Ce mercredi 2 novembre 2022, devant la Cour d'Assises du Rhône, s'ouvre le procès de Rose Filippazzo. Surnommée "la veuve noire", cette femme de 50 ans est accusée du meurtre de son mari, tué en septembre 2018. La violence conjugale est au cœur des plaidoiries, entre "circonstances atténuantes" et prétexte "mis à toutes sauces" ?
A la Cour d’Assises du Rhône, à Lyon, Rose Filippazzo comparaît ce mercredi 2 novembre. Elle est accusée du meurtre de son époux, Michel Zirafa, artisan-maçon roannais, mort en septembre 2018. Celle qui est surnommée la veuve noire risque la réclusion criminelle à perpétuité. est défendue par Me Janine Bonaggiunta, avocate de Jacqueline Sauvage. Du côté des parties civiles, c’est Me Marie Harmony-Belloni qui représentera le père du défunt.
Rose Filippazzo, «victime d’un rouage de violence»
Le 21 septembre 2018, le corps de Michel Zirafa est retrouvé sans vie dans sa maison de Thurins (Rhône). L’homme a été tué d’une balle dans la tête. Son épouse, Rose Filippazzo, n’avouera le meurtre que sept mois plus tard, au terme de plusieurs audiences. Elle explique son geste par une accumulation de violences, qu’elle a subies pendant 28 ans.
Son avocate, spécialisée dans la défense des femmes meurtrières victimes de maltraitance, voit en sa cliente, une victime. «Je ne défends que les accusés que j’estime être victime, justifie-t-elle. Victime d’un rouage de violence, dans le clos familial, le huis-clos, sans parler pendant des années, et des violences de toutes sortes : verbales bien sûr, psychologiques, physiques et sexuelles».
Rose Filippazzo est victime de ne pas avoir parlé. 28 ans de souffrance, cela crée des traumatismes. Et ce jour-là, il y a eu un déclic
Me Janine Bonaggiunta,avocate de la défense spécialisée dans les violences conjugales
Quelques minutes avant le début de l’audience, Me Janine Bonaggiunta détaille ses axes de défense : «Rose Filippazzo est victime de ne pas avoir parlé. 28 ans de souffrance, cela crée des traumatismes. Et ce jour-là, il y a eu un déclic, un mot de trop pour une situation de troubles, pour une scène de troubles. Elle a effectivement finalement éclaté. D’ailleurs, elle ne s’en souvenait plus lorsqu’elle est partie des lieux du crime».
«Les violences conjugales, on ne peut pas les utiliser à toutes les sauces»
Une vision que contredit Me Marie Harmony-Belloni, avocate du père du défunt : «Ce que [mon client] souhaite, c’est que la victime de cette affaire qui est uniquement M. Zirafa, lui qui a été tué, soit respectée, et ne soit pas salie. Il a aussi conscience, et il sait parfaitement ce dont est capable la défense pour assurer ses intérêts».
Pour celle qui représente les parties civiles, il n’y a pas de doutes possibles : «Il y avait bien évidemment intention de tuer. Madame est poursuivie pour un meurtre aggravé, ça sous-entend qu’il y a un élément intentionnel dans le meurtre. On n’est pas sur des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner». Interrogées sur les violences potentiellement subies par Rose Filippazzo, l’avocate lance : «Les violences conjugales, c’est une cause extrêmement importante, que moi, je défends très clairement. Mais à un moment donné, on ne peut pas l'utiliser à toutes les sauces pour assurer une défense, pour minimiser une peine. En faisant cela, on ne fait que décrédibiliser les vraies victimes».
Des «circonstances très atténuantes»
Me Janine Bonaggiunta pointe, quant à elle, l’emprise de Michel Zarafa sur Rose Filippazzo. «C’est une femme qui est marquée à vie, qui est estampillée par cet homme, qui ne pense qu’à lui et qui ne réfléchit qu’à travers lui, explique-t-elle. Donc c’est extrêmement difficile déjà, alors qu’elle est détachée de lui, elle ne l’est pas tant que ça. Parce qu’elle cauchemarde en permanence, et elle est extrêmement empreinte de tout ce qu’il lui a fait subir pendant 28 ans».
L’avocate ira-t-elle jusqu’à plaider la légitime défense ? Me Janine Bonaggiunta répond qu'elle évoquera les «circonstances très atténuantes» : «Je ne vais pas plaider la légitime défense parce que ça ne s’impose pas dans son cas précis. Parce qu’il y a eu une scène de violences psychologiques et physiques avant le crime, mais ce n’est pas forcément dans le même temps. Donc cela pose des problèmes au niveau de la jurisprudence qui n’a pas été retenue avec l’affaire de Jacqueline Sauvage. Et je n’ai pas envie de me confronter aux mêmes difficultés. Donc, tant qu’il n’y a pas une nouvelle législation sur la légitime défense, éventuellement différée, je m’abstiendrai de plaider la légitime défense».
Trois jours de procès
Qu’attendent les parties dans ce procès ? L’avocate du père de Michel Zirafa précise : «Rien ne ramènera son fils. Il vit la peine incommensurable que cause la perte d’un enfant. Il attend que justice soit rendue et que la peine prononcée par la Cour d’Assises soit à la hauteur du crime qui a été commis sur son fils».
Me Janine Bonaggiunta, qui défend Rose Fillipazzo, requiert, quant à elle, la clémence : «Je vais simplement expliquer que ces femmes victimes de violences ne sont pas aidées par les sociétés. A un moment, elles ne savent plus comment réagir, elles ne savent plus comment faire pour survivre, tout simplement. Et elles commettent cet acte irréparable, mais de manière totalement inconsciente. Je vais demander évidement les plus grandes circonstances atténuantes».
Pendant trois jours, les récits et les plaidoiries se confronteront pour démêler les vérités des mensonges à la Cour d’Assises du Rhône. Le verdict est attendu ce vendredi 4 novembre.