A 33 ans, Francis Mourey est en passe de "prendre son destin en mains" pour devenir champion du monde de cyclo-cross, de l'avis de son directeur sportif Marc Madiot qui est confiant dans les chances du Français dimanche à Hoogerheide (Pays-Bas).
Francis Mourey va effectivement relever son éternel défi, dimanche sur le parcours néerlandais de Hoogerheide, où il tente de devenir champion du monde de cyclo-cross, 21 ans après Dominique Arnould.
Auteur d'une saison pleine jusqu'à présent, le Franc-Comtois rivalise avec les spécialistes belges. Jusqu'à avoir gagné une manche de la Coupe du monde pour la première fois depuis sept ans.
"Tous les signaux sont au vert", reconnaît Mourey, qui a décroché voici trois semaines son... huitième titre de champion de France (record du genre). "J'ai mes chances... comme les autres".
"L'objectif est clair: c'est le podium. Et j'espère, sur la plus haute marche. Je suis dans une bonne année. Je suis persuadé que je peux y arriver. Sur la force physique, je suis au même niveau que mes adversaires. Il me manque le facteur chance", ajoute le coureur de 33 ans qui a bâti sa carrière à la façon du maçon qu'il a été à ses débuts, avant de signer son premier contrat professionnel en 2004.
Souvent placé dans les cinq premiers du Championnat du monde, Mourey n'est monté qu'une seule fois sur le podium. C'était sur la troisième marche, en 2006, aux Pays-Bas déjà (Zeddam). La faute à l'absence de réussite souvent, à un moment de déconcentration parfois, à l'adversité belge toujours.
"S'il pleut, ça peut m'arranger"
La malchance s'en est aussi mêlée l'an passé quand Mourey, à l'avant de la course, perdit toute chance par la faute d'un incident mécanique survenu loin des stands sur le circuit américain de Louisville. La voie était libre pour les spécialistes belges, à commencer par leur chef de file Sven Nys sacré pour la deuxième fois au crépuscule d'une prestigieuse carrière.
A Hoogerheide, où le public local attend un exploit du Néerlandais Lars van der Haar, lauréat de la Coupe du monde, Mourey retrouve un terrain favorable. "On y va depuis quinze ans, c'est un beau parcours", apprécie le Français, qui s'était classé cinquième des précédents Mondiaux courus en 2009 dans cette bourgade placée tout près de la terre sacrée belge: "S'il pleut, ça peut m'arranger".
Le trio médaillé de 2009 (Albert, Stybar, Nys) sera de la partie puisque le Tchèque Zdenek Stybar, qui habite à quelques kilomètres à peine, de l'autre côté de la frontière, a finalement décidé de participer. Si le double champion du monde déclare
limiter ses ambitions au podium, le camp belge vise évidemment l'or. Depuis 2001, les spécialistes flamands n'ont laissé échapper le titre qu'à trois reprises.
C'est dire la hauteur de l'obstacle pour Mourey, de loin la meilleure chance française sur le circuit tracé par le Néerlandais Adri Van der Poel. A moins de "naturaliser" le fils de cet ancien champion, le prodige Mathieu Van der Poel, double champion du monde juniors et favori cette fois de la course espoirs (il est déjà classé au 9e rang du classement mondial). "VDP" est aussi
le petit-fils de Raymond Poulidor.
Les chances de Francis Mourey
"Il a gagné en maturité et en confiance en lui", affirme le manager de l'équipe FDJ.fr, l'unique formation qu'a connu Mourey depuis ses débuts professionnels en 2004. "Je lui faisais souvent le reproche de regarder les Belges faire la course, (Sven) Nys en particulier. Il était plus en admiration qu'en concurrence avec eux. Un peu comme dans les matches de Coupe de France où le petit regarde le gros et oublie de jouer".Le déclic est venu l'an passé quand le cyclo-cross a déplacé son chapiteau pour la première fois hors d'Europe, sur le circuit américain de Louisville. Mourey, en position de gagner, avait perdu toute chance à cause d'un incident mécanique.
"Le soir, raconte Madiot, Nys est venu le voir et lui a dit: 'heureusement tu as crevé, sinon on ne savait pas comment on allait se débarrasser de toi.' C'est le plus beau service qu'il pouvait rendre à Francis Mourey".
Le Franc-Comtois, en confiance, a réussi un hiver plein. Huitième titre de champion de France, victoire dans une manche de la Coupe du monde (pour la première fois depuis sept ans), régularité au plus haut niveau.
"Protégé" au Giro "Il n'a jamais été aussi fort, physiquement et surtout mentalement", estime son directeur sportif.
Que lui a-t-il manqué jusqu'à présent ? "Le petit brin de folie qui fait qu'on prend son destin en mains, qu'on ne regarde pas les autres. Il faut aussi des circonstances de course favorables. Pour lui, cela n'a pas été encore le cas", répond Madiot
qui loue un coureur "talentueux mais surtout attachant, travailleur et reconnaissant pour l'investissement de son équipe".
"Ce serait un Graal s'il devenait champion du monde, une consécration et un juste retour des choses", estime l'ancien vainqueur de Paris-Roubaix qui fut aussi champion de France de la discipline.
Dans son autre carrière, consacrée à la route, Mourey a évolué aussi: "Il a pris conscience qu'il pouvait réussir de belles choses. Il est entré dans le top 20 du Giro, au départ un peu par hasard puis au fil des étapes, il s'est pris au jeu. Il a démontré qu'il pouvait être extrêmement compétitif notamment en montagne, qu'il récupérait bien, qu'il avait progressé".
Logiquement, le spécialiste de cyclo-cross changera de statut au départ du prochain Tour d'Italie. C'est en coureur "protégé" qu'il entamera la course rose le 9 mai à Belfast.