COVID, il y a beaucoup de travail. On est une matière vivante. Nous sommes en train de changer d'IRM et d'augmenter notre parc d'imagerie sur le CHU Estaing.” Elle travaille aussi à renouveler le matériel pour offrir les diagnostics les plus adaptés pour la population.