À l'automne, il recouvre la ville de Lyon. Un brin mystérieux au petit matin, il peut s'estomper pour laisser place à un ciel bleu. Le brouillard lyonnais est aussi appelé "ciel de suie", en référence à un roman éponyme.
"Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle", les Lyonnais découvre alors, l'automne venu, un brouillard qui seul ici est baptisé : "ciel de suie".
Un "smog" comme l'appellent les météorologistes et un roman inspiré d'un fait divers.
"Une spécificité lyonnaise"
Commençons par le commencement. Durant quelques semaines, entre octobre et février, Lyon se retrouve, souvent, au petit matin, sous un épais brouillard impénétrable.
Pour Tom, prévisionniste à la station de Météo France à Lyon,"ce brouillard est une spécificité lyonnaise".
Le bassin lyonnais, étant situé entre Rhône et Saône, l'apport d'humidité est important. Quand les nuits sont calmes et fraîches, le sol rayonne, renvoyant de la douceur, formant ainsi le brouillard. Avec la présence de la Dombe et un peu de vent de nord, le "smog" arrive sur la métropole.
Tom Remond, prévisionniste à Météo France
"L'atmosphère feutrée"
Le brouillard est comme un nuage dont la base touche le sol. Voilà pour l'explication. Mais, à Lyon, un auteur s'est inspiré de ce phénomène et d'un fait divers pour en tirer un roman intitulé : "Ciel de suie".
L'ouvrage du Lyonnais, Henri Béraud, dont il "situe l'action au XIXe siècle, entre la place Bellecour et la colline de la Croix Rousse, reconstitue l'atmosphère feutrée" qui enveloppe la ville.
Par une brèche des tuiles et des cheminées, nous apercevions le Rhône qui, entre ses berges géométriques, brillait comme une colline de soie.
Henri Béraud, Extrait "Un ciel de suie" (1933)
Un auteur controversé
L'auteur fut sujet à de nombreuses controverses. Ami d'Albert Londres, il entame sa carrière en tant que journaliste pour se consacrer à la littérature. Prix Goncourt en 1922 avec "Le martyre de l'obèse", il sera condamné à mort pour "intelligence avec l'ennemi" en 1944, puis gracié par le Général De Gaulle.
La ville comme décor
Publié en 1933, "Un ciel de suie", "où les passions et le crime s'accomplissent dans le silence et le secret", prend pour décor la ville industrielle de la fin du XIXe siècle. À l’époque, les cheminées des usines crachaient leurs fumées noires, mêlées de substances polluantes et grisâtres, donnant ainsi à ce brouillard saisonnier l'air menaçant.
"Spleen et Idéal"
Ce ciel de suie, Tom, prévisionniste à Météo France, le définit aujourd'hui aussi à cause de l'activité industrielle. "C'est ce que l'on appelle, nous, un phénomène d'inversion des températures". Il se produit lorsque la fumée des usines s'échappe avec une température légèrement plus élevée que l'air ambiant. En s'élevant, elle se refroidit et par conséquent, elle redescend. "Cela crée comme un couvercle qui emprisonne les particules d'humidité et de pollution", indique Tom.
Notre prévisionniste l'admet, "nous n'avons jamais parlé de ciel de suie, on parle plutôt de smog". Un brouillard typiquement Lyonnais qui "nous verse un jour noir plus triste que les nuits", écrit aussi Charles Baudelaire dans "Les Fleurs du mal".
Mais l'idéal peut succéder au spleen. La plupart du temps, ce "ciel de suie" laisse place à un beau ciel bleu.