Une plainte a été déposée par le collectif féministe «Nouvelle vague» contre les conscrits de Villefranche-sur-Saône, accusant l’organisation de cette fête traditionnelle de discrimination sexiste. Aucune femme ne peut intégrer le fameux défilé, temps fort des festivités.
Elles ont décidé de faire parler la loi : le collectif féministe « Nouvelle vague » a porté plainte contre les conscrits de Villefranche-sur-Saône et la ville qui met à disposition l'espace public. En cause : un défilé, la fameuse « vague » des conscrits et un banquet exclusivement masculin. Pour les plaignantes, la « vague » et banquet du dimanche sont deux événements majeurs de la fête desquels les femmes sont injustement exclues en 2025.
Dans toute société progressiste, les traditions doivent évoluer. Il en va de même pour Villefranche-sur-Saône. Cette résistance à l'intégration complète des femmes est une discrimination manifeste, au sens de la loi, et est incompatible avec les valeurs d'égalité et de progrès que la ville devrait incarner.
Collectif « Nouvelle vague »

Une tradition ancienne
La tradition des conscrits trouve ses origines dans la conscription militaire de l'époque napoléonienne. À l’origine, les conscrits étaient des jeunes hommes envoyés à la guerre par tirage au sort, l’année de leurs 20 ans. Et depuis des lustres à Villefranche-sur-Saône, on défile donc l’année de ses 20 ans dans la « rue Nat' », la rue Nationale - véritables Champs-Élysées de la ville - avec ses « classards », puis tous les 10 ans.
Le 26 janvier 2025, ce sont donc les années en « 5 » qui seront à l’honneur. Vont défiler de façon très codifiée les jeunes hommes nés en 2005, vêtus d’un smoking, d’une chemise blanche, d’un nœud papillon, d’un « gibus » (un chapeau haut-de-forme) d’une écharpe et d’un bouquet d’œillets. Derrière eux, dans les cortèges, on trouvera les trentenaires nés en 1995, puis les quadras nés en 1985, etc. Les années fastes, la « vague » compte même quelques centenaires. Comme Robert Barbet que nous avions rencontré le 29 janvier 2023 dans la rue nat'.

Conscrits et conscrites se retrouvent... en soirée
Le défilé est suivi d'un banquet réservé exclusivement aux hommes. Enfin, la soirée se clôture avec les soirées dansantes, bals organisés par chaque « classe » où les conscrits et conscrites se rejoignent finalement pour danser.
Cette tradition est ancrée dans la culture locale, mais est perçue par certains comme un vestige d'une époque dépassée, d’autant que dans les villes et villages environnants, on trouve des défilés de conscrits... mixtes.
« L’armée est désormais mixte, vive la mixité du défilé et du banquet »
Au sein du collectif « Nouvelle vague », on trouve la fête plutôt sympathique, mais on dénonce l'image stéréotypée de la femme véhiculée par les conscrits. Le collectif milite depuis 2021 pour permettre aux femmes de participer au défilé et au banquet, soulignant que les femmes font désormais partie de l'armée.
C’est d’ailleurs un des fondements de la plainte déposée par leur avocate, Maître Violaine de Filippis-Abate : elle explique que la seule discrimination autorisée par la jurisprudence doit répondre à un motif légitime et que les moyens utilisés doivent être « appropriés et nécessaires ». Pour elle, la conscription actuelle, qui concerne hommes et femmes, rend donc obsolète la séparation des sexes dans les événements locaux, une séparation ni appropriée ni légitime selon la formulation juridique.
« Une vaine polémique » pour les organisateurs des conscrits
Guillaume Ducray, président de l’Interclasse générale des conscrits, explique que la meilleure réponse aux accusations de sexismes est la "réponse de nos propres conscrites depuis 24 heures sur les réseaux sociaux qui nous soutiennent".
Aujourd’hui dire que les conscrites ne sont pas intégrées dans la vie des classes, c'est une contre-vérité (...) parce que la fête des conscrits, le défilé, c’est ce que l’on voit (...) mais les classes ça vit 365 jours par an.(...) sur toutes les manifestations que vont faire une classe : un voyage, une opération caritative , les conscrites sont pleinement associées.
Guillaume Ducray,Président de l'interclasse générale des conscrits de Villefranche-sur-Saône
Pour Guillaume Ducray, le sujet est une veine polémique, il n’a pas posé de problème pour l’obtention du label patrimoine immatériel du ministère de la Culture en 2020... et de rappeler que quand les conscrits sont au banquet, les conscrites ne “restent pas à la maison à attendre”... Elles sont au restaurant, entre conscrites, mais aussi avec les femmes des conscrits, pour faire la fête, elles aussi.