Le sujet est très peu abordé quand on parle de handicap, il est pourtant d'une grande importance. Comment avoir une sexualité quand on est lourdement handicapé ? En France, la seule alternative est le recours aux travailleurs du sexe. En Suisse, on forme des "assistants sexuels".
"Je crois que je me sentirai vraiment femme le jour où j'aurai une relation sexuelle" confie Laetitia. La jeune femme grenobloise a 30 ans, depuis sa naissance elle souffre d'amyotrophie spinale. Laetitia n'a jamais fait l'amour. A plusieurs reprises, elle a contacté des escort boys, ils ont tous refusé.
"Comme tout être humain, on a le droit d'avoir une vie affective et sexuelle", ajoute-t-elle, "nous enlever ça, c'est nous déshumaniser".
Le droit au plaisir pour les personnes handicapées, un sujet tabou ?
Si vous avez vu le film "Intouchables", vous vous souvenez sans doute que la sexualité des handicapés y est évoquée. Totalement paralysé à l'exception de la tête, le personnage de François Cluzet se fait "titiller" les oreilles - sa seule zone érogène - par des travailleuses du sexe.
Beaucoup moins connu du grand public, "The Sessions" (sorti en mars 2013) raconte l'histoire vraie d'un journaliste handicapé américain. A Grenoble, le film a été projeté au Club, puis au Pathé, suivi d'un débat organisé par le planning familial. Pour la première fois, le problème était abordé.
Depuis, l'association, qui se veut un lieu d'échange et de parole autour de la sexualité, multiplie les discussions sur ce sujet méconnu.
Le mardi 9 juillet, le planning familial de l'Isère organisait un débat à la Maison des Associations de Grenoble. La présidente suisse de l'association "SExualité et handicaps pluriels" était invitée. De l'autre coté du Léman, on forme en effet des "assistants sexuels" qualifiés. Comme au Danemark, en Hollande et en Allemagne. Un statut qui n'existe pas du tout en France.
L'hiver dernier, l'Assemblée nationale a rejeté un projet de statut de l'aide sexuelle. Dans notre pays, elle est encore assimilée à la prostitution et au proxénétisme.
Certains la pratiquent bénévolement, comme Christine à Marseille. "Ce sont des personnes qui n'ont jamais touché un corps, ni même de la peau", explique Christine. "Ils ne savent pas ce que c'est, ils n'arrivent même pas à toucher leur corps. Je leur fais toucher ma peau, leur peau, il y a un échange".
Le Comité Consultatif National d'Ethique saisi en 2011
En 2011, le Comité d'Ethique est saisi par Roselyne Bachelot (alors ministre de la Solidarité et de la Cohésion sociale) sur la question de l'aide sexuelle. Il ne rendra ses conclusions qu'un an plus tard. Mais son avis est plutôt dissuasif, il recommande de former "des personnes soignant et éducatifs à la sexualité des patients". Tout en martelant qu' "il n’est pas possible de faire de l’aide sexuelle une situation professionnelle comme les autres, en raison du principe de non-utilisation marchande du corps humain".
Pour Laetitia, comme pour beaucoup d'handicapés, ce n'est pas la solution. Il ne faut pas mélanger le fonctionnel et l'extraordinaire, la toilette du corps et le plaisir des sens.
Dans l'Essonne, le président du Conseil Général, Jérôme Guedj, était bien décidé à autoriser la formation d'assistants sexuels. Mais quinze jours après les conclusions du Comité d'Ethique, il a fait machine arrière.
Pour autant, les lignes semblent avoir bougé. Marie-Arlette Carlotti, Ministre chargée du Handicap, a déclaré peu de temps après que la vie sentimentale et sexuelle des personnes handicapées ferait l’objet d’un débat.