4e jour du procès Adoma: suivez les temps forts de l'audience

Ce lundi 9 décembre 2013, la cour examine la personnalité de Nicolas Dos Reis, l'un des deux accusés dans l'affaire de l'incendie criminel du foyer Adoma de la Fontaine-d'Ouche à Dijon.

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9h15: l'audience débute avec un enquêteur de personnalité

Cet enquêteur a conclu que Nicolas Dos Reis a grandi dans un contexte familial déséquilibré. Ses parents divorcent quand il a douze ans et il serait l'enfant qui aurait le plus souffert de la séparation. Sa mère pose un cadre éducatif strict mais en étant violente verbalement voire physiquement. Son père, quant à lui, est très souple et peu présent en raison de son travail et d'une relation avec une nouvelle compagne qui vit dans le nord de la France. Le père est un enfant de la DDASS. Il pense que ses enfants doivent savoir se débrouiller même étant jeunes.


Ses employeurs, un boulanger et un restaurateur, le décrivent comme respectueux de ses chefs. Il n'est pas agressif dans le cadre du travail. Ils pensent qu'il avait besoin d'être encadré, éduqué.

Ses maîtres d'apprentissage relèvent un problème avec l'alcool mais il n'est jamais violent avec ses collègues même alcoolisé.




Il lui arrivait de venir à la boulangerie où il était en apprentissage encore ivre. Dans ces cas-là, il n'a pas les idées claires mais jamais il ne montre de signe de violence.

Son père lui a inculqué la valeur du travail. D'ailleurs, quand Nicolas Dos Reis se retrouve à la rue pendant quatre mois, il continue de travailler dans le restaurant dijonnais où il est en apprentissage.  Il se rapproche d'une association pour s'en sortir. Ce sont ses éducateurs qui l'aiguillent vers le foyer Adoma. Ils le décrivent comme quelqu'un de calme, de respectueux envers les adultes mais aisément influençable.



Une fascination pour celui qui transgresse la loi


L'enquêteur de personnalité pointe la relation de Nicolas Dos Reis et de Rémi Kukulinski. Nicolas Dos Reis a de l'estime pour celui qui transgresse la loi, pour celui qui tient tête au monde des adultes. Dans son entourage, c'est son cousin qui tient ce rôle.


10h : Témoignage de la mère de Nicolas Dos Reis et de son compagnon de cette dernière

C'est le compagnon de la mère de Nicolas Dos Reis qui est le premier appelé à la barre. Il connait Nicolas depuis 2010, depuis qu'il partage la vie de sa mère. Il dit n'avoir jamais eu de problème avec son beau-fils. "Il n' a jamais eu un mot plus haut que l'autre avec moi", souligne-t-il.

En revanche, il note que Nicolas Dos Reis change au contact de son cousin, Rémi Kukulinski. Il indique un épisode où ils étaient ensemble dans des magasins et les deux jeunes ont fait le bazar. Il a très peu connu Rémi Kukulinski. Avec sa compagne, ils l'ont hébergé pendant un mois peu de temps avant les faits. Mais ils ne l'ont pas gardé car il avait une bêtise à la mairie du village en se connectant sur des sites "osés" depuis l'ordinateur de la commune et car il possédait un grand sachet de médicaments. "Ma compagne avait peur que ses plus jeunes enfants tombent sur ces comprimés et en ingèrent", explique le beau-père de Nicolas Dos Reis.



Nicolas et Rémi, ce sont des gentils garçons, s'écrie, émue, la mère de Nicolas Dos Reis.



11h : la mère de Nicolas Dos Reis commence à témoigner. Elle est très émue.

La mère de Nicolas Dos Reis est submergée par l'émotion au moment de prendre la parole. "Mon fils n'est pas méchant. Il n'était pas en rupture familiale. Il venait souvent nous voir. (...) Je ne voulais pas qu'il reste à Dijon car il picolait. On s'engueulait pour ça.", raconte Nathalie Morin. 

Elle décrit Rémi Kukulinski comme étant un "gamin gentil" également. Elle rappelle qu'elle l'a hébergé, courant octobre 2010, peu de temps avant les faits. La voix étranglée, elle s'écrie : "j'aurais jamais dû le mettre dehors. Si j'avais su...Il n'aurait pas été chez Nicolas. Ça n'aurait pas cramé. Je regrette! Mais le père de ma plus jeune fille écrivait des lettres au juge pour enfants pour dire que j'hébergeais quelqu'un qui boit, qui prend des stupéfiants.". En pleurant, elle conclut en faisant référence à l'incendie criminel du foyer Adoma: "Jamais ils ont pensé que ça aurait fait ça!".




