A Lyon, la crèche Girofle, exploitée par le groupe Maison Bleue, est fermée administrativement depuis décembre dernier, à la suite d'un rapport des autorités signalant d’importants dysfonctionnements. Des parents tiraient la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois.
Linges sales, couches trop petites, lait mal conservé... Le rapport de la protection maternelle et infantile (PMI) sur la crèche Girofle du 7e arrondissement de Lyon est sans appel. Après les conclusions d’une visite de la PMI le 26 novembre dans l’établissement qui accueille 25 enfants, la Métropole de Lyon a signé un arrêté de fermeture administrative pour trois mois. Depuis le 18 décembre, les portes de l’établissement exploité par le groupe Maison Bleue sont restées fermées.
Pour certains parents, c’est presque un soulagement. Depuis plusieurs mois, ils étaient plusieurs à tenter d’alerter le groupe sur les conditions d’accueil de leurs enfants, de plus en plus alarmantes. "Une fois, il n’y avait qu’une seule employée pour s’occuper de tous les bébés. En voyant ça, j’ai décidé de ne pas déposer ma fille" raconte Camille, mère d’une petite fille de quatre mois inscrite dans la structure depuis septembre 2024. Les six personnes qui s'occupaient des bébés en septembre n'étaient plus les mêmes en décembre, illustrant l'important turn-over.
Très vite, cette juriste décide de chercher d’autres solutions de garde en parallèle. La fermeture administrative de la crèche la convainc définitivement de ne plus y faire garder sa fille. Camille souligne toutefois que le personnel faisait de son mieux avec des moyens réduits, et qu’elle n’a jamais constaté de violences sur les enfants.
Elle met davantage en cause la direction du groupe : "Au lieu que ce soit un soulagement que ma fille soit à la crèche, c’était très éprouvant mentalement. J’ai essayé plusieurs fois de contacter des responsables du groupe Maison Bleue qui ne m’ont jamais répondu. On est contents d’en être sortis car ce n’était que mauvaise nouvelle sur mauvaise nouvelle et c’était inquiétant pour les enfants" affirme-t-elle.
Couches non changées
Même son de cloche du côté de Manon (prénom modifié), mère d’un garçon de 2 ans inscrit à la crèche depuis 2023 : "Souvent quand je venais le récupérer c’était le chaos, il y en avait de partout, et mon fils était sale". Elle avait pourtant d’abord eu une très bonne expérience dans cette crèche, jusqu’à ce que l’ensemble des équipes change en septembre 2024.
Un jour, j’ai récupéré mon fils le soir avec la couche que je lui avais mise le matin ! On m’a dit qu’on n'avait pas eu le temps de s’en occuper. Pour moi, c’est de la maltraitance.
Manon (prénom modifié), mère d'un petit garçon de deux ans
Et lorsqu’on le change, c’est avec des couches trop serrées, qui ont provoqué des cloques au petit garçon."J'ai fait plusieurs fois la remarque et les faits étaient minimisés" regrette-t-elle. La mère de famille espère que la fermeture temporaire permettra à la crèche de rouvrir "dans de bonnes conditions, avec des garanties". Dans ce cas seulement, elle serait prête à y laisser son fils inscrit.
Sécurité compromise
Le contrôle surprise de la PMI en novembre dernier faisait suite à des témoignages de parents mais aussi d’un médecin faisant état de la sécurité des enfants qui semblait "compromise" au sein de l'établissement. Dans son rapport, la PMI souligne plusieurs dysfonctionnements alarmants. Parmi eux, le nombre insuffisant de personnel ne permettant pas de garantir la sécurité des enfants, ainsi que des manquements aux règles d’hygiène notamment concernant la conservation du lait ou encore l’utilisation de linge usagé.
Aucun employé n'avait de diplôme d'infirmier, ce qui est obligatoire selon la loi. L’organisme en conclut "qu'il existait un danger imminent pour la santé, la sécurité, le développement physique, affectif, intellectuel et social des enfants accueillis". La PMI avait déjà tiré la sonnette d’alarme en février dernier, après une visite déclenchée à la suite d'une information préoccupante reçue par le 119 (Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger) le 12 février 2024, et mettant en cause une employée pour des violences physiques et psychologiques.
Des problématiques propres au secteur, selon Maison Bleue
Une information dont la direction de Maison Bleue n’aurait pas eu connaissance. "Le signalement au 119 est confidentiel et la directrice n’a pas eu de remontée de qui était la personne concernée. Or, l’identification aurait été essentielle pour permettre le déclenchement d’une enquête interne car notre groupe ne tolère pas ce genre de faits et aurait pu suspendre la personne et porter plainte. Nous n’avons aucune tolérance de ce genre de fait" affirme le groupe.
Concernant les autres points du rapport PMI et de l’arrêté, le groupe Maison Bleue pointe du doigt des problématiques propres à l’ensemble du secteur des crèches. "Il y a avant tout une vraie problématique de turn-over, car il devient très difficile de recruter, ce qui a parfois contraint la crèche à réduire ses amplitudes horaires. Au-delà de ça, nous avons un personnel très compétent, qui fait un travail pas évident" assure le groupe, soulignant qu’il n’est "pas admissible" qu’il y ait eu des problèmes d’hygiène, que Maison Bleue impute à l’entreprise de nettoyage. Maison Bleue avance qu’en cas de réouverture, le nombre d’enfants accueillis sera probablement réduit.
"Il est nécessaire de contrôler attentivement"
À Lyon, le secteur des crèches privées à but lucratif est en expansion : de 10 % en 2015, il est passé à 27 % en 2021. Un chiffre supérieur à la moyenne française. "Progressivement le secteur des crèches privées est devenu le monopole de cinq à six grands groupes donc il est nécessaire de contrôler attentivement pour éviter le risque de maltraitance lorsque des logiques financières entrent en jeu et peuvent dégrader la qualité des services dans ce secteur. C’est ce à quoi veillent les PMI et la Métropole" explique Lucie Vacher, vice-présidente de la Métropole de Lyon EELV en charge de l’enfance, famille et jeunesse, qui a signé l’arrêté de fermeture.
Elle précise qu’un arrêté similaire a été signé cette semaine, visant une autre structure du groupe Maison Bleue. "Le territoire de la Métropole a été celui du décès dramatique d’une petite fille en 2022 dans une crèche, donc nos services sont particulièrement attentifs pour faire en sorte que la qualité d’accueil soit présente sur notre territoire" conclut la vice-présidente.
Les services de la Métropole et la direction de la crèche se réuniront à la fin du mois pour discuter d'une potentielle réouverture. Le groupe Maison Bleue assure avoir déjà mis en place des mesures de formations et de recrutement.