A l'heure des célébrations du 80e anniversaire de l'appel du 18 juin, qui se souvient des premiers morts civils de la guerre à Lyon? Deux algériens et un africain, assassinés par les Allemands le 21 juin 1940. Un fait découvert il y a 17 ans mais resté aujourd'hui encore dans l'ombre ...
Les célébrations du 80e anniversaire de l'appel du 18 juin mais aussi dans notre région du massacre des tirailleurs africains à Chasselay sont nombreuses. Mais pourtant la mémoire a des ratés... Ainsi, au lendemain de ces commémorations de l'appel du général De Gaulle, il est des pans d'histoire collective qui restent obstinément cachés.
Le 19 juin 1940, les Allemands entrent dans Lyon déclarée "ville ouverte" et s'installent vers 16h15 à la préfecture. Il n'y aura pas de combats.
Deux jours plus tard, le 21 juin, derrière ses portes, dans le secret des caves de la préfecture, trois civils: deux Algériens et un Africain sont assassinés.
Ce fait inconnu et bouleversant, c'est l'historien Philippe Videlier qui le découvre en 2003 en préparant une exposition sur l'Algérie à Lyon, presque par hasard, aux archives départementales.
En dépouillant cette chemise, je suis tombé sur ce document qui était un rapport de gardien de la Paix du 22 juin 1940 et qui faisait état de trois assassinats dans les caves de la préfecture de Lyon. Le meurtre de deux algériens et un noir sur ordre des autorités allemandes à coups de révolver.
Rien ne rappelle leur souvenir
Ils s'appelaient Mohammed Ben Salah et Mohammed Ben Ali. On ne saura rien du troisième, cet homme noir aux chaussures jaunes. Leur avis de décès est vérifié. Mais 17 ans plus tard, ce fait d'histoire reste ignoré. Aucune plaque n'a été posée en leur mémoire. Et pourtant, une reconnaissance irait au-delà d'un simple fait historique.
Ca donne un angle de vue sur la société, sur la façon dont l'histoire s'est déroulée, qui a un écho chez les gens, qui permet de les faire eux aussi rentrer dans l’Histoire, que ces inconnus là reprennent leur place d’humains dans l’Histoire.
Dans le registre des décès de la mairie du 3e arrondissement, figurent bien les noms de Mohamed Ben Salah et Mohamed Ben Ali.
J’ai essayé de rechercher qui étaient ces gens. J’ai retrouvé l’état-civil des décès. Et dans cet état civil, ils étaient inscrits comme « décédés sur le territoire du 3e arrondissement ». C'est-à-dire qu’on gommait les circonstances de leur mort.
A la libération, on immortalisera le passage du Général de Gaulle à Lyon et de ses soldats maghrébins place des Terreaux. Mais rien sur le sacrifice de ses trois morts. Quatre-vingt ans plus tard le temps n'a pas fait son œuvre mémorielle.