A la question de savoir si elle se montrait dure avec ses enfants, "Je les disputais quand ils étaient petits. Mais c'était pas Cayenne chez nous. Faut pas exagérer!", se justifie la mère de Nicolas Dos Reis.



Cette femme a six enfants de trois pères différents. Elle est décrite par un éducateur comme étant dépassée par sa vie et ses nombreux enfants. " Mes enfants, je les ai tous voulus. Je les ai tous aimés. J'ai toujours été là pour eux", s'exclame Nathalie Morin.  Elle a joute plus tard:  "j'ai ma part de responsabilité. J'ai dû mal l'élever sinon il n'aurait pas traîné, il n'aurait pas picolé."



Interrogée sur ce que Nicolas Dos Reis lui a dit au parloir en prison, sa mère reconnait que son fils n'a pas dit tout de suite son implication."Quand il a été incarcéré à Nevers, il m'a dit qu'il a mis un papier enflammé dans la poubelle mais que ça n'a pas pris et qu'il est sorti."

14h20 : l’audience reprend avec l’expertise psychiatrique du Dr Colin


Dr Colin a vu Nicolas Dos Reis à trois reprises en 2011. Il a conclu que l’accusé ne présente aucune maladie mentale ou psychique qui aurait pu abolir le discernement de ce dernier.

Nicolas Dos Reis est présenté par les experts comme un sujet immature éprouvant peu d'empathie pour autrui.


« Avec M. Dos Reis, tout se déroulait par hasard, sans qu’il y soit pour rien. Cette absence totale de culpabilité pouvait troubler. Il racontait les choses comme si cela ne le concernait pas. Ça renvoie probablement à une attitude défensive précoce pour s’anesthésier du divorce douloureux de ses parents. Je n’y ai pas vu de dimension perverse mais une forme d’insouciance d’un sujet immature qui se protège mais qui en même temps éprouve peu d’empathie pour autrui », précise le psychiatre.

Selon cet expert, il est impensable pour Nicolas Dos Reis de reconnaître avoir commis un tel acte car cela anéantirait l’image qu’il a de lui, à savoir quelqu’un de courageux, gentil et travailleur.



Me Baldini, avocate des parties civiles, questionne l’expert sur la dangerosité criminologique. «M. Dos Reis ne reconnait qu’à demi-mot sa culpabilité. Il éprouve peu d’empathie pour les autres. J’ai le sentiment d’un discours plaqué quand il évoque son implication de même que les regrets qu’il a formulés. Comment pouvez-vous dire alors que M. Dos Reis a une possibilité d’évolution heureuse? »

Dr Colin répond : « La reconnaissance des faits n’améliore pas le diagnostic mais je pense qu’effectivement il y a une évolution heureuse possible. Il a une intelligence normale. Il a eu une éducation qui lui a transmis un certain nombre de valeurs. Il a un projet de vie : passer un CAP de pâtissier, travailler, se rendre utile. Cela dépendra aussi du soutien de son entourage familial qui pourra l’aider à grandir. »




15h15 : l'expertise psychologique du Dr Herbelot


Dr Philippe Herbelot est psychologue. Il retire de son entretien avec Nicolas Dos Reis que ce dernier d’un trouble du développement psycho-éducatif assez ancien en raison de carences familiales. «  Il n’a pas trouvé de modèle pour se constituer en tant qu’homme. Il entretient, de plus, des relations conflictuelles avec sa mère. Il est resté l’enfant tout puissant d’une mère dont il aurait voulu gouverner la vie et les désirs. »

Nicolas Dos Reis a en lui une rage ancienne et des pulsions destructrices, selon le psychologue



Selon cet expert, Nicolas Dos Reis se caractérise par « une rage ancienne et des pulsions destructrices ». Son cousin est d’ailleurs « un compagnon de rage, de décharge plutôt que quelqu’un qui peut le hisser vers le haut. J’observe entre ces deux garçons une relation d’étayage et d’identification qui peut aller dans les deux sens. » 

Philippe Herbelot est sceptique quant à la réadaptation de Nicolas Dos Reis « étant donné la pauvreté de son insertion sociale et ses dispositions psychiques. Selon lui, ce dernier est à la limite de la psychopathie. « Il est possible que, lorsqu’il prendra conscience de la portée de ses actes, il s’effondrera », prédit l’expert qui conseille un accompagnement socio-éducatif et un suivi psychologique au moment de sa remise en liberté.

