"Cet après-midi à 15 heures". C'est le titre de la pièce de théâtre dédiée à Missak Manouchian. Le résistant arménien est entré au panthéon en février 2024.
C'est un public souvent qualifié de difficile, parfois dissipé. Collégiens et lycéens ont pourtant fait mentir leur réputation. Les quelque 350 adolescents venus de 11 établissements du nord Isère sont restés attentifs et captivés. Sur les planches du théâtre Jean-Vilar de Bourgoin-Jallieu, le 29 novembre dernier, des comédiens interprétaient pour la première fois, "Cet après-midi à 15 heures".
Une création originale dédiée à Missak Manouchian et à son groupe de résistants. Tous ont été fusillés au Mont-Valérien en février 1944. Un épisode tragique de l'occupation.
Violences...
Quatre-vingts ans après l'exécution de Missak Manouchian et de ses compagnons de lutte, le résistant arménien est entré au panthéon. C'était le 21 février 2024. La pièce de théâtre qui rend hommage à ces héros de l'ombre fait ressurgir le destin tragique de Missak Manouchian et de ses compagnons de lutte. Dans son groupe, ils étaient 23 : juifs, Espagnol, Hongrois, Polonais, Italiens, Roumaine et Arméniens. Olga Bancic, la seule femme du groupe.
L'atmosphère sombre et étouffante. Les scènes se déroulent en cellule et dans le bureau de la brigade spéciale de la police qui a contraint le groupe de résistants aux aveux. La pièce écrite par Chochana Boukhobza se base sur des documents historiques, les rapports de filatures et les procès-verbaux d'interrogatoires. Elle fait revivre les derniers jours du groupe et son engagement héroïque. Violences physiques ou psychologiques... rien n'est épargné à ce jeune public pour faire revivre l'angoisse et les derniers jours de ces résistants.
... et émotions
"C'était vraiment émouvant, ça permet vraiment de se plonger dans le quotidien des années de Seconde Guerre mondiale. J'ai trouvé que ça changeait réellement par rapport à ce qu'on voit en cours", a expliqué une lycéenne. "Ça m'a ému de voir que des personnes résistaient. Pour moi, c'est un peu des super-héros", a ajouté un collégien.
Les comédiens ont été agréablement surpris par l'attention des adolescents. "C'était chouette parce qu'on la craignait un peu cette représentation. On se demandait comment elle allait être comprise et perçue par des collégiens et lycéens. J'avais peur que sur les coups, ça surréagisse. Dès le début, on a senti une écoute incroyable. Ils étaient avec nous, on sentait qu'ils étaient vraiment avec nous, qu'ils ne dormaient pas", a assuré Jérôme Quintard, l'un des comédiens.
"C'est émouvant de partager cette histoire avec eux. Et de voir à quel point elle peut avoir des résonances avec aujourd'hui. C'est très chouette (...) J'espère que les questions que pose la pièce vont résonner en eux", a expliqué le comédien Clément Carabedian.
Au-delà du programme scolaire
"Ça fait partie de leur programme d'histoire. Ça mixe aussi le Français et l'Histoire. En français, ils ont étudié la fiche rouge. Et nous, on reprend après en histoire. Ça fait partie de leur devoir de mémoire," assure Jérôme Dourret, professeur d'histoire-géographie.
Plus qu'un épisode de la Seconde Guerre mondiale, au programme, c'est une leçon contemporaine pour les enseignants. "Des gens résistent dans le monde entier. Parfois, ils sont victimes d'arrestation arbitraire et de torture. C'est un sujet d'actualité," précise Frédérique Brenier, professeure de français et d'histoire-géographie.
Pour cette première, la metteuse en scène avait quelques appréhensions. '"C'est à la fois un cours d'histoire et un spectacle vivant. J'espère qu'ils seront réactifs, à l'écoute et surtout qu'ils vont retenir les messages de ce spectacle", a confié Saté Khachatryan, metteuse en scène Compagnie Saté-Âtre, avant la représentation.
Lourd de sens et pédagogique, le titre de cette création reprend les derniers mots adressés par le résistant et poète arménien à sa femme Mélinée. Ce sont aussi les dernières paroles qui viennent conclure un huis clos sombre et douloureux... mais qui redonne vie et nuances aux notions de résistance et d'engagement.
À suivre...
Après des mois d'écriture et de répétitions, cette création originale de la compagnie Saté-Âtre en coproduction avec le théâtre du Toboggan de Décines et le théâtre Jean-Vilar de Bourgoin-Jallieu a été jouée pour la première fois avec succès. Ce spectacle sera présenté le 6 décembre prochain à la MJC théâtre Prémol de Grenoble, dans le cadre du mois de l'Arménie en Isère. Elle sera également présentée en mars prochain au Toboggan de Décines dans la métropole de Lyon.