Après l'éboulement en Savoie ce samedi 1er février, Ludovic Ravanel, géomorphologue, rappelle à quel point ce phénomène est tout a fait classique dans les Alpes en hiver et n'est pas en lien avec le réchauffement climatique.
Ce samedi 1er février, une impressionnante chute de roches, de 50 mètres cubes environ, s’est produite sur la RN 90, à hauteur de Moûtiers (Savoie), qui mène à de nombreuses stations de ski comme Tignes, La Plagne ou encore le domaine skiable des Trois Vallées.
Un événement qui vient chambouler le département à une semaine, à peine, des vacances scolaires. Pour autant, cet événement, d’ampleur nationale, serait passé "inaperçu", s’il n’avait pas touché un axe routier important, nous dit Ludovic Ravanel, géomorphologue et chercheur au laboratoire Edytem.
Cet événement serait passé totalement inaperçu s'il s’était produit 200 mètres plus loin. Ce qui est impressionnant ici, c’est l’impact sur la chaussée et les perturbations que ça a créé.
Ludovic RavanelGéomorphologue
En effet, cette route nationale dessert une grande partie des stations de ski dans la vallée de la Savoie. L’éboulement a créé d’interminables bouchons lors du week-end du 1er et 2 février.
Un phénomène classique dans les Alpes en hiver
"Ce phénomène est des plus classiques dans les Alpes en période hivernale", ajoute le géomorphologue. En cause : l’activité géomorphologique, en lien avec les gels et dégels récurrents, mais tout à fait normale pour la saison.
"Il s’agit d’un terrain rocheux où il y a de l’eau. Quand elle gèle, elle se dilate et celle-ci prend 9 % de volume en plus ce qui crée une ouverture de fractures. Tant qu’il y a de la glace, ça tient, car elle joue le rôle de ciment. Mais à partir du moment où celle-ci fond elle provoque une instabilité et modifie l’angle du bloc rocheux", explique Ludovic Ravanel. Une instabilité qui se crée sur plusieurs dizaines d’années.
"Cette chute de roches, c’est le point final des évolutions de plusieurs décennies", continue le géomorphologue. Cet éboulement s’est produit à 750 mètres d’altitude. À haute altitude, à plus de 1 500 mètres d’altitude, on observe une hausse de la fréquence du volume de ces événements à cause notamment de la fonte du permafrost.
"Ce qui peut éventuellement être lié à la crise climatique, ce sont les étés de plus en plus secs et des précipitations de plus en plus importantes qui ne sont pas bonnes pour la stabilité des zones rocheuses", rappelle le géomorphologue.
Un secteur situé entre deux failles
D’autant plus que la fragilité de ce secteur était connue. "C’est un endroit où les risques d’éboulements rocheux sont importants. C’est répertorié comme tel par les services géologiques de l’État. On sait que ce secteur est pourri, que la roche tombe. Et ça depuis longtemps", avait déclaré au lendemain du drame le député Vincent Rolland.
"Car ce secteur se situe au croisement de deux failles. Il s’agit là de fractures majeures datant de plusieurs décennies, la roche y est broyée", dit Ludovic Ravanel.
Des filets de sécurité avaient d’ailleurs été mis en place à cet endroit, entre 2022 et 2024. Mais ceux-ci n’ont pas été suffisants pour stopper l’amas de roches.
"Il faut accepter que nos routes ne soient pas parfaitement protégées. Nous sommes dans la nature, il y a des blocs qui tombent. Et financièrement, cela coûterait trop cher de protéger toutes les routes", conclut Ludovic Ravanel.