Trois éducateurs sportifs suspectés de viols sur mineurs : le passé judiciaire des entraîneurs est-il contrôlé ?

Depuis début janvier, trois éducateurs sportifs ont été mis en examen pour des faits de viol sur mineurs en Savoie, en Isère et dans la Drôme. Des faits qui interrogent sur le contrôle des antécédents de ces intervenants au contact d'enfants, pourtant renforcé depuis le mouvement #MeToo Sport.

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Un responsable de la section ski-étude au collège de Modane, un entraîneur bénévole au club de handball de Montélimar, un éducateur du club de football de Saint-Maurice-l'Exil en Isère… Depuis début janvier, ces trois hommes ont été mis en examen pour des faits de viols sur mineurs. 

Tous évoluent en tant qu’intervenants professionnels ou bénévoles auprès des enfants dans le milieu du sport, considéré comme un secteur "à risques", selon un rapport sénatorial portant sur les infractions sexuelles commises à l’encontre des mineurs. 

"Le milieu du sport est propice pour plein de raisons"

Selon une étude menée par l’association Colosse aux pieds d’argile, qui lutte contre les violences sexuelles, le harcèlement et le bizutage en milieu sportif, "11,2 % des athlètes interrogés déclaraient avoir subi au moins une fois un acte de violence sexuelle en milieu sportif. Cette proportion atteint 17 % pour les sportifs de haut niveau."

"Le milieu du sport est propice pour plein de raisons, notamment pour la quête de performance, avec un enfant qui a une confiance exacerbée en son entraîneur parce qu’il lui fait gagner des médailles, explique Antony Savoie, directeur adjoint de la prévention pour l’association Colosse aux pieds d’argile. Les prédateurs sont malins, ils identifient les mineurs les plus fragiles et font tout pour gagner leur confiance, les encourager après l’entraînement et être bienveillants. Il faut sortir des clichés qui disent que l’agresseur sexuel s’habille en noir, roule dans une camionnette blanche et se montre nu à la sortie des classes". 

Sébastien Boueilh, ancien rugbyman, a été violé pendant son adolescence l'un de ses éducateurs sportifs. Depuis il a créé l'association "Le Colosse aux pieds d'argile" et fait de la prévention auprès des enfants et des éducateurs dans les clubs sportifs. © OLIVIER CORSAN / MAXPPP

Comment contrôler les antécédents ? 

Depuis 2020, les professionnels du milieu du sport sont soumis à un contrôle d’honorabilité automatisé. En France, ce sont les Services départementaux à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (SDJES), missionnés par les préfectures, qui sont chargés de ces contrôles. 

Ces services sont également ceux qui délivrent les cartes professionnelles des éducateurs sportifs, obligatoires et à renouveler tous les cinq ans. "Pour encadrer dans le monde du sport, il faut une carte professionnelle délivrée par l’Etat, précise Fabien Brouquier, inspecteur de la jeunesse et des sports et chef de service du département jeunesse, engagement et sports de la Savoie. On vérifie la qualification de la personne, son état de santé et son honorabilité en consultant l’extrait n°2 de son casier judiciaire, en vérifiant s’il apparaît dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (Fijais) et si la personne a déjà fait l’objet d’une interdiction administrative d’exercice dans un autre département. Cette honorabilité est vérifiée chaque année systématiquement".

Des suspensions "en cas d'urgence"

En cas d’urgence, le code du sport permet à l’administration de procéder à une suspension immédiate du professionnel. Ce fut le cas en novembre dernier, après qu’une plainte pour viol sur mineur a été déposée à l’encontre du responsable de la section ski-étude d’un collège de Modane par la famille de la victime.

"Il s’agit d’une mesure de protection lorsqu’on estime que le maintien en activité de la personne peut présenter un risque pour la sécurité physique ou morale des usagers, ajoute Fabien Brouquier. Dès qu'on a eu connaissance de la plainte, cette personne a été immédiatement suspendue de ses fonctions, avec interdiction de travailler avec des mineurs. On ne préjuge pas de sa culpabilité, c’est une mesure d’interdiction temporaire prise en urgence et limitée à 6 mois, sauf si l’intéressé fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits. Dans ce cas, cette suspension est reconduite". 

>> A LIRE AUSSI : Un entraîneur de ski dans un collège mis en examen pour viol sur une élève mineure et écroué

Au total, 44 injonctions de cesser d’exercer ont été émises par la préfecture de Savoie au cours de l’année 2024. "Ces interdictions d’exercer sont prises après des condamnations définitives par la justice. Elles concernent en grande majorité des usages de stupéfiants, des faits de violence ou d’escroquerie", précise Fabien Brouquier.

