Le pasteur Jean Costil était avec le curé des Minguettes, Christian Delorme, un des initiateurs de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Il s’est éteint mercredi 16 décembre à l’âge 78 ans.
Pendant une quarantaine d’année, Jean Costil a été de tous les combats pour la défense des étrangers ou sans papiers. Ce pasteur a été le responsable régional de la Cimade (association d’entraide œcuménique) et le président de Forum Réfugiés.
Pasteur pendant une dizaine d’année dans un village des Cévennes, Jean Costil est arrivé dans l’agglomération lyonnaise en 1979. Il était un opposant historique à la « double-peine », nom donné à l'expulsion de jeunes délinquants étrangers ayant toutes leurs attaches familiales en France. En avril 1981, Jean Costil observe une grève la faim avec le père Christian Delorme. Elle débouchera sur l’instauration des premières catégories protégées contre l’expulsion.
Plus discret mais autant combatif que son ami catholique, Jean Costil prend avec Christian Delorme le départ de la longue Marche pour l’égalité et contre le racisme avec des jeunes de Vénissieux. Ils seront 17 à partir de Marseille avant d'être 100.000 à rallier Paris, le 3 décembre 1983.
« Vous avez contribué par vos combats antérieurs et actuels à placer la métropole de Lyon aux avant-postes de la lutte pour les droits de l’homme » lui avait déclaré le maire de Lyon, Gérard Collomb, en mai 2009. L'édile décernait alors à Jean Costil, l’insigne de chevalier de la légion d’honneur.
Entouré de ses proches, Jean Costil a mené une dernière marche, contre le cancer cette fois-ci, l'emportant à l'âge de 78 ans.
La réaction de Christian Delorme
- Pour vous, c'est qui, Jean Costil?
Christian Delorme: C'est d'abord un ami. Quelqu'un avec qui j'ai vécu des choses d'assez exceptionnel, en particulier dans la décennie 1980. C'est vraiment une incarnation de la culture protestante française, de la culture réformée. Une rigueur, un sens de l'éthique, de la justice. Et depuis hier, je me rappelle de beaucoup de choses, depuis l'annonce de son décès, et je me dis, mais il y a un nombre de gens qui lui doivent, en particulier sur la métropole, d'avoir des papiers. Si on additionne les familles, ça fait des milliers de gens.
Ce qui est extraordinaire, c'est quand il est arrivé à Lyon, en 1979, et qu'il a commencé à prendre la responsabilité du poste de la Cimade, il ne connaissait rien de toutes ces questions d'étrangers. Il n'avait pas une histoire dans l'immigration, une histoire militante dans l'émigration. Il s'est investi totalement justement parce que pour lui, il était question de justice. Et c'est vraiment ça qui qui l'a animé, tout le temps, et avec des résultats incroyables. Il était disponible tout le temps, tout le temps, tout le temps. Et tout ça avec un sens du devoir incroyable. C'est la rigueur.
Il y avait chez lui le sens de la pudeur. Il se livrait peu sur sur lui. Je me souviens par exemple, à la Cimade, il reçoit un jour un coup de téléphone lui annonçant le décès de son père. Il pose le téléphone et dit, "mon père est mort". Il continue l'entretien avec la personne avec laquelle il était et tout le reste de la journée, il a fait comme s'il ne s'était pas passé d'évènements. Ce n'était pas quelqu'un qui fonctionnait à l'affectif.
On était d'ailleurs très différents. Et c'est pour ça qu'il a été précieux. Des deux grands moments qu'on a vécus ensemble, avec la grève de la fin de 1981 contre les expulsions de jeunes et la Marche pour l'égalité de 1983, ces événements ont été possibles parce qu'il était là, parce qu'il avait un sens très concret de ce qu'il fallait faire.
- Moins médiatique ou moins sur le devant de la scène que vous dans ces grands combats...
Oui, c'était lié à sa culture protestante. Et puis c'était pas quelqu'un qui s'exprimait beaucoup, Jean. Il était quelqu'un de très intelligent, peut-être de trop intelligent. Parce que les gens trop intelligents, il y a tellement de choses qui arrivent à la fois dans leur tête qu'ils ont souvent du mal à exprimer de manière claire. Je crois que c'est un peu ça aussi, Jean, ce n'était pas un orateur.
- Mais un vrai militant?
Peut-être, mais moi, c'est pas d'abord le mot militant que je retiens. C'est d'abord une incarnation de quelque chose de la culture protestante réformée, mais qui est en train de s'effacer dans le pays, et c'est tout à fait révélateur qu'il ait voulu terminer ses jours là-bas dans les Cévennes, dans le Gard, en terre protestante.
- Pour vous, c'est pas un militant de la cause des Droits de l'Homme, des droits humains, de la justice sociale?
Si, de fait, il a été une des grandes figures pendant presque 40 ans à Lyon. Il a voué sa vie, en étant ici à Lyon, aux étrangers. La Cimade, avec lui, a été d'une vigueur extraordinaire. Ensuite, il a été un des co-fondateurs de Forum Réfugiés. Puis il s'est investi, quand il était à la retraite, avec le contrôleur des prisons. Enfin, il n'a cessé de défendre le droit. Mais je crois que ce qu'il l'animait vraiment, c'était ce sens très fort de la justice helvétique, donc quelque chose qui vient de son enracinement évangélique au sens fort du terme. C'était un disciple de Ricoeur sans forcément en être conscient.
- ça restera une figure lyonnaise...
Ah oui, c'est une figure lyonnais. Je relisais le discours que Gérard Collomb a fait quand il a reçu la Légion d'honneur de la part de Jacques Maury et j'étais content de voir que Collomb insistait beaucoup sur son sens de l'éthique.
Pour revoir les documents de l'INA concernant la Marche pour l'égalité et contre le racisme de 1983.