Interrogé sur son enfance et son adolescence, Nicolas Dos Reis déclare : « mon enfance, ça va. Il n’y a pas eu de problème. » Devant l’insistance du président de la cour qui ne comprend pas ce mutisme, l’accusé répond : « je montre rien. Je travaille dessus en prison. Je lis des livres. Je parle avec un aumônier protestant. Avec les psychiatres, je n’y arrive pas. »



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15h45 : le frère de Nicolas Dos Reis n’est guère plus bavard


Anthony Dos Reis a à peine trois ans de plus que son frère et un parcours chaotique également. Avec deux amis , il a été condamné en 2008 pour avoir jeté des cocktails molotov sur une salle de fêtes vide après avoir été refoulé d’une soirée. « Je ne lui ai jamais dire de faire comme moi », se justifie le grand frère. « Il n’avait pas la même vie que moi. Moi, je trainais. Il était toujours à la maison, calme. »

Ne pas s'épancher semble être une règle dans cette famille.



Le président de la cour est obligé de lui relire ses déclarations devant les gendarmes : « après la séparation de nos parents, tout est parti en couilles. Mes parents se battaient tellement que  les gendarmes ont dû intervenir à plusieurs reprises. » Le jeune homme acquiesce et renchérit « au divorce de nos parents, je ne sais pas ce que Nicolas a ressenti car il ne disait pas. »

Il a noté un changement dans l’attitude de Nicolas quand celui-ci s’est installé à Dijon. « Il se la racontait. Il se prenait pour ce qu’il n’était pas. » « Pourquoi selon vous ? », demande Philippe Theurey, le président. « Pour qu’on s’intéresse à lui », répond laconique Anthony Dos Reis. « C’est sans doute qu’il y avait un manque », interroge Philippe Theurey. « Ouais », rétorque tout aussi laconiquement Anthony Dos Reis.


17h30 : le père de Nicolas Dos Reis est appelé à la barre


Les premiers mots du père de Nicolas Dos Reis vont aux victimes. il décrit ensuite son fils: « C’était un garçon très gentil, calme, normal. (…) Je ne suis pas d’accord avec le rapport des éducateurs. J’étais un père présent. On causait dans notre famille. J’ai toujours parlé avec mes enfants. Ils avaient ce qu’il fallait à la maison pour ne pas aller de travers. Il a vu l’exemple de son frère mais je l’ai mis en garde : ne fais pas ça, c’est pas bien !»



Comme quasiment toute la famille, Christophe Dos Reis pense que la relation de son fils et de Rémi Kukulinski est en cause dans cette affaire. « J’ai dit et redit mille fois que je ne voulais pas qu’ils se voient. Les deux derniers mois, je n’avais plus de nouvelles de mon fils. En fait, il revoyait Rémi à mon insu. »

"J'ai coupé un peu les ponts avec mon fils de puis les faits. J'ai été touché!", admet Christophe Dos Reis


Christophe Dos Reis admet ne pas avoir écrit ou vu son fils depuis les faits. « J’ai été touché en plein cœur. Je pense aux victimes. Mon nom a été sali. Mais les liens ne sont pas coupés définitivement. J’ai prévu de renouer mais il me faut du temps. »




18h00 : témoignage de la grand-mère des deux accusés


Liliane Morin s’exclame, des sanglots dans la voix, à la barre : « ce sont deux gosses qui ont fait une grosse bêtise.


« Ils ne se sont pas rendu compte de ce qu’ils faisaient ! »


La grand-mère décrit Rémi Kukulinski comme « un gosse mal dans sa peau », le mal-aimé de sa famille. « Je n’ai jamais vu son père l’embrassait, il aimait sa mère, elle ne le lui rendait pas souvent, il était le vilain petit canard pour ses frères. Tout se terminait en cris et en bagarres. » Je n’ai jamais eu de problème avec lui jusqu’à ce qu’il me vole ma voiture.

« Pour Nicolas, c’était différent. Il a souffert du divorce de ses parents mais cela n’avait rien à voir avec Rémi », poursuit Liliane Morin.

Le matin des faits, la grand-mère raconte qu’elle a vu ses deux petits-enfants. Rémi était venu chercher des vêtements accompagné de son cousin. Elle les met en garde : « ils étaient ensemble. Je savais qu’il allait se passer quelque chose de grave (…).

« Quand j’ai vu les informations à la télé, j’ai su que c’était ces deux abrutis ! »


Toute cette journée, Nicolas Dos Reis n’a trahi aucune émotion devant les déclarations de ses proches et des experts.


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18h30 : l’audience est suspendue jusqu’à demain 9h. La cour examinera la personnalité de l’autre accusé, Rémi Kukulinski.

 

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