Cette même année, quatre suspensions ont été émises "en urgence" à l’encontre de deux éducateurs professionnels et de deux bénévoles.

Est-ce suffisant ? 

Ces contrôles annuels ont été mis en place après la déflagration du mouvement #MeToo dans le monde du sport, initié par la patineuse Sarah Abitbol.

En 2020, l’athlète publie Un si long silence, un ouvrage dans lequel elle relate les violences sexuelles qu’elle a subies dès l’âge de 15 ans de la part de son entraîneur. Ce témoignage choc enjoint de nombreux autres sportifs à révéler leurs agressions, encourageant vivement le ministère des Sports à s'emparer du problème. 

En 2024, la loi n° 2024-201, dite "loi Abitbol" est votée, permettant de renforcer le contrôle de l’honorabilité des professionnels mais aussi des bénévoles. 

Première intervention de la patineuse Sarah Abitbol dans un lycée niçois, quelques jours après le vote de la loi Abitbol. © B. ROMANKIEWICZ / MAXPPP

"Avant la loi, on a analysé le contrôle d’honorabilité et on a vu qu‘il y avait un trou dans la raquette au niveau des entraîneurs et des bénévoles. On a voulu renforcer ces contrôles en les rendant obligatoires et annuels, et en les étendant aux bénévoles, explique Sarah Abitbol, qui poursuit son action de prévention et de sensibilisation avec son association La voix de Sarah. Aujourd'hui, je suis fière de voir que la libération de ma parole a servi. Alors qu'avant, j'en avais plutôt honte". 

"Le fait que ces contrôles d’honorabilité soient étendus aux bénévoles, c’est très bien. Mais ça n’empêche pas tout. Il faut que la personne ait été au moins condamnée pour qu’elle puisse ressortir sur les fichiers. Sans condamnation, la personne peut continuer à exercer", tempère Antony Savoie, de l’association Colosse aux pieds d’argile. 

La situation a recommencé encore et encore. Jusqu'à ce qu'il y ait un dépôt de plainte et qu’on se rende compte qu’il y avait plein de faits avant-coureur qui n’ont jamais été signalés.

Antony Savoie, directeur adjoint de la prévention pour l’association Colosse aux pieds d’argile

"On a eu affaire à des clubs qui ont licencié ou mis de côté un éducateur avec un comportement déviant, mais sans établir de signalement, poursuit-il. C’est resté presque en famille pour éviter de gérer la situation. La personne a simplement pris ses valises et est repassée à l’acte dans un autre club. Et la situation a recommencé encore et encore. Jusqu'à ce qu'il y ait un dépôt de plainte et qu’on se rende compte qu’il y avait plein de faits avant-coureurs qui n’ont jamais été signalés". 

Pour Sarah Abitbol, une nouvelle disposition prévue dans la loi de 2024 devrait permettre de "rajouter un filet de sécurité". "L'autre nouveauté, c'est que les présidents de club sont désormais pénalement responsables. Dans mon exemple à moi, j'avais parlé de ce que je subissais à mon président. Il m'avait dit qu'il ne pouvait rien faire tant que je ne portais pas plainte. Aujourd’hui, ce type de comportement n'est plus possible. Si on remonte des faits graves et que le président ne fait rien, il peut aller en prison". 

En cas de non-dénonciation de faits, la peine encourue est d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende avec l'interdiction d'exercer et/ou de diriger un club sportif. "Pour moi, il y a eu une avancée avec ce renforcement. On avait trente ans de retard, on rattrape le temps perdu", se félicite la patineuse. 

Plus de 1 200 personnes mises en cause en trois ans

Au cours de leurs interventions en milieu scolaire et sportif, les membres de l’association La voix de Sarah et Colosse aux pieds d'argile rappellent l’existence de la plateforme Signal-sport, créée par le ministère des Sports en 2020, et permettant à n’importe quelle association ou individu de signaler des faits ou des comportements suspects.

Selon le bilan 2023 de la cellule Signal-Sports, 1 284 personnes ont été mises en cause depuis le lancement de la plateforme, parmi lesquelles 95 % d'hommes et 911 éducateurs sportifs (professionnels, stagiaires ou bénévoles). Près de 90 % des faits dénoncés concernent des violences sexuelles.

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