Scott Spedding sera-t-il le Jean-Marc Bosman du rugby français? Le joueur de l'ASM Clermont Auvergne s'est tourné notamment vers la Commission européenne pour contester la légalité du dispositif JIFF de la Ligue nationale de rugby (LNR), qui impose aux clubs un quota de joueurs formés en France. 

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Le joueur de l'ASM Scott Spedding sera-t-il le Jean-Marc Bosman du rugby français? L'arrière international français, d'origine sud-africaine, s'est tourné notamment vers la Commission européenne pour contester la légalité du dispositif JIFF de la Ligue nationale de rugby (LNR), qui impose aux clubs un quota de joueurs formés en France.
Sa démarche risque de faire imploser le dispositif, censé faire diminuer le nombre de joueurs étrangers et par ricochet protéger le XV de France. Décryptage.

Qu'est-ce qu'un JIFF ?



Un "Joueur issu des filières de formation". Ce dispositif a été instauré à l'été 2010 par la LNR pour faire face à l'afflux de joueurs étrangers dans les championnats professionnels et favoriser l'émergence des Français.
Cependant, impossible, au regard du droit européen, d'introduire un critère de nationalité, qui serait discriminatoire. Est donc notamment considéré comme JIFF tout joueur qui a passé au moins trois saisons au sein d'un centre de formation agréé, ou qui a été licencié de la Fédération pendant cinq ans avant 23 ans.
Ce n'est pas le cas de Spedding: bien qu'international (23 sél.) et ayant le passeport français, le joueur d'origine sud-africaine de 31 ans n'a passé que deux années dans un centre de formation agréé (Brive, où il est arrivé en 2008).

 Pourquoi Spedding veut-il ce statut ?



Afin, selon lui, de trouver un club la saison prochaine. Spedding explique qu'il ne sera pas conservé par Clermont en cette fin de saison en raison de son statut d'international -- qui peut le rendre indisponible plusieurs mois -- et parce qu'il n'est pas JIFF.
Or, à partir de la saison prochaine, les clubs de Top 14 et Pro D2 devront présenter en moyenne 15 JIFF par feuille de match, contre 14 cette saison, sous peine de se voir retirer jusqu'à 12 points au classement, contre 10 actuellement. La moyenne requise passera à 16 à l'été 2019, puis 17 en 2021.
Résultat: la course aux JIFF est lancée. Et Spedding possède des propositions de "cinq ou six clubs de Top 14 prêts à le recruter uniquement s'il a le statut JIFF", affirme à l'AFP son avocat, Me Romuald Palao.

Quels recours a-t-il déposés ?



Après avoir vu sa demande rejetée par la commission juridique de la LNR puis la commission d'appel de la FFR, Spedding s'est tourné vers le CNOSF (Comité nationalolympique et sportif français) pour une conciliation. Lequel a proposé, le 29 mars, que lui soit accordé le "tampon" pour une durée de deux ans. Mais vendredi dernier, le comité directeur de la FFR n'a pas suivi cet avis.
Le joueur a donc déposé trois recours: devant le Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Versailles (en référé et au fond à chaque fois) et la Commission européenne. Avec des délais allant de quelques semaines (pour les référés) à un an voire davantage.


Vers un arrêt Bosman du rugby ?



Pour obtenir gain de cause, l'avocat de Spedding met principalement en avant l'article 48 du traité de Rome, qui garantit la libre circulation des travailleurs, ce qui implique l'interdiction de toute discrimination directe ou indirecte en fonction de la nationalité. C'est sur la base de cet article que s'était fondée la Cour justice de l'Union européenne (CJUE) pour prendre en 1995 le fameux "arrêt Bosman", qui a révolutionné le marché des transferts dans le football, instaurant une libre-circulation.

La Commission européenne dira si le dispositif JIFF est conforme au droit européen et, si ce n'est pas le cas, demandera à l'Etat français (soit la LNR), de s'y conformer. Ce n'est qu'ensuite, ou si le Conseil d'Etat décidait de surseoir à statuer, que l'affaire pourrait se retrouver devant la CJUE.
En l'état, le dispositif JIFF ne prévoit pas à proprement parler de conditions relatives à la nationalité. Antoine Semeria, avocat spécialiste en droit du sport intervenant fréquemment dans le rugby, nuance: "Les conditions pour être éligible créent nécessairement une discrimination en fonction de la nationalité dans la mesure où le dispositif réserve la qualité de JIFF à certaines catégories de personnes: c'est plus facile de l'être quand on est Français."

Pour autant, la Commission européenne reconnaît le principe de protection des joueurs formés localement. Et selon elle, une mesure peut impliquer une discrimination non directement fondée sur les nationalités si, parmi quatre conditions cumulatives, elle est proportionnée.
Elle avait ainsi, en 2014, jugé disproportionné au-delà de 36% le quota de joueurs formés localement par club que souhaitait imposer la Fédération espagnole de basket.
Or, le dispositif français impose lui cette saison 60,8% de JIFF par feuille de match. "Donc par parallélisme, on pourrait penser que le règlement n'entre pas dans les clous du droit communautaire" estime Antoine Semeria.
"Mais on ne peut pas faire de copier-coller, souligne Jean-Christophe Breillat, membre du Centre de droit et d'économie du sport de Limoges et l'un des avocats de la LNR (il avait participé à la rédaction du règlement JIFF). La commission juge par sport et pays. Le rugby n'est pas le basket, qui se joue à cinq et non quinze, et le rugby français n'est pas le rugby irlandais par exemple."


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