Neige et grand froid. "On a rencontré un monsieur de 75 ans pour qui on n'avait pas de solution d'hébergement"

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La préfecture du Rhône estime qu'au moins 300 "ménages" ( ou familles) dorment dehors en cette mi-décembre sur la métropole lyonnaise. Le plan Grand Froid est déclenché. Il prévoit l'ouverture d'hébergements d'urgence supplémentaires.

Dans le quartier Part-Dieu à Lyon, à deux pas de la gare, de minuscules tentes occupées par des sans-abris ont fleuri. Bien alignées, certaines sont blotties au pied des bâtiments ou dans des contre-allées. Certaines sont bien en vue, installées sur l'esplanade trempée. 

Dans ce quartier, ils sont près de 80 à vivre sous ces igloos de tissu, été comme hiver. Des célibataires mais aussi des familles. Tous soumis à des conditions hivernales rudes et à la peur des agressions. Pour eux, aucune solution d'hébergement n'a été trouvée. Alors chacun se protège comme il peut du froid. Les plus ingénieux ont installé leurs abris sur des palettes, pour tenir l'humidité à distance.

Des familles qui dorment dehors

Dans la nuit du 13 décembre 2022, le mercure est descendu en dessous de 0° et les flocons sont tombés sur la région. Certaines de ces minces tentes de toile ont été recouvertes de plusieurs centimètres de neige. "Il fait froid. Hier soir avec la neige, on a eu peur que la tente s'écroule. Je n'ai pas de bâche", explique un père de famille. "On met 4 ou 5 couvertures, 3 couches de vêtements", ajoute une femme qui vit à la rue avec ses deux enfants adolescents depuis octobre. Elle explique n'avoir pas d'espoir d'obtenir un hébergement. "Il y a une longue liste d'attente".

Je me couvre mais le froid est trop important et on est à même le sol. Je ne peux rien faire pour me protéger. C'est vraiment très dur.

un sans-abri à Lyon

Ce matin-là, bravant la neige, des bénévoles du Samu social sont venus avec des sacs de victuailles et des thermos pour distribuer des boissons chaudes aux sans-abris. Malgré les distributions de couvertures et de nourriture, la situation devient intenable. Selon Bintou, bénévole qui participe à des maraudes depuis 6 ans, la situation s'est beaucoup dégradée : "quand j'ai commencé à faire ça, je ne voyais pas autant de gens dans la rue. Aujourd'hui, dans chaque coin, il y a des gens. Avant, on ne voyait pas d'enfant. Avant, je ne voyais pas de femme non plus, ce n'était que des hommes. Maintenant, il y a de tout, c'est incroyable".

Ces 10 dernières années, l'hébergement d'urgence dans le Rhône est passé de 3 500 à 7 400 places. Mais c'est encore insuffisant par rapport aux besoins.

Aujourd'hui, consigne est donnée d'héberger systématiquement les enfants de moins de 3 ans. A Lyon, on n'est pas en capacité d'héberger un enfant de 4 ans considéré comme suffisamment fort pour vivre dans la rue.

Maud Bigot

Alynéa- Samu social

Sans solution pour des enfants et personnes âgées

Personnes expulsées de leur logement, migrants, jeunes isolés après une prise en charge dans leur enfance, adultes en détresse souffrant de troubles psychiatriques : les profils des personnes à la rue sont très variés selon le Samu social. "On voit beaucoup de personnes à la rue. On n'est pas en capacité de leur proposer des solutions", explique Maud Bigot, responsable de l'association Alynéa- Samu social.

Elle ajoute : "la préfecture a lancé le plan Grand Froid. Mais ce n'est pas suffisant. Hier soir, on a rencontré une famille avec un enfant de 4 ans qui n'a pas de solution. Un monsieur de 75 ans auquel on n'a pas pu proposer de solution. On est plus qu'inquiet par rapport à la solution", explique Maud Bigot. Elle pointe du doigt les dysfonctionnements des politiques publiques et le "manque d'ambition politique" depuis des années en matière de logement.

Plan Grand Froid déclenché

Avec la baisse du mercure depuis le début de la semaine, le préfet a déclenché le plan Grand Froid qui prévoit l'ouverture d'hébergements d'urgence supplémentaires. "C'était un épisode climatique annoncé. Ça fait plusieurs jours qu'on travaille avec les différents acteurs du social et de l'hébergement", indique Vanina Nicoli, Préfète du Rhône à l'égalité des chances. Depuis lundi 12 décembre, 67 places d'hébergement d'urgence supplémentaires ont été ouvertes. "Elles viennent se rajouter aux places déjà ouvertes la semaine dernière. Nous accélérons la mobilisation des places d'hébergement", ajoute Vanina Nicoli.

"Nous avons des places d'hébergement collectif sur des sites déjà identifiés, à Rillieux et Champagne. Nous avons des places en hôtel, également mobilisées, en dernier recours", détaille la préfète. 

Mais c'est également l'immobilier d'Etat qui désormais pourrait être mobilisé. "Ça peut être soit des locaux de bureaux actuellement inoccupés et qu'on va pouvoir transformer en hébergement moyennant quelques travaux et aménagements. Ou des sites qui sont déjà calibrés comme des logements mais qui ont vocation à être cédés et dans l'intervalle, on va les mobiliser pour faire de l'hébergement", indique Vanina Nicoli, Préfète du Rhône à l'égalité des chances.

La maison de la veille sociale, structure qui répond au 115, évalue la sensibilité, la vulnérabilité des personnes pour pouvoir les orienter de façon prioritaire, notamment les femmes avec enfants, les personnes qui ont des fragilités particulières.

Vanina Nicoli

Préfète du Rhône à l'égalité des chances

Des gymnases pourraient également être transformés en hébergements d'urgence. Mais cette solution reste une possibilité ultime. Selon la préfecture, dans le Rhône, 300 ménages (ou foyers) dormiraient encore dans la rue en cette période de froid. De son côté, l'association Alynéa- Samu social, entre le 5 et le 11 décembre, 1557 personnes ont appelé le 115 mais n'ont pas obtenu de solution d'hébergement.

Propos recueillis par S.Cozzolino et C.Conxicoeur

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