Humidité, plafonds qui s’effondrent, fenêtres condamnées...Des internes en médecine du CHU de Clermont-Ferrand dénoncent des conditions de logement jugées "indignes". La direction, de son côté, n'a pas souhaité faire de commentaire.
Des infiltrations d’eau, des plafonds qui se détériorent, des fenêtres condamnées avec du scotch… Chaque jour, Antony doit composer avec un logement assez particulier. Interne en médecine au CHU de Clermont-Ferrand, lui et nombreux de ses collègues sont logés dans un internat qu'ils estiment “insalubre”. Cet hébergement dédié aux étudiants, est constitué de trois bâtiments et de huit étages. Les internes dénoncent des infiltrations d'humidité, des fissures qui se multiplient et des réparations qui ressemblent davantage à du bricolage de fortune.
"C'est hallucinant"
Comme le raconte Antony, qui a emménagé dans l’un de ces appartements il y a plus d’un an. Sur le plafond, au-dessus de son lit, une bâche noire, fixée avec du scotch marron, tente de maintenir l'ensemble en place. ”Le plafond a commencé à se gonfler, puis les traces d’humidité ont grossi, décrit l'étudiant. Un soir, en rentrant du boulot, j’ai vu toute l’eau sur mon lit. Le plafond, tenu par une bâche noire, a cédé sous la pression de l’eau." Face à cette situation, la seule solution trouvée par l’interne semble avoir été le scotch, un remède de fortune pour colmater les fissures, calfeutrer les fenêtres ou même renforcer les balcons. "Je ne m’attendais vraiment pas à ça en venant ici", avoue Antony. "Je pensais que l’internat serait un avantage". Car, en effet, ce qui attire la plupart du temps les étudiants ce sont ces prix imbattables : environ 150 euros par mois pour un studio et 460 euros pour un T3. Mais cette offre alléchante cache une réalité bien différente pour Antony. "Je n’imaginais pas devoir rafistoler mon plafond avec du scotch... c'est hallucinant", confie l'interne, les yeux rivés vers le plafond.
Le cas d’Antony est loin d’être isolé. Le bâtiment a été inauguré il y a presque cinquante ans et tout ou presque semble dater de l’époque. Selon Alban Meunier, représentant syndical des internes de Clermont-Ferrand, depuis plusieurs années, les problèmes s’accumulent : infiltrations, moisissures, amiante dans certains appartements. "C’est une catastrophe. On essaie de faire avec, mais on en arrive à se demander comment on tient encore", confie le vice-président de l’intersyndicale des internes d’Auvergne. "C’est le bureau de l’internat et l’association de syndicats qui gèrent la répartition des appartements. Et c’est à la fois une chance et un malheur. Une chance, parce qu’on peut éviter de donner des logements insalubres, mais un malheur, parce qu’on se retrouve à fermer des appartements".
Alban Meunier s’improvise guide et nous fait visiter l’un d’eux. On visite l’un des trois bâtiments de 8 étages qui abritent plus de 100 étudiants. L’immeuble est sombre. Quand nous montons les escaliers, l’éclairage clignote. Un lampadaire sur deux ne fonctionne pas. Nous arrivons dans un appartement fermé aux internes. "C’est un T2 fermé à cause des infiltrations d’eau", dit Alban. Il montre le plafond. "On dirait de l'amiante. On en voit au sol et au plafond. On soigne déjà des malades atteints de mésothéliome dans nos services. On ne veut pas qu’ils soient contaminés ici". Le sol est couvert de poussière. Le plafond, comme une plaie ouverte, laisse apparaître des morceaux de béton.
Des appartements comme celui-ci, il y en a plusieurs selon le représentant syndical. "Nous avons fermé sept appartements à cause de leur état", poursuit-il. "Parfois, il y a des chutes de fenêtres ou des balcons condamnés pour risques d'effondrement”. Il poursuit : "Pour des gens qui vont passer 48 heures par semaine à soigner des malades à l’hôpital, revenir se reposer ici, c’est indécent. On soigne des malades, pas des murs. On privilégie ces logements pour les jeunes internes, mais à quel prix ? Quelle image donne-t-on du CHU de Clermont-Ferrand quand on loge des internes dans des appartements aussi dégradés ?".
"C’est écœurant"
Thérèse Martinet travaille à l’internat depuis plus de 30 ans. Elle connaît chaque recoin des bâtiments. "C’est insalubre", dit-elle, la voix chargée d'émotion. "Certains appartements sont tellement sales que je n’ose pas y mettre des internes". Elle montre une pièce. "Quand il pleut, l’eau s’infiltre par le plafond. Les internes viennent me voir, ils se plaignent. C’est devenu une routine."
Elle se souvient de nombreux témoignages d’internes qui ont choisi Clermont-Ferrand pour son internat, séduits par la promesse d’un logement. "Les étudiants me disent souvent : 'Je suis venu à Clermont parce qu’il y avait un logement pour les internes. Mais quand ils découvrent l’état des lieux, et ce n’est pas ce à quoi ils s’attendaient.’". Elle secoue la tête. "C’est indécent. Comment peut-on accepter ça ?". "C’est comme ça depuis des années", se résigne Alban Meunier. "On a alerté la direction encore et encore, mais rien ne bouge”. Selon le représentant syndical, les travaux de rénovation nécessaires coûteraient environ 10 millions d'euros. Contactée, la direction du CHU de Clermont-Ferrand n’a pas souhaité faire de commentaire.