À Francheville, dans la métropole de Lyon, un tiers-lieu solidaire est installé sur l'ancien site hospitalier Antoine Charial. Au dernier étage, se trouve un hôtel 3 étoiles atypique. L'hôtel affiche son ambition : mêler art, upcycling et insertion professionnelle. Ouvert depuis neuf mois, il a été inauguré ce mercredi 20 septembre.
Pourquoi Le Grand Barnum ? Pourquoi ce clin d'œil au cirque ? "Parce que c'est un projet un peu fou, avec des murs roses, avec des œuvres d'art du sol au plafond, avec des gens de différents horizons. C'est le cirque quoi !", explique avec enthousiasme Valentin Pascual, le gérant de cet hôtel atypique et solidaire qui a ouvert dans la métropole de Lyon. Ce professionnel chevronné de l'hôtellerie de luxe en parle avec des paillettes et du sourire dans la voix.
Le Grand Barnum, c'est surtout un projet humain et d'insertion porté par la Fondation Armée du Salut. Cette aventure correspond aussi au parcours personnel de Valentin Pascual, qui a travaillé à Londres, à Genève et à Lyon. "J'avais envie de tendre la main à mon tour, de m'inscrire dans ce projet qui me tenait à cœur, j'avais envie de transmettre mon savoir-faire", ajoute le professionnel.
Un hôtel singulier et solidaire
Le Grand Barnum fait véritablement office d'établissement atypique, et pas uniquement à cause de ses couloirs et de sa salle de petit-déjeuner "rose shocking". Il est installé au 4ᵉ et dernier étage de l'ancien hôpital Antoine Charial, à Francheville.
Les clients qui franchissent le seuil du Grand Barnum sont souvent surpris, et même "deux fois surpris. D'abord quand ils arrivent sur le site de l'ancien hôpital qui peut sembler austère, dans le bâtiment il y a aussi un centre d'hébergement d'urgence, il y a de la mixité sociale. Deuxième surprise : quand ils sortent de l'ascenseur et qu'ils voient l'ambiance, les couleurs. Alors, les clients nous bombardent aussitôt de questions. Les réceptionnistes travaillent beaucoup à expliquer le concept", confie le gérant.
On a une clientèle plutôt business en semaine et familiale, culturelle le week-end. On accueille aussi des clients étrangers. Cette mixité se fait dans une belle harmonie. Ce lieu, c'est une utopie assez géniale.
Valentin PascualGérant de l'hôtel "Le Grand Barnum"
Ouvert depuis début janvier 2023, l'établissement hôtelier bientôt officiellement "trois étoiles" est encore méconnu du grand public. Cet hôtel atypique est implanté au cœur du tiers-lieu social et solidaire baptisé "Les Grandes Voisines", un vaste espace de huit hectares à Francheville. C'est une occupation temporaire. L'hôtel était la dernière phase du projet de réhabilitation de l’ancien hôpital Antoine Charial, propriété des HCL. L'activité hospitalière avait cessé en 2021. Mais le projet "Les Grandes Voisines", qui rassemble d'autres associations, ne durera que jusqu'en 2026.
L'établissement a été officiellement inauguré ce mercredi 20 septembre, plus de neuf mois après sa discrète ouverture au public. "Le lieu a rapidement été réquisitionné pour héberger des réfugiés ukrainiens. Les derniers sont partis le 30 juin dernier, une dizaine de chambres étaient encore occupées par ces réfugiés", explique le gérant. Une main tendue qui a ajouté un supplément d'âme à la vocation de l'hôtel.
En septembre, l'établissement affiche un taux moyen de remplissage de 80%, Coupe du monde de rugby oblige, contre 60% les mois précédents. "Mais l'aventure ne fait que commencer, nous n'avons que neuf mois d'ouverture à notre actif", assure le gérant. Et pas vraiment de publicité. Pour le gérant, ce projet "assez fou", mérite d'être pérennisé.
Rose Shocking et Art "Hors Norme"
Chacune des chambres est unique, pas de mobilier standardisé. Vingt-sept chambres décorées au gré des trouvailles. À l'exception de la literie qui est neuve, le mobilier des chambres et des espaces communs est issu de recycleries métropolitaines, ou de chines régionales. Mais recyclage est loin de rimer avec "bric-à-brac". La menuiserie des Ateliers et Chantiers d'Insertion de la Fondation Armée du Salut a restauré les meubles chinés de toutes parts. On mise aussi sur l'esthétique. "Le beau fait beaucoup de chose", résume Valentin Pascual.
C'est donc une ambiance à la fois familiale et arty qui règne. Sur les murs des couloirs, des dizaines d'œuvres et de tableaux aux couleurs vives. Le Grand Barnum se veut être ainsi une sorte de musée vivant et permanent. L’intégralité des œuvres est ouverte à la vente pour les clients de l’hôtel et le grand public. "Une vingtaine d'artistes sont exposés chez nous. On présente au total 575 œuvres, du sol au plafond. On a déjà vendu pour 1200 euros de tableaux, notamment lors des Journées du patrimoine", se réjouit le gérant. L'argent est reversé aux artistes qui font aussi partie du projet "Les Grandes Voisines".
Entreprise d'insertion
Mais Le Grand Barnum, c'est avant tout une entreprise d'insertion, qui emploie et forme aux métiers de l'hôtellerie des personnes éloignées de l'emploi, des personnes en difficulté sociale ou professionnelle. C'est le second hôtel de ce type en France.
Cette nouvelle activité de la Fondation Armée du Salut a permis la création de plusieurs emplois à temps plein en contrat d'insertion. Ces employés sont encadrés par Valentin Pascual, assisté d'une gouvernante. Les deux professionnels ont une vingtaine d'années d'expérience dans l'hôtellerie haut-de-gamme. Mais ce qui prime aujourd'hui, c'est leur mission d'accompagnement.
Le plus difficile, c'est de leur redonner confiance en eux, leur redonner le goût d'eux-mêmes, les remobiliser. C'est pourquoi on est vraiment très proche d'eux.
Valentin Pascual
Le Grand Barnum compte à ce jour quatre réceptionnistes, mais aussi quatre femmes et valets de chambre. Formés aux métiers de l'hôtellerie, ils bénéficient de contrats de sept mois minimum pouvant aller jusqu'à deux ans. Des contrats de 35 heures, payés au SMIC et qui entrent dans la convention collective des centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS). L'objectif étant de leur permettre à ces personnels, adressés à l'établissement via Pôle emploi, de retrouver à terme un emploi stable, en CDI.
"Ils nous disent qu'ils sont bien, qu'ils n'ont pas envie de partir. Si on est réellement là pour les accompagner, dans le monde de l'entreprise, on leur demande de la performance. Alors, on réfléchit aussi aujourd'hui à des partenariats avec des groupes hôteliers pour qu'ils se confrontent aussi avec cette réalité," ajoute le responsable. "Mais dès qu'un salarié est performant, on le met dehors !", lâche Valentin Pascual en riant.
Mission accomplie à ce jour pour un réceptionniste et un valet de chambre de 56 ans qui ont déjà signé en CDI, dont l'un dans l'hôtellerie.