La polémique secoue Val d'Isère et tout le cirque blanc. Avec son équipe, l'Allemand Stefan Luitz fait l'objet d'une enquête de la FIS pour avoir inhalé de l'oxygène lors du géant de Beaver Creek.Il a plaidé la bonne foi car la pratique n'est pas interdite par l'Agence mondiale antidopage
Règlements méconnus, manque de clarté de la Fédération internationale de ski (FIS), l'affaire des masques à oxygène chez les skieurs allemands provoque une véritable cacophonie .
Vainqueur dimanche dernier du géant de Beaver Creek (États-Unis), l'Allemand Stefan Luitz a fini dernier classé, ce samedi 8 décembre à Val-d'Isère, avec plus de six secondes de retard sur Marcel Hirscher, qu'il avait devancé six jours plus tôt.
Avec l'équipe de géantistes allemande, il fait l'objet d'une enquête de la FIS pour avoir inhalé de l'oxygène lors du géant de Beaver Creek. Son équipe a plaidé la méconnaissance du règlement car la pratique n'est pas interdite par l'Agence mondiale antidopage (AMA) mais l'est par la Fédération internationale de ski (FIS) depuis 2016.
"Tout est parti d'une photo volée"
Tout est parti d'une photo volée, dévoilée sur le site de la RTS, celle de l'Allemand Stefan Luitz, masque à oxygène sur le visage, après la première manche du géant de Beaver Creek (Colorado) le 2 décembre.
Le cliché et les rumeurs circulent alors tout schuss à Val d'Isère en Savoie et forcent la FIS à faire une déclaration le 7 décembre : "ayant découvert la photo, nous avons dû passer à l'étape suivante, informer l'Agence mondiale antidopage (AMA), ce que nous avons fait ces derniers jours. L'enquête est toujours en cours", annonce alors l'Italien Markus Waldner, directeur des courses messieurs.
Problème, l'AMA a affirmé lundi à l'AFP "ne pas être impliquée dans cette enquête": l'inhalation d'oxygène n'est pas prohibée dans la liste des substances et méthodes interdites de l'AMA. Ainsi la régulation de cette pratique tombe en dehors des règles antidopage", poursuit l'agence.
"Règle au mauvais endroit "
L'inhalation d'oxygène est bien interdite en compétition par la FIS, dans son règlement antidopage "cette règle est au mauvais endroit", selon le professeur Martial Saugy, directeur du département "Recherche et expertise dans les sciences antidopage" de l'Université de Lausanne qui explique : "Du point de vue administratif il y a quand même une erreur de la part de la FIS. Je n'enlève pas la légitimité à la FIS d'estimer que c'est une pratique qu'ils ne tolèrent pas, mais il faut le mettre au bon endroit. C'est-à-dire dans le règlement médical ou technique par exemple, et non dans la partie antidopage."
En effet, la liste de l'AMA a été créée pour harmoniser les règlements antidopage, faciliter leur compréhension par les acteurs du sport et automatiser le système de sanctions et de recours.
"Juridiquement ils ne se sont posé aucune question sur les conséquences que ça pourrait avoir", s'étonne un spécialiste de l'antidopage, dénonçant l'"amateurisme" de la fédération.
Interrogée, la FIS n'a pas répondu.
Qui a lu le règlement?
Reste que l'interdiction d'inhaler de l'oxygène en compétition est écrite noir sur blanc depuis 2016 dans le règlement de la FIS. Et que l'affaire qui éclate souligne le fait que ce réglement n'est pas lu par de nombreux acteurs du ski..
.En témoignait la mine déconfite de Stefan Luitz dans l'aire d'arrivée du géant de Val d'Isère, terminé à la 29e place: "Je suis déçu (par cette affaire), nous avons tout fait correctement, demandé à nos médecins, ils ont dit que c'était OK", a déploré l'Allemand, qui risque de perdre sa victoire acquise dans le Colorado.
Son équipe plaide une erreur grossière et affirme ne pas avoir voulu tricher.
Plus largement, la plupart des skieurs interrogés ainsi que l'encadrement de l'équipe de France ont assuré ne pas connaître la règle.
"Les grosses équipes nationales sont forcément au courant . Ils ont des docteurs, à un moment donné ce n'est pas concevable", soutient au contraire Romain Velez, entraîneur des skieurs slovaques et ex-coach de Tessa Worley.
Inhaler c'est tricher?
Pour les préparateurs physiques et entraîneurs croisés à Val d'Isère, inhaler de l'oxygène n'aide pas à la performance, et permet au mieux à certains skieurs sensibles de moins subir le mal des montagnes, comme à Beaver Creek à plus de 2.400 m d'altitude.
L'AMA s'est posée la question il y a quelques années au sein d'un Comité dont faisait partie le professeur Saugy. "Il n'y a eu aucune démonstration que ça ait un effet sur la performance. Donc le Comité a proposé de ne pas l'introduire" dans la liste des méthodes interdites, assure M. Saugy.