Une cabine de l'ancien téléphérique du Revard (Savoie) dormait, depuis plus de 50 ans, dans un poulailler. À l'automne dernier, les membres d'une association de sauvegarde du patrimoine d'Aix les bains l'ont exhumée de l'oubli pour lui redonner une troisième vie.
"Ici, tout est d'origine : le plancher, les deux barres qui portaient les strapontins sur lesquels les 40 passagers pouvaient s'asseoir." Il n'est pas peu fier, Jean-Michel Vuillermet, l'heureux propriétaire d'un abri de jardin pour le moins insolite.
"Ma mère m'a dit que j'étais monté dans cette cabine du téléphérique du Revard. Mais, quand il s'est arrêté en 1969, j'avais 6 ans. Alors, je n'en ai pas de souvenir. Mais tous les gens qui l'ont pris disent qu'il était impressionnant", poursuit-il.
Impressionnant mais aussi surpuissant même lors de sa mise en service au milieu des années 1930. "Le plus puissant du monde", soulignent avec emphase et beaucoup d'orgueil national, les journaux de l'époque.
Du Revard au poulailler
Avec ses 1 600 mètres de portée, sans aucun pylône, et ses navettes qui se croisent sur les 845 mètres de dénivelé entre les gares des Mentens, près de Mouxy (Savoie), et celle d'arrivée au sommet de la montagne qui domine Aix-les-Bains : le téléphérique du Mont Revard est, alors, la fierté de la cité thermale.

"On est, entre les deux Guerres mondiales, à la pleine période du ski sur le Mont Revard", explique François Fouger, responsable de la revue de la Société d'Art et d'Histoire d'Aix-les-Bains.
"Ce téléphérique est d'avant-garde avec son système bi-câbles : un pour la cabine aller, l'autre pour la cabine retour. Mais, on est alors dans une période de véritable frénésie de construction des téléphériques dans le monde. Il est donc resté quelques mois le plus puissant du monde, avant de devenir le plus puissant d'Europe, puis de France. Et puis, la guerre lui est tombée dessus."
Après-guerre, le téléphérique verra son aura s'éteindre peu à peu. Privé de son prolongement jusqu'à Aix-les-Bains, il sera finalement arrêté à la fin des années 1960, puis démonté. Câbles coupés, ses deux cabines tomberont lourdement au sol avant d'être proposées à la vente. Les deux termineront leurs courses au fond d'un poulailler.
Une vie d'abri de jardin
"Pendant des années, elle nous a bien servi", explique encore Jean-Michel, son propriétaire. "C’étaient des cabines prévues pour les intempéries de l'époque. Du solide. On a juste eu à rajouter un toit pour la protéger un peu, c'est tout".
L'une des deux cabines, trop endommagée, a dû être envoyée à la casse il y a quelques années. Celle qui trône, encore pour quelques jours au milieu du jardin, a bien mérité de sa vie d'abri de jardin. Assez, en tout cas pour entamer une troisième vie désormais, déjà toute tracée.
"Avec l'aide de Jean-Michel, on va redonner vie à cette magnifique cabine. Elle est tellement belle, son histoire", s'émerveille Pascal Bourrier, le président de l'association "Mont Revard Perle des Alpes".
"C'est Aix-les-Bains qui a fait la station du Revard, avec un train à crémaillère à la fin du 19e siècle construit par des ouvriers italiens. Avec le téléphérique ensuite, puis la route. L'histoire continue sur le Revard. Nous, on est juste là pour poursuivre son écriture, avec tous les passionnés par ce patrimoine", raconte Pascal Bourrier.
Un nouvel envol vers le sommet du Revard
La vieille cabine va donc retrouver de l'altitude. Débarrassée de sa rouille et du toit de son ancienne vie, elle sera restaurée, avec sa livrée orange d'origine grâce aux interventions d'un carrossier local et d'étudiants en métallurgie.
Deux à trois mois de travaux sont nécessaires avant son nouvel envol. Pas sur câble, cette fois. Direction : la station de ski du Revard où elle est déjà attendue de pied ferme. "On a voulu la placer à l'entrée de la station pour que ce soit la première chose que les gens voient en arrivant par la route", explique Laurent Maillet, commerçant de la station et vice-président de l'association "Mont Revard, Perle des Alpes".
"90 % des Aixois ont appris à skier ici. Mais la station dépend de quatre communes différentes et de deux communautés d'agglomération. Cette cabine du téléphérique, sur laquelle seront fixées les six lettres du Revard, nous donnera enfin une identité propre."
Après avoir tutoyé les cieux sur des câbles, puis servi d'abri sur le plancher des vaches, la troisième vie de la cabine bientôt centenaire sera donc identitaire, autant que publicitaire.