Une opération "crèche-morte" a été organisée ce lundi 3 février en fin d'après-midi. Les structures privées s'inquiètent d'un renforcement des règles d'encadrement et d'un projet de loi adopté par les députés. D'autres professionnels se réjouissent de ce changement à venir, après les révélations de dérives dans le secteur.
À Sourcieux-les-Mines dans le Rhône, un projet de décret inquiète les professionnelles de la micro-crèche Source d'Éveil. Une opération "crèche-morte" a été organisée lundi 3 février à partir de 16 h, suivant un appel national à la mobilisation.
Réorganisation interne
Le projet de décret prévoit de revenir sur les dérogations dont bénéficient les micro-crèches. Ces structures, qui ont une capacité d'accueil maximale de 12 places, bénéficient d'un cadre réglementaire moins exigeant, entre autres sur la qualification du personnel.
Avec le décret, Emeli Yazar, diplômée d'un CAP petite enfance, ne pourra plus accueillir seule les trois premiers enfants de la journée. "Je n'aurai plus le droit d'ouvrir de 7 h 30 à 8 h, pareil pour les fermetures de 18 h à 18h30, car je n'aurai plus le droit d'être toute seule. Je devrai être avec une auxiliaire", résume la jeune femme.
" On a toutes des diplômes qui sont complémentaires, on a toutes notre place. Au quotidien, elles ont les mêmes tâches auprès des enfants et elles sont tout autant qualifiées, assure sa collègue Célie Rose, auxiliaire en puériculture. Une assistante maternelle peut accueillir aujourd'hui jusqu'à six enfants à son domicile, pourquoi en structure une CAP ne pourrait pas accueillir trois enfants seule, on a l'impression de marcher sur la tête."
Scandales à répétition
La micro-crèche de Sourcieux-les-Mines est l'une des sept créées par deux auxiliaires de puériculture Julie Bertorello et Karine Maras. Selon elles, ce projet de décret concerne les très grosses structures privées, celles qui font du business avec les enfants en comptant la moindre couche.
"On fait les frais du livre "Les Ogres" sur les dysfonctionnements des crèches privées des gros groupes", explique Julie Bertorello. On n'est plus dans le bien-être de nos salariés, on essaye de faire un accueil de qualité, mais on ne peut plus assumer financièrement toutes les directives qui sont mises en place. L'État a fait un amalgame, nous sommes perçus comme les gros, alors qu'ils devraient venir nous voir et peut-être prendre exemples sur nos petites structures."
En juin 2024, un bébé de onze mois a été empoisonné, une employée est accusée de l'avoir tué en lui faisant ingérer un produit caustique de type Destop. Quelques mois après, le livre "Les Ogres" de Victor Castanet faisait la lumière sur le scandale des crèches privées. Si l'affaire reste un cas extrême, le décret d'aujourd'hui se veut une réponse à plusieurs scandales dans le secteur des crèches privées.
"Sans CAP il n'y a plus de micro-crèches"
Karine Maras est aujourd’hui contactée par des mairies pour créer d’autres micro-crèches car en zone rurale ces structures font désormais partie du paysage pour permettre aux parents de travailler. La France compte 7 000 micro-crèches.
"Ce qui nous inquiète, c'est la dévalorisation des CAP, c'est trois quarts de nos salariés et ce sont les professionnels qui font vivre nos structures, sans CAP il n'y a plus de micro-crèches", prévient la professionnelle.
Leur ministre de tutelle a annoncé qu’elle signera ce décret et renforcera les contrôles dans les micro-crèches. Un décret soutenu par le SNPPE (Syndicat National des Professionnel.les de la Petite Enfance) et par la FNEJE (Fédération Nationale des Éducateurs de Jeunes Enfants).
Une opération critiquée
Au sujet de cette opération "crèche-morte" , la FNEJE dénonce dans un communiqué, "un lobbying inédit des entreprises de crèches et de leurs représentant·es à grands coups de messages alarmistes". La fédération soutient l'alignement des normes pour toutes les structures : "’il n’est pas normal que dans notre pays - et ce quelle que soit la taille de la structure collective qui accueille les jeunes enfants en dehors de leur domicile -, les règles ne soient pas les mêmes. "
De leur côté, les fédérations du secteur privé mettent en avant qu'il n'y a aujourd'hui pas assez de professionnels formés pour répondre au renforcement de l'encadrement. Selon celui-ci, il faudrait d'ici à 2026, 40 % de professionnels de catégorie 1, soit des niveaux bac+2 minimum, comme des auxiliaires de puériculture ou des éducateurs de jeunes enfants. Un chiffre loin d'être atteint aujourd'hui.