A 34 ans, Yorick Vion, aspirant guide de haute-montagne à Courchevel en Savoie, s'envolera le 24 mars pour le Népal. Objectif : gravir l'Annapurna et ses 8 091 mètres d'altitude en style alpin, c'est-à-dire sans aucune assistance ni aide oxygénatoire. Un défi à haut risque.
Yorick Vion aura attendu de fêter ses 34 ans pour enfin réaliser son "rêve de gosse" : gravir l'Annapurna, un sommet de l'Himalaya, en style alpin. En d'autres termes, monter à 8 000 mètres d'altitude sans aucune assistance humaine, ni aide oxygénatoire. Juste l'homme, des vêtements chauds, quelques équipements et de bons biscoteaux.
Et avant de s'envoler pour le Népal ce 24 mars, Yorick Vion a passé toute sa vie la tête dans les montagnes. Originaire de la vallée de Pralognan, en contrebas de Courchevel en Savoie, il est fils et petit-fils de guides de haute-montagne. Un destin tout tracé : "Des gamins rêvaient de devenir astronaute, moi je rêvais de devenir alpiniste." Deux façons distinctes d'être un peu plus près des étoiles.
Alors ses 34 années de vie, le Savoyard les a passées au service de la montagne. Avec son "passif de skieur", il devient moniteur de ski alpin diplômé d'Etat, et termine l'année prochaine sa formation de guide. Actuellement, il est aspirant guide de haute-montagne à Prolognan, Courchevel et en Vanoise. Et quoi de mieux pour s'entrainer que "faire des escalades difficiles dans les Alpes", comme le Cervin, réputé très difficile.
Arriver au sommet "de la manière la plus juste"
Mais bientôt, l'Europe ne suffit plus à Yorick Vion. "J'ai commencé à faire des trips en Asie centrale, raconte-t-il, à gravir des sommets de 7 000 mètres dans le Tien Shan", chaîne de montagnes du nord-ouest de la Chine. Et puis enfin, "il y a deux ans, deux expéditions au Népal, sur des sommets de très haute altitude" dans l'Himalaya, la reine des chaînes. "Je voulais faire un 8 000."
Et le tout avec la manière : "Ce qui pour moi a du sens, ce n'est pas le sommet, c'est comment y arriver. En style alpin, sans expédition lourde. Si je n'arrive pas au sommet de la manière la plus juste, ça n'a pas de sens." La manière la plus juste, c'est donc sans aide oxygénique, qu'il considère comme de "la triche" : "On ne fait pas de l'apnée avec un masque à oxygène."
Car pour lui, "dire que c'est un exploit d'aller au sommet de l'Everest avec des bouteilles d'oxygène et en se faisant porter le matériel par les sherpas, c'est faux". D'où son choix de gravir, pour son premier 8 000, le dixième plus haut sommet terrestre : l'Annapurna I, 8 091 mètres, plutôt que le toit du monde. Parce qu'il "ne suffit pas d'être un touriste fortuné pour gravir l'Annapurna".
L'Annapurna : le 8 000 mètres le plus dangereux du monde
L'Annapurna est réputé comme l'un des sommets les plus difficiles de la planète, encore plus si l'on ne garde que les montagnes de plus de 8 000 mètres. Selon une statistique de The Economist arrêtée en 2012, seules 191 personnes ont réussi à atteindre le sommet depuis 1950 (ce qui en fait le 8 000 le moins summité), et 61 personnes sont mortes sur ses pentes. Soit 34 morts pour 100 retours au camp de base sains et saufs.
L'Annapurna est, en proportion, le 8 000 le plus meurtrier, dépassant même le Nanga Prabat, la fameuse "montagne tueuse". L'aspirant guide le reconnaît : "C'est un des sommets les plus techniques, les plus durs, avec des risques objectifs : des avalanches, des chutes de sérac".
Pourtant, Yorick Vion semble très confiant dans sa stratégie : "Sur tous les 7 000 que j'ai réussis, j'ai toujours fait de la technique rapide. Avancer vite et revenir vite, c'est un gage de sécurité." Une approche qu'il appliquera avec ses deux compagnons de voyage : Marc Batard, premier homme à avoir gravi l'Everest sans oxygène en moins de 24 heures, et le réalisateur et alpiniste Bertrand Delapierre.
"Au-dessus de 7 500 mètres, le corps se consomme lui-même pour survivre"
Cette "technique rapide", c'est l'antithèse de la stratégie dite traditionnelle, à base d'acclimatation longue. Là, l'ascension sera brève :
Le camp de base est à plus de 4 000 mètres. On s'installe, puis on monte en altitude progressivement pour s'acclimater aux camps 1, 2 et 3. On n'envisage pas de rester aux camps 4 et 5. On dort à une altitude assez élevée, et on redescend au camp de base se refaire, manger et dormir.
Ensuite, il faut saisir la moindre fenêtre de beau temps pour remonter, puis redescendre en peu de temps. "Dans l'idée, on remonte aux camps 2 et 3 en laissant du matériel derrière nous pour être plus légers. Ensuite, en moins de 24 heures, on espère monter au sommet, redescendre par les camps 2 et 3 en récupérant le matériel et rejoindre le camp de base", détaille Yorick Vion.
Un timing très serré, à respecter pour de simples raisons... de survie. "L'altitude, il faut y passer un minimum de temps, avertit-il. Au-dessus de 7 500 mètres, les cellules se détériorent, le corps se consomme lui-même pour survivre." Aucune récupération n'y est possible, et le temps joue contre l'alpiniste.
"Si on voulait des bonnes vacances à la montagne, on irait boire des mojitos dans les calanques"
Ce danger, Yorick Vion le connaît, et le cherche : "C'est pour vivre ces moments-là qu'on va si haut. Pourquoi monter en altitude pour ne pas les ressentir ? Si on voulait des bonnes vacances à la montagne, on irait boire des mojitos dans les calanques au bord de la mer."
Pour autant, il l'assure : "Aucun sommet ne vaut ma vie". "Si les conditions sont trop mauvaises, je n'hésiterai pas à faire demi-tour", ajoute-t-il, promettant de rester prudent.
En attendant de s'envoler pour le Népal mercredi 24 mars, Yorick Vion continue de faire "de la randonnée tous les jours" avec ses clients. Une bonne préparation physique avant ses intenses... sept jours de quarantaine imposés dans un hôtel surveillé de Katmandou. Avant de rejoindre la ville de Pokhara, plus proche de l'Annapurna, et d'entamer le long trek d'approche du camp de base.
Une expédition à 15 000 euros par personne
Sur place, le petit groupe "paie une agence locale qui va s'occuper de toute la logistique". Au camp de base, "tout sera prêt à notre arrivée, précise le Savoyard. On aura un officier de liaison, un cuisinier, du personnel qui s'occupe de nous."
Une logistique qui pèse sur l'addition : en comptant le matériel, l'agence locale, et surtout le permis de grimper, les trois alpinistes ont dû débourser 15 000 euros chacun. "C'est beaucoup moins que tous les autres sommets de 8 000, parce que plus c'est dangereux, moins c'est pratiqué, et donc moins le permis est cher", note Yorick Vion. Pour l'aider à financer son expédition, il a lancé une cagnotte sur Leetchi, qui pointe ce 19 mars à 3 970 euros sur un objectif affiché de 7 000.
En plus de ses futurs souvenirs, le Savoyard promet de ramener de beaux clichés de son périple vers le sommet de l'Annapurna. Des photos à retrouver prochainement sur son compte Instagram.