Jordan Lenisa avait décidé de tuer son père qui le "rabaissait tout le temps", mais, "délirant total", il a "entendu une voix" et a aussi tué ses deux frères, a-t-il dit mardi 6 octobre, au deuxième jour de son procès en Savoie.
"J'avais une voix qui me disait: 'Tue-les, tu iras au paradis'", a déclaré le jeune homme à la barre de la cour d'assises à Chambéry. Le 26 juillet 2012 à Bozel, alors âgé de 23 ans, il a tué son frère Benjamin, 17 ans, d'une balle dans la tête, alors que les trois garçons jouaient à des jeux vidéo.
Son petit frère Victor, qui allait fêter ses huit ans le lendemain, s'est enfui dans sa chambre en se bouchant les oreilles. C'est là que Jordan l'a tué également d'une balle dans la tête, tirée de face. Il a ensuite attendu le retour de son père, Florent, 49 ans, pour l'abattre lui aussi, alors qu'il consultait ses courriels.
Après ces trois premiers meurtres, le jeune homme s'en était pris à sa mère, tentant de l'étrangler, de l'étouffer avec des coussins et de l'assommer à coups de bûche. Elle était parvenue à s'extirper de l'emprise de son fils, à le calmer et à appeler les secours. Quelques jours plus tôt, Jordan Lenisa avait volé un pistolet au père de sa petite amie, dans le but de se "suicider", a-t-il assuré à l'audience. Puis sa vindicte s'est tournée contre son père: "J'ai pensé comment il me rabaissait tout le temps, ça m'a mis une haine. J'ai décidé de le tuer."
La veille du drame, Jordan se rend au domicile familial à cette fin, mais son père est absent. Le lendemain, il tombe sur ses frères, avec qui il commence à jouer à des jeux vidéo, avant d'entendre cette "voix". "Je n'étais pas dans mon état normal. C'est comme si un autre était à ma place. J'étais délirant total, c'était terrible", a-t-il expliqué d'un ton sans émotion, comme anesthésié par la demi-douzaine de médicaments qu'il dit prendre en détention.
Cette version des faits, qui s'ajoute aux autres scénarios rocambolesques avancés par l'accusé durant l'enquête, a suscité de nombreuses interrogations à l'audience. "C'est bizarre que trois ans après vous nous teniez ce discours. Ce n'est pas quelque chose que vous reconstruisez aujourd'hui?" s'est ainsi interrogé l'avocat général, Jacques Dallest.
"Je suis quelqu'un de très croyant, je vous le jure", s'est défendu l'accusé, teint blafard et regard sombre. "Monsieur l'avocat général a raison. N'est-ce pas un moyen pour toi de te retrancher derrière quelque chose?" lui a demandé son avocate, Me Florence Vincent. "Peut-être", a alors admis Jordan.
L'accusé a aussi affirmé avoir été "terrorisé" à l'idée que sa famille déménage sans lui au Canada, ou que son père lui coupe les vivres, comme il menaçait de le faire. Un témoin, André Dépollier, gérant d'une carrosserie à Albertville, et ami du père, Florent Lenisa, est venu apporter un nouvel éclairage sur la personnalité de Jordan, souvent décrit comme flambeur, menteur et fainéant.
"Il travaillait super bien, mais il se lassait vite", a-t-il assuré. "Jordan, c'est quelqu'un de très très bien, j'aurais jamais imaginé ça. Moi et ma femme, on l'adore. Avec nous, il était exceptionnel, c'était comme mon troisième fils." "André, c'est vraiment mon deuxième père", a confirmé l'accusé.