Devenu commerce multiservice, le tabac-presse est parfois aussi la dernière boutique de proximité. Après les journaux, le tabac, le café, les photos d'identité, à Dardilly, près de Lyon, le Drugstore du Barriot accueille des œuvres d'art.
Entre la pile du "Figaro week-end", le dernier "Charlie Hebdo", les paquets de cigarettes et les jeux à gratter, au Drugstore du Barriot il y a des paysages de montagne. Des toiles peintes à l'huile et à l'acrylique se sont fait une place au bureau de tabac de Dardilly, près de Lyon.
Dédicaces, ruche pédagogique, dégustations de vin ...
Derrière son comptoir, c'est avec un "bonjour" joyeux que Marie-Cécile Ardouin accueille chacun de ses clients du matin. Retraités, lecteurs de presse, ouvriers qui achètent leur tabac avant le début de la journée, joueurs qui grattent leur grille sur un bout de table, ici on se croise le temps d'un café. À première vue, le Drugstore du Barriot pourrait ressembler à l'un des 23 000 autres bureaux de tabac que l'on trouve en France.
Pourtant dans l'air, flotte une ambiance plus cocooning, traduisez par "douillette". Est-ce la musique jazz qui passe discrètement en fond, les chaudes lumières, la cave à vin, le coin librairie ou les œuvres d'art installées récemment un peu partout qui donnent au lieu son identité ?
Il semble que ce soit surtout sa propriétaire qui fasse la différence en multipliant les évènements pour faire vivre son commerce. "C'est la première fois que j'installe ici des peintures, mais j'ai déjà organisé des dédicaces de livres faits par des gens du coin, j'ai aussi fait venir une ruche pédagogique et j'ai organisé des dégustations de vin : ça crée de l'animation", résume la commerçante.
"Un endroit où les gens se rencontrent"
Fille d'un producteur de cognac, cette ingénieure chimiste de formation devenue chasseuse de têtes à l'international (rien à voir avec les westerns, elle était recruteuse) en a eu un jour "marre de l'industrie".
" Je cherchais un projet dans un bureau de tabac, parce que c'est un endroit où les gens se rencontrent, je voulais un lieu de vie comme dans les pubs anglo-saxons. Le vendredi quand c'est le marché, les gens se retrouvent ici autour de ma petite table et je suis fière de recréer du lien avec les gens", détaille Marie-Cécile, qui n'hésite pas à se mettre en scène sur les réseaux sociaux avec ses habitués.
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Depuis décembre, elle a décidé d'ouvrir ses portes à un artiste local : Romain Schaller, peintre installé à Chazay d'Azergues. " Romain est un client, il m'a demandé de mettre une affiche dans la vitrine pour une exposition. Comme je fais un peu de peinture à l'huile on a commencé à échanger ", se remémore la commerçante.
Aux Pays-Bas, vous rentrez dans une cave, dans un restaurant , une librairie, il y a des toiles exposées, alors pourquoi ne pas faire pareil à Dardilly?
Marie-Cécile Ardouin, commerçante
" Ça permet de démocratiser l'art"
Ainsi, les montagnes peintes de Romain Schaller se sont fait une place dans la vitrine et sur les étagères du drugstore. " Ça permet de démocratiser l'art, des fois les gens ont peur de pousser la porte d'une galerie de peinture, explique la commerçante. Là, ils rentrent pour acheter leur journal, des bonbons, un magazine et on donne un accès direct à l'art et à l'artiste."
Des toiles déjà exposées à New-York, Barcelone, Amsterdam et aujourd'hui installées dans le tabac-presse de Dardilly. "Le bureau de tabac de Marie se prête très bien à l'exposition, il y a une ambiance bien particulière, assure Romain Schaller, le peintre. C'est important d'être dans la vraie vie, quand on est un artiste on a tendance à vivre en ermite."
Des oeuvres qui ne laissent pas indifférents les habitués des lieux. " Ça ne m'étonne pas qu'il y ait des œuvres ici, assure une retraitée, son journal à la main. C'est un lieu toujours très dynamique, il y a même des dégustations de vin ! "
" Ça me donne froid de les regarder ", s'amuse Christian, venu chercher ses cigarettes. " Ici on peut boire notre café et tailler le bout de gras, ça devrait être partout comme ça, détaille le "retraité actif". Il n'y a plus de bistrot à Dardilly. Il y a des restaurants, mais pour se retrouver, il faut aller à Savigny ou Dommartin". En quelques minutes, la discussion est lancé sur le "Dardilly d'avant" avec Gilles venu chercher un jeu à gratter.
" La montagne est belle, mais vous l'embellissez ! "
Voilà qu'un autre habitué entre. Après un "bonjour" global, il se dirige vers Marie-Cécile retournée derrière son comptoir, mais voilà qu'il s'arrête devant un tableau étonné. "Je suis particulièrement nul en dessin, je suis d'autant plus admiratif, assure-t-il à Romain Schaller. La montagne est belle, mais vous l'embellissez ! "
"C'est pour ça qu'il faut sortir de son atelier", nous glisse réjoui l'artiste, pendant que Marie-Cécile continue de servir et de faire la discussion à ses clients. Il est temps de quitter le Drugstore du Barriot, où la vie quotidienne du commerce de proximité se teinte d'une petite touche d'art et d'un souffle de montagne.