Lundi 20 janvier, la Métropole de Lyon, dirigée par les écologistes, a saisi en urgence la justice pour faire avancer un projet de centre d'hébergement pour jeunes migrants à Écully. Dans cette commune de l'ouest lyonnais, le maire LR fait de la résistance. La justice administrative a rendu sa décision ce mardi 21 janvier. La requête de la Métropole a été rejetée.
"Le maire d’Écully n’a, à ce stade, pas commis d’illégalité manifeste". Le tribunal administratif de Lyon vient de rejeter la requête formulée par la Métropole de Lyon. La collectivité a saisi le tribunal administratif pour que le juge enjoigne au maire d'Écully d’autoriser l'ouverture d'un centre d'hébergement pour mineurs isolés sur sa commune.
"Pas d'illégalité manifeste"
Dans sa décision, le juge considère que la demande présentée par l’association Forum Réfugiés en juillet 2024 "était une demande d’autorisation de réaliser des travaux, et non une demande d’autorisation d’ouverture" d'un centre d'hébergement. Cette demande d'ouverture "doit intervenir dans un second temps". Le juge relève par ailleurs qu' "aucune demande explicite d’ouverture du centre n’a été adressée à la commune d’Écully" à la suite de l'achèvement des travaux en octobre 2024.
Le juge évoque une "confusion opérée dans la présentation de ses demandes par l’association Forum Réfugiés". Il estime également que la Métropole de Lyon "n’établit pas que le maire d’Écully aurait été saisi d’une demande régulière". Il n'établit pas non plus que l'élu "aurait, à la date de la décision, pris position sur une éventuelle demande d’ouverture au public". Fin de non-recevoir pour la Métropole de Lyon. Sébastien Michel, maire de cette commune de l'ouest lyonnais, "n'a, à ce stade, pas commis d'illégalité manifeste".
La Métropole prend acte... et persiste
La réaction de la Métropole de Lyon n'a pas tardé. Mardi soir, dans un communiqué, la collectivité indique qu'elle "prend acte de la décision du tribunal administratif". La Métropole entend toutefois maintenir le cap. "Au regard des conclusions du tribunal, rien ne s’oppose toutefois à l’ouverture de ce centre dans les plus brefs délais et à ce que le maire d’Écully signe l’arrêté d’autorisation d’ouverture". Et le communiqué ajoute : "Le président de la Métropole renouvelle sa demande (au maire d'Écully) en ce sens dans un constant souci de responsabilité et de dignité."
La Métropole rappelle également son "obligation légale" en matière d'accueil des jeunes migrants en attente de reconnaissance de minorité. La collectivité persiste et signe. "Elle se doit d'étudier toutes les voies de recours permettant l’ouverture de ce centre d’hébergement dans les plus brefs délais", conclut le communiqué.
Indignation du maire d'Écully
Le maire LR Sébastien Michel a aussi réagi par voie de communiqué. "Cette décision de justice souligne, comme je le dis depuis le début, le mépris, le cynisme, la brutalité de la méthode employée par Bruno Bernard", écrit l'élu dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux.
Il pointe aussi "l’impréparation et la confusion" autour de ce dossier. "Cela interpelle lorsque l’on est à la tête d’une collectivité de près de 10.000 agents et de plus de 4 milliards d’euros de budget', a ajouté Sébastien Michel. "Il n’est pas normal qu’un président de la Métropole attaque un maire au tribunal pour lui imposer ses vues," assène le maire à l'adresse de Bruno Bernard.
🗞️ Ma réaction suite au rejet de la requête de la Métropole @grandlyon sur l’installation d’un centre de mineurs non accompagnés à #Écully 👇 pic.twitter.com/O9f7GnV8Zv
— Sébastien MICHEL (@michelsebastien) January 21, 2025
Bras de fer
Depuis plusieurs mois, l'affaire empoisonne les rapports entre la mairie d'Écully et la Métropole de Lyon. Opposé au projet, le maire LR Sébastien Michel dénonce "le manque de concertation" du Grand Lyon et refuse de donner les autorisations nécessaires à la rénovation des locaux. Le bâtiment appartient pourtant à la Métropole.
L'hébergement et l'accompagnement des mineurs non accompagnés présents sur son territoire font partie des missions et obligations de la Métropole de Lyon. Dans ce cadre, elle a décidé en 2024 de faire rénover des locaux lui appartenant à Écully et les transformer en centre d'accueil temporaire pour 70 jeunes migrants en attente de leur évaluation de minorité. Une décision qui a du mal à passer du côté de la mairie.
Référé liberté
Pour sortir de cette impasse, la Métropole de Lyon a donc assigné ce lundi 20 janvier la mairie en référé-liberté. La collectivité a également assigné la préfecture du Rhône, estimant qu'elle aurait pu se substituer au maire pour délivrer les autorisations.
"Le maire d'Écully joue la montre, depuis huit mois, il ne se passe rien, il empêche la Métropole d'exercer sa compétence en matière d'hébergement d'urgence", a plaidé Me Gilles Le Châtelier, avocat de la métropole devant le tribunal administratif. Cette opposition revient à un "détournement de procédure" comparable à celui utilisé il y a plusieurs années par la mairie de Nice pour éviter l'ouverture d'une salle de prière pour les musulmans, a-t-il encore argué.
"Il n'est pas seulement question d'accueil du public, il est question de protection de l'enfance, c'est un droit fondamental qui est atteint", a ajouté l'avocate de l'association Forum Réfugiés, qui doit gérer le futur centre d'accueil.
Système d'accueil engorgé
"Loin de nous l'idée de contester une situation dramatique", lui a répondu Me Philippe Schmidt, défenseur de la commune d'Écully, en assurant que des travaux de sécurité restaient nécessaires dans les locaux de cette ancienne école d'ingénieurs. Une bâtisse située avenue Guy de Collongue.
Le site avait déjà accueilli des familles réfugiées venues d'Ukraine. Dans ce centre, les jeunes en attente d'évaluation de minorité ne seraient de passage que quelques jours ou quelques semaines. Mais en octobre dernier, le maire d'Écully, Sébastien Michel, avait expliqué sa position, évoquant notamment un site trop "excentré", "inadapté" et "mal desservi". Le lieu se trouvant à grande distance de Villeurbanne et du centre-ville de Lyon où ces jeunes doivent effectuer leurs démarches, d'après l'élu.
Également dans la balance, les lourds frais d'hébergement de ces mineurs isolés par la Métropole, un dispositif d'hébergement engorgé et une obligation de prise en charge. Selon la Métropole de Lyon, le nombre de mineurs migrants isolés dans l'agglomération est passé de 1200 à 3000 au cours des trois dernières années. Conséquence : des centres d'hébergement saturés et l'obligation de financer des nuitée d'hôtels. Des nuitées qui représentent près de 6 millions d'euros par an, avait à l'époque indiqué Lucie Vacher, Vice-présidente écologiste de la Métropole, en charge de l'action sociale et éducative.
De son côté, le maire d'Écully avait d'autres ambitions pour l'ancienne école d'ingénieurs, notamment un projet "culturel" et d'accueil d'associations.