Depuis plusieurs décennies, DuBouillon est le dessinateur attitré du quotidien Lyonnais "Le Progrès". Le journal lui réserve une colonne dans l'édition du dimanche, où il résume à sa manière l'actualité de la semaine. Le dessinateur a pris sa retraite en décembre. Retour sur une carrière riche en rencontres et en coups de crayon.
"Je voulais exprimer ma manière de penser, le dessin me convenait très bien". Alain Bouillon, alias DuBouillon, est un dessinateur et caricaturiste lyonnais. Depuis 50 ans, il croque la vie politique et l'actualité.
Après les Beaux-arts
"J'étais à Lyon. Au début, j'envoyais mes dessins par courrier aux journaux et aux rédactions. Ça mettait du temps", explique-t-il. "J'ai quitté Lyon à l'âge de 23 ans, pour Paris. J'y suis resté durant 10 ans. J'ai connu beaucoup de dessinateurs. Un type que j'aimais bien et qui me suivait aussi, c'était Cabu. Une grande relation d'amitié", raconte DuBouillon. Hormis leur travail dans la presse, les deux dessinateurs travaillaient aussi pour la maison Dargaud, l'un pour Pilote et l'autre pour Tintin. C'est à Paris que le Lyonnais tisse des liens dans les années 60 avec une génération de dessinateurs "gonflés".
"Ils étaient gonflés"
"Il y avait peu de dessinateurs qui faisaient l'actualité à l'époque, à part Jacques Faizant pour le Figaro. Hara-Kiri commençait à paraître. Il a sorti des dessinateurs extraordinaires. Ils étaient assez gonflés, je les ai suivis et un peu participé au début. C'est une génération que j'ai beaucoup aimée".
Le dessinateur de presse est entre l'artiste et le journaliste, c'est compliqué (...) Je cherchais à faire des dessins drôles. Le but, c'est tout de même de faire rire les autres.
DuBouillondessinateur
Si le dessinateur lyonnais reste discret sur son parcours, il parle surtout de ses rencontres les plus marquantes. "Chez Hara-Kiri, ils étaient irrévérencieux par rapport aux institutions. Ils étaient capables de faire des dessins contre la morale. Ils étaient courageux." Du journal satirique au ton cynique, le dessinateur a connu François Cavanna. DuBouillon a également collaboré avec Reiser pendant deux ans dans la BD. Une collaboration insolite pour le jeune homme issu d'un milieu "relativement conservateur". "Je faisais les dessins et lui les scénarios. Je dessinais ce qu'il écrivait. Il avait une rapidité d'écriture incroyable. C'est pour ça que je m'entendais bien avec lui : il m'a appris beaucoup de choses, j'étais un peu timide à l'époque. Il m'a sorti de mes réserves", explique le Lyonnais.
Satiriques
Le style de DuBouillon se caractérise par un dessin des personnages aux traits arrondis bien reconnaissables : un grand nez, une grande bouche, une houppette au sommet du crâne pour les messieurs, des rondeurs bien placées et des nœuds papillons sur les cheveux des femmes.
"Le personnage, c'est un guignol, c'est une marionnette qu'on fait parler, selon ce qu'il a à dire ", résume DuBouillon. "On regarde ce qui se passe dans la société dans laquelle on vit. Il faut du vécu, une certaine expérience. Souvent l'actualité nous aide, les hommes politiques, les faits de société, les mouvements humanistes, les problèmes politiques, les dictatures... ".
"Le talent d'aller chercher la petite info drôle dans une actualité qui ne l'est pas, c'est ce qui a fait son succès chez nous". Frédéric Blanc, rédacteur en chef adjoint au Progrès. Le dessinateur a collaboré pendant plus de quatre décennies avec le quotidien régional. Ses dessins traitaient de l'actualité nationale, voire internationale. "Je n'aurais pas aimé faire du dessin simplement pour Lyon, avoir à faire avec les institutions lyonnaises et les notables lyonnais.", confie-t-il. Crainte de l'autocensure.
40 ans de carrière, 40 dessins d'actualité
Difficile pour Frédéric Blanc de résumer ces riches décennies de collaboration avec le dessinateur : "Alain DuBouillon est un peu la mémoire de la rédaction, quarante années de collaboration. C'est plutôt lui qui est en position de proposer et nous de choisir, plutôt que de lui commander des dessins. Durant toutes ces années, il avait l'habitude de nous proposer une série de dessins sur laquelle on s'appuyait pour illustrer une semaine d'actualité".
DuBouillon, c'est Le Progrès. Le Progrès, c'est DuBouillon. Il y a une vraie histoire commune. C'était un peu un déchirement de mettre fin à cette collaboration. DuBouillon n'est pas remplacé, DuBouillon n'est pas remplaçable.
Frédéric BlancRédacteur en chef adjoint, Le Progrès
Depuis 1994, le quotidien publiait chaque année un album recueil de ses meilleurs dessins du dimanche. Chute du mur de Berlin, 11 septembre, Charlie Hebdo, Jeux Olympiques de Paris ... Un numéro spécial est paru en décembre autour de 40 faits d'actualité qui balaient les 40 ans de carrière du dessinateur. En mars, une exposition est prévue aux Archives de Lyon en mars prochain.
La réputation du dessinateur a largement dépassé les frontières de la capitale des Gaules. Depuis décembre 2023, la médiathèque de Nantua porte désormais le nom de « médiathèque DuBouillon ».