Une compagnie lyonnaise de CRS refuse de dormir dans un cantonnement qui avait accueilli des CRS infectés par le Covid-19, à Nice. Elle a été punie et contrainte par sa hiérarchie de reprendre prématurément la route de son propre cantonnement dans le Rhône.
Une compagnie lyonnaise de CRS a été punie pour avoir réclamé la désinfection de son cantonnement à Nice, dans les Alpes-Maritimes.
Pour avoir refusé de dormir dans un cantonnement qui avait accueilli des CRS infectés par le Covid-19, une compagnie lyonnaise de CRS a été contrainte par sa hiérarchie de reprendre prématurément la route de son propre cantonnement à Chassieu (Rhône). Un non-sens économique, selon le principal syndicat représentatif, l'Unité UGP Police FO, qui dénonce une mesure de rétorsion contre ces policiers.
C'est pour le moins une histoire ubuesque, invraisemblable qui est arrivée à l'une des compagnies de CRS cantonnée dans la région lyonnaise.
Pour renforcer les patrouilles de la police aux frontières entre Nice et l'Italie, sur les aires d'autoroute et aux barrières de péages, 70 CRS lyonnais convoient vers la capitale des Alpes maritimes. Les faits se sont déroulés dans la nuit du mercredi 22 au 23 avril.
Sur place, avant d'installer leur barda dans les chambres du cantonnement niçois de l'Ariane, ils veulent s'assurer que les locaux ont été désinfectés.
Comme cela avait été fait les semaines précédentes, après le stationnement de leurs collègues de deux autres compagnies, notamment une au sein de laquelle plusieurs cas de Covid 19 avaient été identifiés et placés en quatorzaine.
Pour les fonctionnaires de police, cette désinfection est nécessaire, incontournable. Quelle est leur stupeur quand ils apprennent que finalement elle n'a pas eu lieu depuis le départ de la compagnie CRS 50 (basée à La Talaudière, Loire).
Leur direction leur répond que de désinfection, il n'y aura pas. Est-ce le coût, d'environ 10 000 euros pour l'ensemble des locaux, qui fait reculer l'administration policière ? Toujours est-il que face à cette situation qu'ils jugent incompréhensible, les agents décident de dormir dans leurs véhicules.
Avec pour conséquence, l'ordre de rentrer dans leur cantonnement.
Dès le lendemain, notre compagnie est relevée de sa mission, avec ordre de la direction centrale des CRS de rentrer à Chassieu - relate Fabrice Fagniani, secrétaire général du syndicat Unité SGP Police - En fait une punition pour ne pas avoir accepté de dormir dans le cantonnement niçois.
"Un non-sens économique" déplore le syndicat Unité SGP Police
Après cette nuit passée dans leurs véhicules, à quatre par habitacle, les CRS assurent une deuxième journée de mission et s'en vont sur Marseille où des chambres leur ont été réservées dans un hôtel, avant leur retour à Lyon.
"Alors, là, on se dit que l'on marche sur la tête " poursuit Fabrice Fagniani. Car pour remplacer la CRS 45 qui va remonter sur Lyon, une deuxième compagnie, la CRS 47, celle de leurs collègues basés à Sainte-Foy-lès-Lyon, est réquisitionnée à son tour. Direction Nice.
Les hommes de la compagnie de Ste Foy obtiennent immédiatement de pouvoir être logés à l'hôtel, refusant d'entrer dans les locaux toujours pas désinfectés de l'Ariane. Les représentants syndicaux s'interrogent et cherchent à comprendre où est la logique.
En effet, aux 5 200 euros par nuit pour l’hôtellerie s'ajoutent les frais inhérents aux allers retours des deux compagnies, à savoir 5 700 euros pour chacune.
Cela n'a pas de sens. Si on calcule correctement, le coût total de nos missions revient deux fois plus cher que si notre hiérarchie régionale avait fait procéder à la désinfection demandée - fait remarquer un fonctionnaire qui veut conserver l'anonymat.
"Une mesure catastrophique sur le plan humain !"
C'est dans ce contexte kafkaïen que vient se greffer une autre histoire, plus personnelle celle-là. Celle d'un fonctionnaire d'une trentaine d'années qui réside en temps normal à Lyon avec sa famille et son père diabétique.
Il fait partie de trois effectifs de la CRS 45 suspectés d'avoir contracté le Covid 19.
Lors de sa présence à Nice, il avait demandé d'être affecté à l'unité Covid créée au 7e étage du bâtiment de l'Ariane, le cantonnement niçois, afin d'éviter de se retrouver avec son parent fragile.
La direction zonale lui répond que cela est impossible. Qu'il doit rejoindre son propre foyer, pour y rester confiné - explique Fabrice Fagniani.
Rompez le ban ! Le fonctionnaire a beau insister sur son contexte familial, l'administration se retranche derrière l'avis classique de la médecine de prévention, interpellée sur ce cas particulier.
Les médecins ne connaissaient pas sa situation, tandis que l'administration savait, accuse le syndicaliste.
"Pour bien faire, l'accueillir dans cette unité dédiée aux cas suspects aurait été la meilleure solution", conclut-il. Mais rien n'y fait. La direction zonale sud-est, dont dépend ce fonctionnaire, fait la sourde oreille et applique la réponse communiquée à Paris par la direction centrale. C'est non, fait savoir la direction sud-est au syndicat qui accompagne l'agent.
Du coup, n'osant rentrer à son domicile, ce dernier passe la nuit de vendredi à samedi dernier dans sa propre voiture. Ce n'est que le samedi qu'une alternative est trouvée par le syndicat qui lui a finalement dégoté une chambre à la Talaudière (Loire), à deux pas du cantonnement de la CRS 50.
C'est désormais là qu'il vit sa quatorzaine.
A cette heure de publication, la direction, contactée à plusieurs reprises, n'a toujours pas donné suite à nos sollicitations.